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Le paradoxe tunisien
Les Echos
Publié dans Le Temps le 16 - 01 - 2011

Les explosions de violence et leur répression meurtrière en Tunisie illustrent le paradoxe d'un pays qui a joué avec succès la carte de l'ouverture économique et du capitalisme mais dont le régime s'est peu à peu éloigné, sinon coupé, de ses classes moyennes, pourtant les principales bénéficiaires de l'essor de ces dernières années. A cet égard, la crise que doit affronter le président Ben Ali n'est pas sans rappeler l'atmosphère de fin de règne que l'on connut jadis du temps du président Bourguiba, lorsque le « Combattant suprême », miné par la maladie, victime d'un vil entourage et reclus dans son palais de Carthage, n'était plus alors que l'ombre du formidable visionnaire qu'il avait été pour la Tunisie moderne. Lui aussi dut affronter de graves troubles sociaux, faute d'avoir su conserver le soutien d'une classe moyenne déjà en plein décollage.
Certes, on notera que les emballements qui secouent la Tunisie aujourd'hui surviennent dans les régions du centre, les plus à l'écart du tourisme et de la prospérité des commerçantes villes côtières. Bref, là où les dividendes du progrès économique sont les moins bien redistribués, là où les espoirs de prospérité sont les plus éloignés : on se révolte à Kasserine, pas à Sousse. Mais les conséquences de la crise économique occidentale se font sentir aussi jusqu'à Tunis. Celles-ci s'accompagnent d'un réel sentiment d'injustice. Dépourvue des ressources naturelles colossales de ses voisins algérien et libyen, la Tunisie, legs de Bourguiba, a massivement investi dans l'éducation. Les entreprises françaises ou européennes qui, contrairement au cliché, n'y installent pas seulement des usines textiles mais également des activités à forte valeur ajoutée, peuvent en témoigner. Pour cette Tunisie qui, depuis bientôt deux générations, s'est hissée sur l'échelle du développement, la crise actuelle est un coup très dur. Elle ruine les rêves de nombreuses familles qui avaient pu envoyer leurs enfants à l'université et se trouvent confrontées au chômage. C'est d'abord contre cela que se révoltent les Tunisiens : le manque de débouchés. Leur frustration est économique avant d'être politique, quoi que l'on puisse penser du régime de Ben Ali. Le pire qui puisse arriver serait que cette frustration fasse le lit des extrêmes. La Tunisie moderne en serait doublement perdante.
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Le Monde
Un miracle tunisien
Y aura-t-il un «miracle tunisien»? Y aura-t-il dans ce pays, à juste titre réputé pour sa tolérance et sa sagesse, une transition démocratique pacifique? La question est posée au lendemain d'une étonnante révolte de rue qui, pour la première fois dans un pays arabe, a chassé du pouvoir un régime dictatorial, corrompu et indigne. Ce qui va se jouer dans les prochains jours à Tunis dépasse le sort de la Tunisie, qui a vu, vendredi 14janvier, s'effondrer comme un château de cartes l'autocratie «flicarde» que dirigeait le président Zine El-Abidine Ben Ali.
Il aura fallu 23 jours d'une révolte de la rue, dans toutes les villes du pays, pour mettre fin à 23 ans de régime Ben Ali. Des dizaines de Tunisiens sont morts dans ces manifestations réprimées par des tirs à balles réelles de la police. Elles ont culminé dans une journée de chaos, de pillages et d'affrontements armés vendredi à Tunis, la capitale, à l'issue de laquelle M.Ben Ali a fui son pays pour se réfugier en Arabie saoudite.
L'état d'urgence a été déclaré; l'armée a été déployée dans les rues pour tenter de rétablir l'ordre à Tunis et alentour. La présidence par intérim est assurée par le premier ministre, Mohammed Ghannouchi. Celui-ci a autorisé le retour des opposants en exil et annoncé son désir de former un gouvernement d'unité nationale avant l'organisation d'élections.
Rien n'est garanti, vraiment rien, tant le coup de colère qui s'est emparé du pays est profond, rage puisée dans des années d'humiliations et de peur, trop longtemps encaissées en silence. C'est une explosion qui était – largement – prévisible. Le régime Ben Ali, dont le bilan économique et social n'est pas négligeable, avait hermétiquement verrouillé toutes les possibilités d'expression politique ou sociale. Tout était contrôlé par le pouvoir – rares formations politiques autorisées, syndicats, justice, associations, presse, éditions, etc. Et même l'économie.
Car la Tunisie de Ben Ali n'était pas seulement un régime policier brutal, elle relevait de l'autocratie kleptomane. La «famille», comme disaient les Tunisiens pour parler des proches du président, et notamment de sa belle-famille, s'est emparée d'une partie de l'économie du pays – banques, tourisme, immobilier, etc. – par des moyens relevant purement et simplement du gangstérisme.
Ces régimes-là finissent mal, toujours, et il n'est pire aveugle que ceux qui se refusent à les regarder pour ce qu'ils sont. Bravant torture, tabassages et autres exactions, l'opposition tunisienne a alerté, crié des années sans jamais être entendue à Paris. La France officielle, de François Mitterrand à Nicolas Sarkozy, en passant par Jacques Chirac, ne voulait pas entendre. Au nom d'une realpolitk bien peu réaliste et bien peu politique, Paris a multiplié les complaisances à l'adresse de Ben Ali. Au prétexte que le régime protégeait le pays de l'islamisme – a moins qu'il ne l'ait nourri –, on se refusait à en reconnaître la vraie nature. L'avenir dira que ce ne fut pas seulement une faute morale, mais aussi, et plus encore, une erreur politique.
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Courrier international
Pourquoi il y aura encore des révoltes
Ilesttempsderelire Amartya Sen. Cet économiste d'origine indienne, lauréat du prix Nobel, a écrit des pages décisives surlesrelationsentre famine,développementetdémocratie. Cela s'applique évidemment à des pays comme l'Algérie, un régime pseudo-civil, et la Tunisie, une dictature aux deux millions de mouchards. Ces derniers jours, on assiste donc à une révolte contre les autorités. Révolte pour la liberté, mais aussi révolte contre la vie chère et l'absence de travail. On voit immédiatement les limites d'un régime fondé sur l'appropriation de la rente pétrolière par une mafia militaire (l'Algérie) et les impasses d'un Etat policier où la manne du tourisme est réservée à quelques-uns (la Tunisie). Comme le dit le dessin de Dilem ci-dessus, les populations du Maghreb ont faim de démocratie et faim tout court. C'est là qu'intervient Amartya Sen.
Poverty and Famines (1981),l'économisteexpliquait(contre Malthus) qu'il fallait chercher la cause des famines dans l'absence de liberté plutôt que dans la croissance démographique. L'organisation sociale, en cas de baisse de la production, peut aggraver ou au contraire diminuer les problèmes de disette. Dans un système ouvert, où chacun a le droit de produire et d'échanger, on favorise le développement. Dans un système fermé, où des spéculateurs s'emparent des droits d'accès, le pire est presque sûr. Nous y sommes au Maghreb. Au passage, on voit battu en brèche la belle théorie du président Ben Ali, reprise parfois par ses amis parisiens. Non, il n'est pas vrai que l'on puisse durablement maintenir un Etat autoritaire et assurer une croissance économique. L'ironie veut que les émeutes actuelles surgissent au moment où les deux pays se targuent de réussites macroéconomiques, comme le souligne Le Quotidien d'Oran. Ces “succès” ne leur servent à rien car ils n'ont rien à offrir à la jeunesse, qui représente plus de 40 % de la population. Mais derrière ces deux cas se profilent sans doute des crises plus graves encore. Ces derniers mois, nous assistons en effet à une hausse des prix des matières premières, du pétrole, bien sûr, mais aussi du charbon, des métaux et du blé (+ 47 % en six mois). Heureusement, jusqu'à présent, le riz – qui nourrit trois milliards de nos contemporains – n'a pas vu ses prix grimper, mais pour combien de temps ?
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La presse algérienne salue le départ de Ben Ali
“La Tunisie donne une leçon à tous les pays arabes”
La presse algérienne s'est félicitée samedi de la chute du président Zine El Abidine Ben Ali sous la pression de la rue, estimant que la révolte des Tunisiens devrait constituer un exemple pour les autres pays arabes.
«Ben Ali chassé du pouvoir», titre en Une le quotidien francophone El Watan qui estime que «la révolte populaire des Tunisiens est à présent le nouveau phare du monde arabe».
«Que va-ton faire à présent en Algérie, alors que Ben Ali est chassé du pouvoir par la rue? Accentuer la répression en interdisant l'expression politique (...) ou alors changer de cap définitivement en écoutant la voie de la raison en engagent le pays sur la voie de la démocratisation et de la réforme politique», s'interroge ce journal.
«Les Tunisiens ont donné une leçon à tous les pays arabes encore sous la coupe de dictature archaïques» en prouvant qu'il était possible de se libérer d'une «répression qui a duré plus de 50 ans sous les régimes de Bourguiba et de Ben Ali» estime de son côte le quotidien arabophone El Khabar.
Le Quotidien d'Oran relève que «les Algériens, voisins des Tunisiens, suivent avec sympathie, avec même de la jubilation ce qui est en train de se passer ces dernières heures en Tunisie». Le journal précise toutefois que la chute de Ben Ali donne «des sueurs froides à nos officiels, terrorisés qu'ils sont par la peur de l'effet contagion que ces événements peuvent avoir en Algérie».
«Peur fondée car l'Algérie est sur un volcan que le moindre prétexte peut faire entrer en éruption», ajoute-t-il.
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Libération.fr
Le lâche et les glorieux
Ainsi, depuis vingt-trois ans, la Tunisie était gouvernée par un trouillard ! Ainsi, le grotesque successeur du grand Bourguiba, flic en chef de l'un des régimes les plus féroces de la région, n'était qu'un pleutre et, quand le peuple insurgé lui a signifié son congé, il est parti la queue basse. Vive la Tunisie libre ! Avant les prudences d'usage - va-t-on vers la démocratie, l'anarchie ou bien une autre dictature ? -, il est permis, ne serait-ce qu'une heure, de laisser éclater sa joie. Privé de ses sicaires, le tyran s'est dissous comme une statue de sable. Ce régime était en toc, et tous ceux qui l'ont tenu à bout de bras au nom d'une realpolitik des imbéciles doivent maintenant expliquer pourquoi celui qu'ils tenaient pour un rempart solide contre les islamistes est tombé comme un château de cartes.
Il y a un parfum de 1830 dans cette chute d'un fantoche renversé par des gavroches, dans cette révolution à la française au cœur du Maghreb, dans ces trois Glorieuses déclenchées par Internet et les militants des droits de l'homme, avec un Charles X aux cheveux teints qui monte en avion comme jadis on fuyait en calèche. Les leçons de cet événement historique apparaîtront peu à peu. Mais, d'ores et déjà, on voit que le monde arabe n'est pas forcément condamné au sinistre face-à-face entre fanatisme islamiste et dictature corrompue ; que le supposé réalisme de ceux qui soutiennent les tyrans n'est souvent qu'un aveuglement intéressé, que les valeurs de liberté peuvent pénétrer en terre d'islam, que cette démocratie qu'on dit en crise, qu'on juge factice ou faisandée, qu'on déclare réservée aux Occidentaux, suscite encore le sacrifice et qu'il y a toujours, à Tunis comme naguère à Pékin ou à Varsovie, des hommes prêts à mourir pour la liberté.


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