Un article paru dans le quotidien de langue arabe, Essabah, un journal réputé sérieux, me pousse à vous présenter un personnage que vous ne connaissez pas; il s'agit de Ferdinand Lop, un personnage atypique, bizarre, enfoui dans la mémoire de la génération de ceux qui, comme moi, ont vécu à Paris dans les années 50 ; et vous allez comprendre que l'histoire a le don de se répéter en ce sens que nous, en Tunisie, nous avons depuis quelques années déjà, dans la personne de M. Chédli Zouiten, notre F. Lop. Ferdinand Lop, que nous appelions, à cette époque, maître Lop, était un professeur d'histoire, agrégé de surcroît et camarade de promotion de Georges Bideau qui fut le premier ministre des Affaires étrangères du général de Gaulle. Un homme, somme toute respectable, honorable qui, fort malheureusement un jour, prit froid et perdit la raison. Il se mit dans la tête, ou lui a-t-on mis dans la tête, que son destin était de devenir président de la République. Voyant le parti ludique que l'on pouvait tirer d'un tel personnage, l'organisation des étudiants, l'Unef, l'intégra dans ses programmes de festivités. Revenons d'abord à M. Zouiten qui, évidemment, ne partage avec M.Lop que le désir de devenir président de la République, car, à ma connaissance, il donne l'impression de jouir de toutes ses facultés mentales; vouloir accéder un jour à la magistrature suprême est une démarche tout à fait honorable, et M. Zouiten ou tout autre citoyen qui remplit les conditions requises est en droit de postuler à cette charge. Mais là ou le bât blesse, c'est quand il nous sort cette affaire saugrenue et grotesque qui consiste à déclarer dans un quotidien de la place et pas des moindres, Essabah, en première et en quatrième page, que, Bourguiba, ayant appris qu'il allait, en 1974, se présenter contre lui et lui ravir la présidence de la République, a décidé de le liquider ; c'est tout simplement du délire et un délire donquichottesque. Je n'ai pas de conseils à donner à M. Zouiten, mais je peux quand même me permettre de lui dire que maintenant les portes des candidatures seront ouvertes à ceux qui, comme je l'ai signalé plus haut, présentent les conditions requises à ce poste ; mais attention, pour se présenter devant les électeurs, il faut avoir un programme. M. Lop, pour les élections de 1952, à la présidence de la République française, en avait un que lui ont concocté les étudiants : il promettait, en cas de succès, de faire construire une vespasienne tous les cinquante mètres tout le long de la route qui mène du boulevard Saint Michel à Paris à la Cannebière à Marseille. Il va sans dire que si M. Zouiten continue à divaguer, comme il le fait, je crains, pour lui, qu'il n'attrape cette maladie que nous avions appelée, à cette époque, le lopisme. Sous la pression de sa femme que nous appelions Sa-Lop, M. Lop a fini par prendre sa retraite. C'est vous dire, mon cher Chedli Zouiten, que même les clowns prennent leur retraite.