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Animateurs TV : l'objectivité, ça vous parle ?
OPINIONS
Publié dans La Presse de Tunisie le 21 - 02 - 2011


Par Mohamed ELMONCEF
C'est un avocat qui accuse les municipalités tunisiennes de ce «sadisme» diabolique. Cette accusation a été lancée à partir d'un des plateaux des chaînes télévisées tunisiennes privées. Après avoir annoncé que le représentant de la municipalité qu'elle avait invité n'était pas venu, l'animatrice de l'émission n'avait pas du tout vu bon de corriger un peu les propos irresponsables de l'avocat (de qui ?). Elle avait même exprimé son accord et demandé au deuxième invité de dire quelque chose à ce propos. Même son de cloche. Pis encore : le second invité renchérit. Il n'y a que les visages et les sexes qui changent mais la bande audio est la même. On fait la fête aux municipalités, qui dit mieux ?!
Que ceux qui croient que ces lignes ont été écrites pour défendre les municipalités se détrompent. L'objectif est beaucoup plus ambitieux : défendre la Vérité ! Pas la vérité de l'avocat qui ferait de son client/criminel le plus vertueux des hommes. La Vérité telle qu'enseignée dans les écoles de journalisme.
Des plateaux TV déséquilibrés et un pays qui chavire
«La vérité est toujours à la croisée des chemins !» disent les sciences de la communication. Il faut plusieurs éclairages pour saisir le réel de la façon la plus proche de «la vérité». Le débat sur les constructions anarchiques, par exemple, n'aurait pas dû avoir lieu sans la présence des représentants des municipalités (ingénieur, police municipale..) ou de quelqu'un qui aurait pu les remplacer. Quelqu'un qui connaisse très bien les motifs et les arguments qui sont derrière leurs agissements. Quelqu'un qui maîtrise les statistiques qui nous renseigneraient, par exemple, sur le nombre des constructions anarchiques qui ont été détruites dans des «cités» qui sont elles-mêmes bâties sans aucune autorisation administrative !
Ce quelqu'un qui sait presque tout parce qu'il a enquêté à propos de presque tout avant de venir sur le plateau, la bouche de l'absent, le décrypteur des balbutiements, cette personne intègre et travailleuse qui oublie son petit moi pour se plier devant la vérité et l'objectivité, c'est le journaliste-animateur. Malheureusement, notre animatrice est loin de ressembler à ce portrait-robot du journaliste. On sent qu'elle est là pour donner la parole aux participants, qu'elle n'a pas du tout une idée approfondie du sujet traité et donc elle adhère à tout ce que dit l'invité qui semble savoir tout.
Or, tous les Tunisiens savent qu'il y a plusieurs cas où la municipalité se doit de détruire des constructions anarchiques et donc la généralisation de M. l'avocat est complètement erronée, voire dangereuse. Exemple : en 2007, un matin d'été, dans un quartier résidentiel de La Soukra, les habitants se réveillent sur un bruit assourdissant suivi de cris de femmes et d'appels au secours. Chacun sort de chez lui et accourt vers les lieux du drame en ne sachant pas ce qu'il va découvrir. C'était la maison des voisins qui s'était effondrée sur leurs têtes alors qu'ils dormaient. Une construction anarchique qui est vite montée (vite mais pas du tout bien) sans que la police municipale n'intervienne, car, dit-on, le propriétaire l'avait soudoyée. Ne valait-il pas mieux détruire ce genre de construction avant que des gens n'y habitent ?
Quand les hors-la-loi veulent faire la loi 
Vu sous cet angle, la municipalité n'est pas en train de limiter suffisamment l'apparition des constructions anarchiques. Autre cas et non des moindres, car il risque de déstabiliser toute la République pendant les années à venir : actuellement, profitant de la faiblesse passagère de l'Etat, des milliers de personnes se sont mises à construire anarchiquement des maisons qui débordent sur les terrains de leurs voisins ou en s'appropriant les domaines de l'Etat. C'est du vol pur et simple. Le genre de crime à cause duquel le peuple tunisien a fait la Révolution !
Par ailleurs, des centaines de minuscules constructions ont apparu sur les trottoirs des villes tunisiennes. De dangereux opportunistes pensent ainsi profiter de la situation pour avoir pignon sur rue en exploitant ces futurs petits commerces ou peut-être même en les louant. Il est clair que dans ce genre de cas, les citoyens sont en train de voler des terrains d'autrui pour satisfaire leurs propres ambitions. En entendant un Monsieur respectable dire  à la «sacrée sainte Télévision» que, dans tous les cas, la municipalité se doit de ne pas détruire les constructions anarchiques et de trouver une autre solution avec les contrevenants, ces citoyens risquent fort de se croire en leur droit puisque personne n'était là sur le plateau de cette télé pour nuancer ou contrecarrer ces propos. En bref, ce soir-là, l'animatrice de l'émission n'avait pas fait «son boulot» et à cause de cette faille on pourrait se trouver dans une situation où ces contrevenants risquent de montrer une opposition farouche à la police municipale qui tenterait de détruire ces laideurs construites dans l'illégalité sur des terrains volés ! Le sang coulera, des gens s'immoleront peut-être parce que personne n'était sur ce plateau télévisé pour dire que le vol est punissable ou sur d'autres plateaux télévisés pour rappeler que le suicide (en s'immolant) est très préjudiciable.
Les ingénieurs agronomes exploitant des fermes louées à l'Etat et dont les propriétés et les biens font actuellement l'objet de pillages par le «petit peuple» accusent aussi ce genre de plateaux télévisés déséquilibrés et ne respectant pas le principe de l'objectivité journalistique d'être, en partie, responsables de leurs malheurs. C'est en ces termes que, lors d'un débat télévisé, l'un de ces exploitants agricoles, s'adressant à l'animateur du débat, a formulé ces accusations : «En traitant d'un sujet qu'ils ne connaissent pas suffisamment, en présentant les fermes de l'Etat comme une vache à traire par la famille de l'ancien président, les animateurs des débats télévisés ont fourni un semblant de légitimité pour ce genre de pilleurs qui croient ou veulent faire croire que toutes ces fermes appartiennent aux Trabelsi et donc il devient légitime de les piller». Aucun commentaire de la part de l'animateur!
C'est aussi en glorifiant le métier des vendeurs ambulants, parce que la première étincelle de la Révolution est partie du geste désespéré de l'un d'eux, que ces médias ont fait croire, à leur insu, à ces gens qu'ils pouvaient mettre leurs charrettes où bon leur semble. Ils vendent ainsi une marchandise dont l'origine est souvent douteuse en concurrençant ainsi les honnêtes commerçants qui ont chèrement payé leurs commerces, qui s'acquittent de leurs devoirs à l'égard des impôts et qui font travailler des milliers d'usines employant des centaines de milliers de travailleurs. Tout ce beau monde est en danger maintenant. A Tunis, ces vendeurs ambulants, dont une partie serait en train de vendre de la marchandise volée des usines et des commerces qui ont été pillés et brûlés après la Révolution, ces mêmes vendeurs qui ont depuis longtemps servi de revendeurs de la camelote importée illégalement par les Trabelsi, exigent maintenant que les magasins de Tunis ferment parce qu'ils leur font de l'ombre ! C'est pour cette raison que les commerçants de Tunis ont observé une grève le jeudi 17 février.
Vu à la télé : faisons le procès de tous !
Pis encore : des voix s'élèvent maintenant, à partir de ces débats télévisés très influents sur le cours des évènements, pour dire qu'il faut poursuivre tout employé qui aurait exécuté des ordres permettant aux Trabelsi de contracter des prêts bancaires, fonder des affaires ou dédouaner des conteneurs auxquels ils n'avaient pas droit. A ce grave appel aux poursuites judiciaires, l'animateur du débat s'est quand même opposé en disant que ceci déboucherait sur le procès de l'écrasante majorité des Tunisiens travaillant dans le secteur tertiaire et des hommes d'affaires qui, de toutes les façons, «ne pouvaient pas dire non à l'ancien chef de l'Etat et ses appendices».
Ce à quoi un des participants avait répondu sans que l'animateur ne s'y oppose (il ne faut pas insister, ce n'est pas dans l'air du temps ?) que chaque employé pouvait avoir le courage de dire Non. La preuve ? «Mac Donald !», nous répond l'intervenant. La puissante chaîne alimentaire mondiale, capable peut-être de faire capoter des régimes entiers, avait, paraît-il, refusé de s'intéresser au marché tunisien parce que la condition pour y accéder était de prendre comme associé un certain Belhassan Trabelsi. N'est-ce pas une aberration que de comparer le petit employé de douane à Mac Donald ? Ce qui est encore plus aberrant ce que personne ne l'ait dit sur ce plateau télévisé où régnait une entente absolue sur presque tout. Où est donc le débat si l'on s'entend sur tout ? Ceci dit, une chose est certaine, il y a des Tunisiens qui ont eu l'immense courage de dire non à la dictature. Parmi ceux-là, une vidéo apparue sur facebook, au lendemain de la révolution, nous parle d'un responsable au sein de la douane qui avait refusé d'octroyer aux Trabelsi les autorisations nécessaires pour dédouaner des produits alimentaires défectueux qu'ils avaient importés. La belle-sœur de ce grand Monsieur, qui vit cachée en France, nous informe que les Trabelsi avaient d'abord essayé d'acheter son accord avant de le menacer. Voyant que le courage de cet héros était sans limite, les Trabelsi auraient envoyé un commando, pendant la nuit, à son domicile pour le tuer. Après ce meurtre, le commando, menaçant de tuer ses enfants, aurait obligé la femme du fonctionnaire honnête de transporter le cadavre de son mari dans sa voiture. A quelques kilomètres de sa maison, la femme aurait été arrêtée par une certaine police et quelques semaines après condamnée par un certain juge à la peine capitale pour le meurtre de son mari ! Le pire dans toute cette histoire est que le courage de cet homme n'avait servi à rien.
La marchandise défectueuse a été dédouanée et la douane est restée au service de ces bandits qui avaient la couverture de l'Etat !
Il y a aussi des hommes d'affaires qui s'étaient opposés au racket des Trabelsi. Les frères Ben Ayed, les fondateurs du groupe Batam auraient refusé d'accepter Belhsan Trabelsi parmi leurs associés, et ce, malgré ses menaces de faire capoter leur tentaculaire, juteuse et puissante affaire. Ces hommes d'affaires, connus pour leur sérieux, croyaient que ces menaces ne pouvaient pas être mises à exécution. Le crime aurait été trop flagrant et irresponsable pour que le Chef de l'Etat puisse le permettre. Mais le dictateur l'aurait permis et Batam est tombé en pleine période d'ascension. Des centaines de familles s'étaient trouvées sans ressources, des dizaines de fournisseurs avaient fait faillite, des banques entières étaient sur le point de capoter. Batam s'était désintégrée et les Trabelsi se sont enhardis !
Tous ces exemples et bien d'autres ont appris aux Tunisiens qu'il était vain de tenter de se rebeller d'une façon individuelle. Quant aux groupes de pression tels que les syndicats et les différentes associations, ils étaient fortement muselés. Par ailleurs, les médias véhiculaient toujours une image positive de l'ancien chef de l'Etat (bon père de famille, créateur du fonds 2626 dont une partie était volée, pensait-on, mais le plus gros servait à aider les zones défavorisées…) qui était parfois légèrement entachée par des bruits critiques à peine audibles provenant de la presse occidentale. Mais le jour où les Tunisiens, grâce à facebook, ont vu de leurs propres yeux ce que le régime de ce dictateur pouvait commettre comme crimes à l'égard des déshérités de Thala, Kasserine ou de Sidi Bouzid lors de leur soulèvement pour dire non à l'oppression, ce jour-là le peuple tout entier s'est levé pour dire non à la dictature.
Et il n'y avait que ce genre de révolte populaire qui aurait pu conduire à la Révolution et la libération de tout un pays tenu en otage. La révolte d'un peuple et l'appui de l'armée. Une armée qui avait merveilleusement fait son travail : défendre le peuple de ses agresseurs. Pourvu que les journalistes de la télévision en fassent autant.
L'arme de ces journalistes pour gagner la guerre contre la désinformation qui peut conduire à l'échec de la Révolution sera l'objectivité et le professionnalisme. Une denrée rare de nos jours dont la culture incombe aussi aux propriétaires de ces chaînes de télévision qui se doivent de choisir les meilleurs journalistes pour suivre et «encadrer» la vie politique de la Tunisie d'aujourd'hui.


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