Le parc du Belvédère sera divisé en trois lots à mettre en concession au profit d'un promoteur privé pour utilisation dans des activités commerciales et de loisirs. C'est l'appel d'offres qui aurait pu être publié dans les journaux quelques jours avant la chute de l'ancien régime. Cette affaire aurait même pu être traitée de gré à gré, comme le souligne Mme Emna Charfi, membre de l'Association des amis du Belvédère. Evidemment, le marché était destiné au clan Ben Ali pour des buts lucratifs. Autrement dit, le bien public, en l'occurrence le parc du Belvédère, est mis à la disposition de la famille du président déchu de façon indirecte. Cette démarche est souvent utilisée pour mettre la main sur divers projets rentables. Il s'agirait dans le cas d'espèce de publier un appel d'offres auquel participeraient plusieurs investisseurs dont une entreprise appartenant au clan présidentiel. Toutes les candidatures sont éliminées pour laisser la place à la seule entreprise qui propose l'offre la plus attirante. Et ce sont toujours les mêmes entreprises qui sont sélectionnées! Obligés d'approuver toutes les mesures Les responsables au plus haut niveau étaient obligés d'approuver toutes les mesures sans émettre la moindre réserve au risque d'être démis de leurs fonctions. Mettre en concession le parc du Belvédère en lots était donc tout à fait normal. Transformer sa vocation pour en faire un lieu de commerce et d'hôtellerie au lieu de continuer à l'exploiter en parc de loisirs pour les familles et les enfants était pour le clan Ben Ali tout à fait possible. Ce parc date de la période coloniale et se distingue par sa diversité florale et sa verdure en plus des bâtiments érigés. En fait, le projet consiste à bâtir 50 chalets et un hôtel avec vue panoramique. Pour ce faire, il était prévu de raser plusieurs bâtiments dont le siège de l'Association des amis du Belvédère. L'association s'est opposée à ce projet et a envoyé plusieurs lettres de protestations à la municipalité de Tunis en exigeant d'être consultée pour la réalisation d'un projet de cette envergure. Malheureusement, ses protestations n'ont pas eu de suite favorable, la municipalité considérant que la concession ne peut pas faire l'objet d'une consultation. Les travaux de ce projet auraient pu commencer le 1er février 2011. On aurait même programmé une réunion du Conseil municipal pour examiner ce projet de concession. La mainmise sur le parc du Belvédère a commencé en réalité sur la période 2008-2010 avec le début de construction de 4 villas avec des titres de propriété dans la poche. Manifestant son opposition à ces projets, l'association a fait l'objet de pression et d'intimidation. Situé dans un lieu stratégique en plein centre-ville, le parc est fréquenté par des milliers de citoyens et même des touristes qui s'y rendent pour profiter des vertus de la nature dans un site historique très apprécié. L'ouverture d'un hôtel dans cet espace constitue donc un projet juteux. Les promoteurs qui ne sont autres que des membres de la famille de l'ancien président pensaient donc utiliser un lot en tant qu'établissement hôtelier avec restaurants et club de divertissement destiné aux touristes qui veulent passer quelques jours chez nous au milieu de la verdure à l'instar de Disneyland en France. On a même autorisé l'arrachement de 100 arbres qui conféraient pourtant au parc une vue esthétique parfaite. Evidemment, tous ces projets auraient fait travailler de nombreuses compétences et une main-d'œuvre spécialisée, ce qui est a priori salutaire. Les différents projets rentables auraient pu également drainer de nouveaux investissements et rapporter des devises. Des compétences reconnues et indépendantes Cependant, ce qui est discutable, voire inacceptable, c'est le principe et la démarche adoptée. En effet, la décision de diviser le parc du Belvédère en lots pour le donner en concession aux privés ne doit en aucun cas être prise de façon unilatérale, selon les spécialistes. Même proposés au Conseil municipal, de tels projets sont souvent adoptés à l'unanimité, les conseillers appartenant au Rassemblement constitutionnel démocratique étant majoritaires. Une telle décision délicate devrait, en principe, être soumise à l'approbation de tous les conseils élus, de la société civile et des compétences reconnues et indépendantes. S'agissant de la démarche adoptée, c'est le flou total et le manque de transparence. Sinon comment expliquer que seules les entreprises du clan Ben Ali soient sélectionnées après lancement des appels d'offres. Traiter le projet de gré à gré avec une entreprise privée du clan présidentiel est également inadmissible. Une telle démarche a été vérifiée dans d'autres projets grandioses et rentables dont la réalisation a été confiée à des entreprises appartenant au clan Ben Ali ou Trabelsi. Il n'est pas normal, en effet, d'éliminer les autres entreprises de ces projets juteux sous prétexte que leurs offres ne sont pas attractives. Une fois l'entreprise chargée des travaux sélectionnée, tous les mécanismes de l'Etat se mettent en marche, y compris les banques pour octroyer des crédits préférentiels. Les projets sont également légiférés avec publication au Journal officiel de la République Tunisienne des informations juridiques nécessaires pour être en règle à l'égard de la loi.