Par Chokri Jaoua * Ben Ali parti, nous pensions naïvement que la dictature s'en allait avec lui, comme par enchantement Boileau appelait un chat un chat et nous devrions, aujourd'hui, lui emboîter le pas, nous Tunisiens représentant la majorité silencieuse, pour mettre fin à la dictature de l'Ugtt, des extrémistes, de la rue, des médias qui ne filtrent plus rien, comme un rein malade. Quand un déséquilibré réclame sur un plateau de télévision la tête et non plus le poste du Premier ministre, quand un représentant de l'opposition se permet d'accuser ce même Premier ministre de corruption, de mains sales, sans preuves à l'appui, sans tribunal et encore mieux sans réactions indignées de la part de journalistes présents censés animer les débats, on dépasse toutes les limites admises. On franchit tous les murs, un à un, à la vitesse du son. On propage la haine, le meurtre. On frôle l'irréel, l'apocalypse. J'observe, ahuri, la bêtise humaine, dans la rue, à l'écran, sur le Net, dans la presse écrite, partout où je pose mon regard. Chacun croit détenir la vérité absolue et nous abreuve de sa science infuse, confuse. Comme le disait si bien Guy de Maupassant, cette vérité absolue n'existe tout simplement pas. Chacun voit les choses à sa façon, tantôt d'une manière, tantôt d'une autre ; et ce qui semble vérité pour celui-ci semblera erreur à celui-là. Prétendre faire vrai, absolument vrai n'est qu'un leurre et on ferait mieux d'apprendre à s'écouter, à se parler dans le respect, à se comprendre, avant de porter des jugements, de dénigrer pour le plaisir de s'opposer, sans jouer son rôle de forces de propositions. La critique est aisée, l'art est difficile et l'Ugtt, l'opposition qui n'ont aucun programme gouvernemental, à ma connaissance, devraient bien s'en inspirer. La tolérance, disait Gilles Perrault, c'est la civilisation par excellence. Apprenons donc la pondération, la tolérance pour mieux vivre ensemble. Parce que comme l'écrivait Gustave le Bon, dès qu'un sentiment s'exagère, l'égoïsme, la vengeance, la colère etc, la faculté de raisonner disparaît. L'Ugtt, les partis d'opposition qui ne sont pas entrés au gouvernement provisoire me semblent mus par un opportunisme et un égoïsme affirmés. Ils n'ont pas tiré la leçon de la révolution et chacun essaie encore de tirer la couverture à lui, pour rester au chaud. Un proverbe chinois résume bien cette situation, lorsque le sage montre la lune, l'imbécile regarde le doigt. La révolution a été réalisée par les jeunes, pour les jeunes et non par l'Ugtt, l'opposition ou les médias qui, durant vingt trois ans, se sont, au meilleur des cas, tus ou, au pire des cas, compromis. Qu'ils ne nous donnent pas de leçons, aujourd'hui, de démocratie, de vertu et qu'ils ne s'approprient pas une révolution. L'être humain a souvent tendance à se voir plus beau qu'il ne l'est en réalité et a toujours envie dans un travail de groupe déterminé à s'approprier plus ce qu'il n'a apporté. Dans ce cas précis, ils n'ont rien apporté ou presque rien. Les acteurs de la révolution ne cherchent pas, pour une fois, à accéder au pouvoir. Les politiques, qui n'ont pas jusque-là de base populaire, auront tout le temps de prendre le pouvoir et ils apprendront, à leurs dépens, qu'un pouvoir se mérite, et ne se conserve que par une vision, le travail, la souffrance, le don de soi, au service du citoyen, d'un peuple, d'une patrie. Etre à son service ou au service de ses pairs ne mène à rien, l'arroseur finit toujours par être arrosé, chassé du pouvoir, sans gloire, sortant par la plus petite des portes dérobées. Comme Bush fils, Ben Ali, Moubarak et demain Gueddafi. Personne ne se souviendra plus de ces pantins qui ont érigé des systèmes mafieux au profit des leurs où l'ignorance et l'intolérance sont mises en valeur. Dans leurs villages sans prétention, pour reprendre une chanson de Brassens agrémentée de quelques codicilles, ces dictateurs ont mauvaise réputation. Pas besoin d'être devins pour deviner le sort qui leur est promis. Si on trouve une corde à notre goût, on la leur passera, un à un, au cou. Tout le monde viendra les voir pendus, sauf les aveugles bien entendu. C'est cet aveuglement de nos dirigeants, passés ou futurs, qui doit cesser, tout ne leur est plus permis désormais. Le pouvoir n'est plus une fin en soi, il doit être conquis et conservé pour de nobles causes, comme le développement d'un pays et l'amélioration de condition de vie de ses concitoyens. Ou d'autres choses encore plus belles les unes que les autres. * Cadre de banque