La Presse — A bien considérer l'évolution du secteur culturel en Tunisie, l'on se rend à l'évidence d'une effervescence dont la courbe de progression monte dans un beau et fier parallèle avec les paramètres du développement global. Cette ascension de la culture n'est point seulement mesurable en termes statistiques, mais elle est soutenable du point de vue de la qualité, de la rigueur et du professionnalisme. Autrement dit, la culture, envisagée comme partie prenante du développement, est désormais gérée dans une optique englobant le culturel, le spirituel, le social et l'économique. L'année 2009 s'avère être syntaxique à ce propos. Elle a donné les premiers fruits des promesses cultivées par la stratégie culturelle nationale qui fut sans cesse réajustée tout au long de ces vingt dernières années et ponctuée par des décisions augustes profitant à toutes les subdivisions du secteur (cinéma, théâtre, livre, arts plastiques, musique, littérature, patrimoine…). La consécration de Kairouan capitale de la culture islamique pour l'année 2009 a été l'occasion d'un forum privilégiant la mise au point des principes fondamentaux de la culture islamique. Si cette manifestation a revigoré le statut de Kairouan comme l'une des villes saintes les plus réputées au monde et, partant, comme le bastion d'une inestimable richesse patrimoniale matérielle et immatérielle, d'autres acquis sont à relever. D'abord, la mise en œuvre d'un programme de promotion culturelle de la région en plus de la promotion sociale et économique. Ensuite, Kairouan s'est brillamment prêtée au prestigieux rôle de catalyseur du débat sur la tolérance et le dialogue des religions, voire des civilisations. C'est dire l'incidence de cette action sur la dynamique qui régit l'ensemble des plans et programmes couvrant le patrimoine et les différentes expressions artistiques et culturelles. Le livre, support de deux valeurs cardinales dans notre politique culturelle : la connaissance et l'instruction, a été au cœur des préoccupations de l'Etat. Le secteur subissant une crise de croissance a fait l'objet d'une consultation à l'échelle nationale. Réseau bibliothécaire, problèmes structurels, perspectives de la formation des ressources humaines, diffusion, exportabilité, motivation à la lecture, protection de la propriété littéraire furent autant d'axes débattus lors de cette consultation. Dans son discours prononcé à l'occasion de la Journée nationale de la culture, le 25 février dernier, le Président Ben Ali a ordonné d'activer et de mettre en œuvre les recommandations formulées par l'instance de cette consultation. Un autre paradigme du choix consultatif dont procède la stratégie culturelle nationale : la consultation nationale sur le théâtre qui a fait la jonction avec la célébration en 2009 du centenaire du théâtre tunisien. Le théâtre tunisien avance, se réinvente, s'interroge sur lui-même, sur ses modes créatif et productif, sur les procédés de sa diffusion et de son exportation. Ses voies se multiplient, se diversifient et dans son horizon pointent les signes de la relève sur une toile de fond tout à fait spécifique à la Tunisie : le soutien des pouvoirs publics prodigué tout aussi bien aux structures publiques, privées, professionnelles qu'à celles du théâtre amateur. 2010, l'année du cinéma Après le théâtre et le livre, après la consécration et la valorisation de Kairouan, la célébration des centenaires de Chebbi, de Douagi et de Fadhel Ben Achour, loin de se suffire à ces lauriers, des perspectives de promotion sont prospectées par l'Etat. Le cinéma, considéré comme une industrie, sera au centre des préoccupations de la stratégie culturelle. L'année 2010, proclamée année du cinéma tunisien conformément au programme électoral du Président Zine El Abidine Ben Ali, le 7e art sera célébré, mais il fera l'objet d'une action de réflexion et de mise en valeur, ce qui laisse prévoir de nouvelles mesures en faveur de sa promotion. En fait, le secteur cinématographique, en pleine expansion, est parcouru par nombre de mutations. Il est confronté tout aussi bien à de nombreux défis, notamment d'ordre économique. La musique que le Chef de l'Etat vient de gratifier dans son discours du 25 février 2010 d'une manifestation prestigieuse (les journées musicales de Carthage), à l'instar des JCC et des JTC, après avoir également profité d'une session de consultation nationale, n'est pas en reste des autres expressions culturelles. Du côté du patrimoine, l'action de sauvegarde s'insère dans l'optique de la préservation des cons-tantes identitaires de la Tunisie. Dans le programme du Président Ben Ali, une place de choix a été accordée à cette action. Elle prévaut par la volonté d'intégrer le patrimoine dans une dynamique à la fois culturelle et touristique, donc économique. Le ton est également donné dans ce programme concernant la valorisation des potentialités créatrices et intelligentes du secteur. Et pour preuve, les dispositions consacrant le congé culturel pour la création, la couverture sociale des artistes et la révision des droits d'auteur et de la protection de la propriété littéraire et artistique. Les promesses tenues quant à l'augmentation en 2009 du budget de la culture au taux de 1,5% de celui de l'Etat concrétisent sans conteste la volonté de promouvoir le secteur et de le prémunir contre la marginalité, tout en l'insérant dans une logique d'évolutivité consécutive aux défis auxquels est confrontée la chose culturelle dans le monde. Si ces différentes dispositions qui ont fait leurs preuves tout au long de l'année 2009, tout en générant des perspectives prometteuses pour le nouveau quinquennat, renforcent la substance des choix stratégiques culturels, elles n'en impliquent pas moins les acteurs culturels dans la responsabilité d'un nouvel élan culturel. Les bases jetées d'un projet culturel prémuni d'une identité assumée, d'une confiance dans les ressources intelligentes, d'une ouverture sur la modernité et d'un encadrement de la relève, reste à creuser les pistes d'une culture faite dans l'inventivité, la créativité, l'imagination et surtout digne d'une cité dont le proche parachèvement atteste d'une autre promesse tenue.