Au cours de l'héroïque et audacieuse révolution du peuple tunisien, qui a forcé l'ancien président à quitter le pays sur la pointe des pieds, les Tunisiens vivant à l'étranger étaient à la fois si loin et si proches de leur mère patrie. En effet, pour être en phase avec les événements qui ont secoué le pays durant plusieurs semaines, ils n'ont pas manqué de moyens étant donné la large couverture des médias internationaux de ce qu'ils ont qualifié de première révolution du XXIe siècle ou la première révolution Facebook ou encore la première révolution Wikileaks. Outre les médias traditionnels, Internet et notamment les réseaux sociaux tels Facebook ont constitué un véritable hot ligner qui a permis aux Tunisiens expatriés d'être à la page et de s'informer en temps réel de tout ce qui se passe au pays, et ce, en recevant un flux d'images, d'enregistrements vidéo, des messages, des commentaires… Par ailleurs, nos compatriotes ne se sont pas contentés de suivre les événements devant leurs écrans, mais ils y ont activement participé. Maroua, 27 ans, qui poursuit ses études de troisième cycle en anthropologie à la faculté des Lettres et de Philosophie à Turin en Italie, précise : «Je n'ai commencé à suivre les événements qu'au début du mois de janvier. en effet, j'ai lu auparavant quelques articles sur Internet et dans les journaux locaux évoquant le (suicide) d'un jeune homme de Sidi Bouzid et les protestations qui ont suivi ce drame, et j'ai été seulement informée par les médias occidentaux. J'ai réalisé qu'il s'agissait d'un acte isolé provoquant des émeutes régionales comme celles survenues en 2008 à Gafsa… mais les faits ont vite évolué et la donne a changé et grâce aux chaînes de télévision comme France 24 et Al Jazeera… je me suis rendu compte qu'il s'agissait d'une révolution et non pas de simples émeutes… Depuis, je suis collée à mon ordinateur, je communique avec ma famille et mes amis en Tunisie, j'ai suivi minute par minute le déroulement des événements… Les manifestations qui secouent le pays, la présence des forces de police dans les rues de Tunis, le couvre-feu, l'état d'urgence, la militarisation de la capitale… J'étais tendue, voire angoissée mais ma joie était énorme après la fuite de Ben Ali. J'étais comblée de fierté et j'ai regretté ne pas être en Tunisie durant ces moments historiques». Mehdi, 24 ans, exerce depuis 5 ans en qualité de manager dans un hypermarché à Dubaï. très bouleversé, il dit : «J'ai quitté Tunis fin décembre après un mois de vacances, ainsi j'ai vécu le début des événements, et le jour de mon départ, je n'ai jamais pensé que cela va engendrer la chute de Ben Ali… Après sa fuite, des informations nous sont parvenues faisant état d'un immense désordre, d'incertitude et d'insécurité… Dès lors, j'ai commencé à m'inquiéter et surtout pour ma famille... et comme tous les Tunisiens ici, j'étais connecté en permanence sur Facebook et j'ai appelé tout le temps pour m'assurer qu'il n'y avait pas de mal…». Côté France, Ridha, 28 ans, animateur à Canal 6 affirme :«Le statut du Tunisien a totalement transformé ici le regard des gens et leur comportement à notre égard a changé… Tous mes collègues à Canal 6 ont affiché un grand soutien à la révolution tunisienne, ils étaient émerveillés que les Tunisiens soient parvenus à chasser leur dictateur». En réponse à ma question : Comment avez-vous participé à la révolution, il dit : «D'abord, sur facebook, on partage tout ce qui nous parvient du pays avec nos compatriotes et nos amis en France et partout en Europe. Ainsi nous avons pu promouvoir la cause tunisienne. Nous avons œuvré pour que l'opinion publique européenne en France, en particulier, et en Europe en général prenne conscience de ce qui se passe en Tunisie. Et en quelques jours, une forte mobilisation s'est lancée sur le Net. De plus, des manifestations ont été organisées, notamment celles du 13 janvier à la Place de la République, le lendemain devant l'ambassade de Tunisie et le 15 janvier près de l'hôtel de ville à Paris, et toutes ont connu une forte participation de la part des Tunisiens, des Maghrébins, ainsi que des Français indépendants ou ceux qui représentent des partis politiques, des ONG ou des organisations de défense des droits de l'homme». Quant à l'après-Ben Ali, Ridha affirme : «Nous sommes optimistes, nous avons confiance en notre peuple, convaincus que les Tunisiens qui ont fait l'histoire vont réussir à mener à ses nobles fins la révolution de la liberté…». En somme, l'exploit est grandiose, ses échos rententissent dans toutes les contrées, éblouissent le monde et donnent des ailes aux rêves des peuples opprimés, leur montrant le chemin de la liberté. Cependant, ce qui reste à faire pour notre nouvelle Tunisie est certes aussi difficile et important, mais ce qui est certain aussi, c'est que la Tunisie n'est plus ce qu'elle était avant la mémorable et glorieuse journée du 14 janvier 2011.