Le nouveau morceau, style rap, de Mohamed Ali Ben Jemaâ, Ana Fhimtkom, diffusé par certaines chaînes locales, fait un tabac sur les réseaux sociaux, notamment, facebook, suscitant l'engouement des jeunes et même des moins jeunes, et ce, pour plusieurs raisons : la dimension à la fois parodique, dénonciatrice et musicale de la chanson diffusée sur fond d'un montage d'images, illustrant le sens de cet opus réalisé en hommage à la Tunisie libre et nouvelle, aux jeunes martyrs de la Révolution de la liberté et de la dignité, ainsi qu'aux rappeurs et à tous les artistes engagés. Le clip tourne en dérision le troisième et dernier discours de l'ancien président déchu, anonné pendant la Révolution de la liberté et de la dignité : il s'ouvre sur un prologue caricatural où le dictateur est censé adresser un message aux jeunes d'Arabie Saoudite, là où, expulsé, il a trouvé refuge. Il commence par lâcher le fameux "Oui, je vous ai compris", pâle imitation, à la limite du plagiat, de la célèbre phrase du général Charles De Gaulle, lancée lors de son discours durant la guerre d'Algérie. Mais ne comparons pas l'incomparable, car le discours pas du tout crédible de Ben Ali à travers lequel il a cru berner et manipuler les jeunes révolutionnaires, est, pour le moins, mensonger, ridicule et se prête, fortement, à la caricature. Et l'acteur, rappeur à ses heures, M.A. Ben Jemaâ, l'a compris, puisque c'est une voix grave qui imite celle du dictateur en énumérant certaines de ses annonces facétieuses et mystificatrices du genre, In'Am Fhemtkom, Bikoll Hazm (énergiquement) Echabab (les jeunes), El Watan (la patrie), Ghaltouni (on m'a trompé). La chanson s'emballe dans la foulée et Ben Jemaâ, la rage au cœur, d'une voix intrépide dénonce les mensonges et les méthodes de Ben Ali égrenant, dans les couplets rimés, tous ses méfaits entre racket, vol, corruption, censure, répression des jeunes, confiscation des libertés et de la démocratie sur fond de musique rap aux sonorités énergiques, entre funk et R&B. Rythmé façon beat. Les refrains sont enlevés, heurtés et saccadés et dans l'ensemble le morceau plaît et se laisse voir également, puisque des photos et dessins étayent le texte. Défilent des clichés dont le dictateur, façon Charlie Chaplin, et d'autres portraits d'artistes tunisiens réprimés et brimés physiquement et intellectuellement. Cela, outre des croquis d'une tête de mort, d'une langue coupée, d'une bouche fermée avec un zip. Au final, le cliché d'un fauteuil vide représente la perte du pouvoir suivi d'un dessin faisant un parallèle entre la révolte de mai 68 et la révolution du 14 janvier 2011. La messe est dite, échec et mat, Ben Ali a fui. Fuite et fin.