Par Ali TRABELSI La vigilance ne doit en aucun cas et sous aucun prétexte faiblir, car les menaces sur la Révolution sont réelles et peuvent se révéler fatales. Et ce ne sont pas ces actes de vandalisme commis par les groupes armés par l'ancienne famille au pouvoir qui constituent le vrai danger pour l'avenir de la Révolution, mais ce sont plutôt les irréductibles et nostalgiques du régime déchu. Ces derniers, après le choc consécutif à la chute de la dictature, refont surface et font entendre leur voix de manière pernicieuse derrière des slogans n'ayant rien à avoir avec leurs convictions, mais que les circonstances ont contraints à les adopter. C'est une menace réelle aujourd'hui palpable à travers certaines déclarations, prises de position ou écrits. Habituée aux virages à cent-quatre-vingts degrés, cette espèce bien particulière s'est remise à faire parler d'elle, profitant en cela du climat de liberté d'expression et de démocratie qui prévaut. Son discours bien enrobé des plus belles expressions fait vraiment mouche et touche le tréfonds du Tunisien pas encore rassuré sur son avenir, d'autant que jusqu'ici aucun des partis politiques n'a présenté ou proposé un programme ou tout au moins une ébauche de programme allant dans le sens du rêve né de la Révolution. Sur ce point et à quelques petits pas des élections annoncées, on est réellement désappointé et tout le monde ne sait pas de quoi demain sera fait. A travers les médias, rien ne perce sinon de la parlote vide de toute substance. On évoque trop le passé, surtout récent, on théorise sur la Révolution qui a déboulonné la dictature, on s'attarde sans réel intérêt sur des sujets de faits divers, mais rien de tangible sur cette Tunisie rêvée par ceux qui ont payé de leur vie ou par cette jeunesse qui a bravé tous les dangers et est descendue dans la rue crier sa colère devant les excès et l'injustice dont elle était victime. Devant cette indigence des politiques hier muselés et écrasés pour leur vision émancipatrice du joug de la dictature, la brèche était ouverte pour que s'y engouffrent les ennemis de la liberté et de la dignité, jouant en cela sur la fibre sensible du bon Tunisien qui a besoin de sécurité dans sa vie, dans son emploi, pour sa famille et ses proches, etc., les irréductibles du régime déchu prennent petit à petit les devants des événements, pour se poser en objecteurs de conscience puisant dans le lexique qui leur sied le mieux, celui de cette langue de bois pour distiller leurs petits conseils et leurs belles paroles afin de détourner le peuple de ses revendications les plus légitimes et pour lesquelles il a payé le prix fort. Cette espèce bien particulière a malheureusement son programme, celui du retour en arrière, et elle a aussi ses relais partout dans les rouages de la vie et surtout au sein des institutions publiques dont les réflexes demeurent ceux d'hier. Son programme, elle y croit et travaille pour le concrétiser, tant l'alternative fait défaut. Besoin urgent d'une vraie alternative. Devant cette réalité qui ne manque pas d'être inquiétante, même pour l'avenir proche, il y a urgence pour que les forces vives — ayant contribué activement à la chute de l'ancien régime — se ressaisissent pour penser le futur proche et lointain. La chute du dictateur était sans doute plus facile qu'on ne s'y attendait, celle de tracer les contours de la nouvelle Tunisie et de concrétiser ce projet est loin d'être aisée, d'autant que les ennemis de ce projet sont non seulement très nombreux mais aussi en éveil pour se mettre au travers des aspirations des Tunisiens. Des Tunisiens qui exigent aujourd'hui de leurs politiques n'ayant jamais trempé avec l'ancien pouvoir de se montrer à la hauteur du grand tournant historique que vit le pays pour proposer et agir dans le sens de l'histoire. Il faut qu'ils barrent la route aux nostalgiques de la corruption, du népotisme, de l'injustice et des inégalités. Il faut qu'ils sortent de cette sorte de léthargie béate dans laquelle ils se complaisent pour qu'il n'y ait plus de retour en arrière. Il faut en outre être vigilant face aux forces de la réaction qui guettent le moment pour de nouveau mettre sous leur botte des Tunisiens prêts à faire le sacrifice nécessaire pour bâtir un pays moderne, où il fera bon vivre pour tous ses habitants jaloux de leur liberté et de leur bien-être à venir.