Consacrées au répertoire du Star Band dans les années 70 et à celui du Super Diamono dans les années 80, deux compilations mettent en évidence les visions différentes de la musique sénégalaise de ces groupes qui comptaient dans leurs rangs Omar Pene, Ismaël Lo ou encore Youssou N'Dour. Avec leurs cercles homothétiques imbriqués les uns dans les autres et laissant apparaître, au fond, une photo en noir et blanc, les pochettes de ces deux CDs ont des allures de tunnel espace-temps digne des séries télévisées de science-fiction. Emprunter ce passage, c'est l'assurance de se retrouver projeté, par exemple, au milieu du Miami, ce restaurant dakarois devenu un club réputé, connu entre autres pour avoir été le lieu de résidence du fameux orchestre Star Band. Soutenu dès 1960 par Ibra Kassé, le propriétaire des lieux, le groupe a largement contribué à écrire la bande-son de ce jeune Sénégal indépendant. Une équipe dont le jeu a évolué en même temps que ses effectifs se sont renouvelés, tout en conservant son niveau. Cuba et les rythmes latinos, en général, demeurent une de ses sources d'inspiration durant cette seconde partie des années 70. Période durant laquelle ont été enregistrés les quatorze titres réunis et parus à l'origine sur des albums sobrement intitulés Volume 6, Volume 7… Mais cette influence transatlantique perd toutefois de son caractère vampirisant au profit d'un style plus original, plus authentique. Etrangement, le Gambien Laba Sosseh est encore crédité parmi les chanteurs, mais celui qui fit les beaux jours du Star Band et fut la vedette africaine de la salsa, avait déjà pris un chemin différent à cette époque. En revanche, une autre voix marquante commence à se faire entendre sur Kelendi, Bouna N'Diaye, Litie Litie, N'Deye N'Dongo… : celle du jeune Youssou N'Dour, âgé d'à peine une quinzaine d'années, à l'époque. Son expérience avec cet orchestre de renom sera formatrice à bien des égards : "Je suis devenu mon propre producteur par révolte… parce que j'en ai eu marre d'être exploité. J'ai enregistré beaucoup de chansons avec le Star Band, et je n'ai pas été protégé par un contrat, mais bon, le groupe était mythique et c'était un honneur pour moi de jouer avec eux", peut-on lire dans sa biographie La Voix de la Medina, écrite par Michelle Lahana. Super Diamono La fin de la période faste du Star Band coïncide avec la montée en puissance d'une autre formation qui va s'imposer sur la scène sénégalaise pendant la première partie de la décennie suivante. Le Super Diamono (ou Super Jamono, d'après les pochettes d'époque), objet du second volume de cette série de compilations, s'inscrit dans un registre très innovant. Ses membres sont allés passer du temps hors de la capitale pour s'abreuver à la source de leur(s) culture(s), réfléchissant à la manière de la traduire dans la modernité, avec un ton revendicatif qui leur assure une incroyable popularité auprès de la jeunesse et des étudiants, en particulier. Au micro se succèdent Omar Pene et Ismaël Lo (avec son harmonica), deux chanteurs qui, chacun de son côté, se sont fait un nom depuis. Les enregistrements en studio ont le goût du live, avec des musiciens en pilotage automatique qu'on imagine jouer les yeux fermés, le sourire aux lèvres, prêts à monter au front pour leurs solos. Les guitares électriques, les synthétiseurs ou encore le sax soprano ne font pas dans la demi-mesure ! Cet afro-jazz ou afro-feeling, comme on a pris l'habitude de l'appeler, est une machine aux rouages parfaitement huilés et dont la prestation s'avère impressionnante tout au long des onze titres sélectionnés sur ce CD, issus de cinq albums originaux. Dommage que, dans leur louable effort de traçabilité des chansons, les producteurs de cette compilation se soient mélangés les pinceaux et aient fait du coup de lourdes erreurs qui, d'un point de vue historique, risquent de créer une certaine confusion à l'avenir. Là ou une totale clarté aurait été bienvenue.