Par Nourdine Ketari * et Moncef Zouari ** La Révolution du 14 Janvier est une remise en cause d'un système qui n'a pas tenu ses promesses notamment au niveau de la promotion des ressources humaines: les 200.000 familles (1,2 millions de personnes) qui vivent sous le seuil de pauvreté, les 200.000 familles qui vivent dans la précarité, soit près du 1/3 de la population et les 150 000 diplômés de l'enseignement supérieur, exigent la correction immédiate des inégalités. Cette situation n'est pas une fatalité et nous semble être le résultat de «certaines faiblesses» dans la planification des affectations des ressources humaines aux secteurs économiques et sociaux : Trois vérités devraient à cet effet être prises en considération : - Les diplômés demandeurs d'emploi ne constituent pas un problème mais une chance pour le pays .C'est notre principale et vraie richesse. - Le secteur des industries manufacturières ne peut pas à lui seul offrir tous les emplois en nombre et en qualifications pour tous les diplômés du système de formation. - Un déficit budgétaire pourrait, en cas de besoin, être provisoirement supérieur à la norme européenne de 3 % lorsqu' il s'agit de relancer l'économie et résoudre un problème aigu. La France et d'autres pays européens y ont déjà eu recours. L'on pourrait sur cette base créer ces 150.000 emplois dans sept secteurs identifiés comme pouvant de surcroît, offrir aux populations les services qui leur font dramatiquement défaut. 1- La mise aux normes internationales de tous les établissements de santé dégagerait des besoins importants en cadres supérieurs, cadres techniques opérateurs d'équipements médicaux, soignants et aides-soignants, gestionnaires, responsables de la certification, du traitement des déchets … Une norme de 0,5 à 1,5 cadre paramédical par lit doit être observée dans tous les établissements de santé. Les postes créés seraient réservés en priorité aux natifs des régions concernées. 2- Dans les établissements d'enseignement, les besoins en surveillants, en cadres de maintenance, en gestionnaires de la médecine scolaire etc. sont également loin d'être négligeables. C'est que ces deux secteurs sont sous-encadrés, et la qualité de leurs prestations s'en ressent . 3- La révision du budget 2011 et du plan de développement probablement en cours devraient inclure également et en priorité la réhabilitation des infrastructures hospitalières et scolaires largement délabrées, et sous équipées dans tous les gouvernorats de l'Ouest et du Sud. Les travaux de réhabilitation ou d'extension ou de création des locaux – génie civil, menuiserie, vitrerie, peinture, plomberie sanitaire, électricité etc seraient attribués en priorité à des entreprises locales de manière à créer des emplois sur place pour y favoriser l'amélioration des conditions de vie 4-Un programme d'amélioration des conditions de logement à l'image du programme de «dégourbification» dans sa version originale serait proposé aux populations qui souffrent de la combinaison de quatre déficits : 1) Le chômage et l'absence d'un revenu familial stable et suffisant, 2) L'absence de logements décents,3) l'absence d'eau potable et parfois d'éclairage et 4) l'incapacité d'acquérir un logement, Le projet serait mis en œuvre par des entreprises à créer dans ces zones autour des diplômés dans la spécialité génie civil et lots spéciaux à la recherche d'emploi pour construire des logements dans leur localité où ils emploieraient la main-d'œuvre non qualifiée disponible sur place. 5- D'autres branches pourraient être identifiées où les besoins en cadres supérieurs sont importants et notamment les municipalités où des ingénieurs dans différentes spécialités pourront opportunément être recrutés, les services des forêts.Les services du ministère de la culture pour les sites archéologiques 6- Au niveau des entreprises du secteur organisé, une comparaison des éléments de la compétitivité pour l'exportation entre la Tunisie et les pays d'Europe orientale a montré que la principale sinon la seule différence résidait dans le très faible encadrement des entreprises tunisiennes : Le rapport serait du simple au double. Imaginons que chaque entreprise tunisienne améliore son encadrement par le recrutement d'un seul cadre, ni comme action de charité ni comme geste politique mais pour l'amélioration de sa propre compétitivité et nous aurons entamé largement notre stock de demandeurs d'emploi. Les 50 000 que l'UTICA a promis de recruter seraient un premier pas. 7- Le secteur informel où près de 300.000 petites entreprises sont taxées au forfait les possibilités sont aussi importantes. Ce n'est en effet un secret pour personne qu'un nombre non négligeable de petites entreprises réalisent un chiffre d'affaires supérieur à celui au vu duquel ils ont obtenu ce mode de taxation. Il est par conséquent utile et légitime de faire en sorte qu'une partie d'entre elles soit invitée, contrepartie de l'avantage qui leur est consenti, de recruter un cadre supérieur, chacune au besoin, dans le cadre du programme SIVP .Ces entreprises réaliseront qu'avec un cadre qui ne feraient à titre d'exemple que suivre «les dates de valeur» de leurs opérations bancaires, ou s'occuper de la commercialisation, elles réseraient un bénéfice supérieur au salaire qui lui serait servi. Par prudence on prévoirait 30.000 entreprises par an pendant 5 ans pour aboutir à 50% du total des entreprises environ. Les diplômés sont une chance Nous devons tous prendre conscience que la disponibilité des jeunes diplômés est une chance pour le pays .Elle permettrait la mise à niveau des secteurs de la santé, de l'éducation et des logements sociaux à travers le pays. Elle permettrait un meilleur encadrement de l'Administration et des entreprises publiques et privées qui gagneraient en compétitivité. A titre d'accompagnement, un programme de formation d'adaptation serait, en cas de nécessité, organisé au profit de certaines catégories de bénéficiaires pour les préparer à leurs nouvelles fonctions . Quant au financement de ces programmes de mise à niveau, l'on pourrait recourir, en plus des ressources traditionnelles, à la Coopération internationale et en ultime recours à un déficit budgétaire maîtrisé. Nous n'aurons probablement pas suffisamment de diplômés pour réaliser des programmes de mise à niveau de cette envergure surtout pour une relance d'urgence.