Par Abdelbéki DALY* Tout ce chemin fait et ce sort accompli, dans quel dessein? Sûrement pas pour investir l'obscurantisme et le passéisme à la plus haute magistrature de la souveraineté. C'est comme si nous avions, le 24 juillet prochain, invité le sectarisme à remonter le temps pour réinstaller la société tunisienne à la date du 13 janvier 2011 avec tout son lot de dérives et son arsenal de répression et d'oppression. Drôle de remise des pendules à l'heure de la transition démocratique. Ou juste retour de manivelle d'une société qui n'a pas su accorder ses violons avec les exigences de la modernité, de la rationalité et de la liberté. Le sort du pays serait scellé de la façon la plus regrettable et la plus malheureuse, parce qu'il aurait enregistré la victoire de l'étroitesse d'esprit, de la petitesse du chauvinisme sur la grandeur de la condition humaine, que Dieu a léguée à son représentant (mandataire) sur terre. L'homme n'est-il pas le khalife de Dieu ici-bas ? On ne peut, à la fois, profiter des avantages de la démocratie et la renier en imposant ses idées à tous, comme dogmes d'Etat non susceptibles de critiques ou de nuances. On ne peut, en fait, se prévaloir de sa propre turpitude. La pure, la simple honnêteté intellectuelle, le prescrit logiquement. Ennahdha renaît de ses cendres. Ressuscitée grâce à notre démocratie naissante. Sa réhabilitation, elle la doit à la Révolution populaire. Elle a l'obligation morale d'y adhérer et de consolider, par reconnaissance dirais-je, les acquis communs enregistrés jusqu'alors et ceux escomptés. Ce ne serait que bêtement suicidaire, si, par malheur et par maladresse, les choix de société fanatique et cloisonnée, et le type sociétal offert (ou dicté), nous faisaient rebrousser chemin pour renouer avec le monolithisme dans tous ses états. Cette pensée unique qu'on croyait, au lendemain du 14 janvier, définitivement bannie. On a décrié et dénoncé l'uniformité sous toutes ses coutures. L'expression «dégage» désigne, au tout premier chef, cette idée malfaisante de se ranger derrière un seul mot d'ordre émanant de groupuscules et de meneurs en mal d'autorité. Il faut se décider à faire son deuil de ce style détracteur. Si une majorité quelconque viendrait à tourner le dos à cet élan libérateur dont ont bénéficié 49 partis jusqu'à aujourd'hui, cela équivaudrait à couper la branche sur laquelle on s'est confortablement assis. Certains leaders de ces partis-éprouvettes pourraient en faire les frais. Un autre leader, plus chevronné et vieux briscard de son état, saurait faire valoir ses options sans nécessairement faire des vagues. Il n'aura pas besoin, pour autant, de recourir à des alliances, souvent aléatoires parce que conjoncturelles et précaires parce qu'occasionnelles. Il saura tirer ses marrons du feu avec le sens de l'opportunisme dont il excelle. Ne dit-on pas qu'on n'apprend pas au singe à faire des grimaces, même si le rictus apparaît comme figé, loin de signifier un sourire sincère parce que non spontané ! Recouvrant de plein droit une place naturelle dans le concert des partis nationaux (et tout démocrate authentique doit y souscrire), les partis d'obédience religieuse n'ont pas intérêt à se pavaner comme si la croyance religieuse était leur propre monopole. Ils doivent montrer patte blanche en admettant que le principal gage de la démocratie réside dans les deux règles de fonctionnement : la contradiction et l'alternance. Par ailleurs, ils doivent être à l'unisson avec les autres composantes de la société civile, quand il s'agit de l'intérêt supérieur de la Nation qui impose la cohésion dans la liberté. En tout état de cause, ces partis, toutes tendances confondues, doivent se garder de constituer une source de dissonance susceptible de perturber, par leurs fausses notes, les mélodies enivrantes de cette merveilleuse symphonie démocratique dont a accouché, non sans douleur, la Révolution tunisienne. Elle continue d'inspirer la transition et de rayonner sur la Nation arabe. Il reste encore du chemin. Et la Tunisie, qui a donné son nom au continent africain, aura conféré également aux mutations qui s'opèrent dans la société arabe le qualificatif mérité de «Révolution nationale arabe», et ce, sans prétention de leadership ni de donneur de leçon. Crions haro sur tout fondamentalisme, et dénonçons toute forme de pensée tyrannique privative de liberté et de dignité. Nous sommes tous embarqués dans la même galère. Nous devons savoir la ramener à bon port et éviter de galérer à l'horizon, hors de toute rationalité et loin de toute sérénité. Notre salut à tous est dans notre adhésion totale et inconditionnelle aux principes fondateurs de la démocratie. Cette voie royale pour assurer, par le consensus populaire et la concorde nationale, la sauvegarde des acquis du peuple solidaire dans la diversité de ses composantes. Il fallait s'émanciper et briser le monopole de la vie politique au profit de l'oligarchie formée par le RCD, l'Ugtt, l'Utica… Maintenant que la désaffection de la vie politique est vaincue par cet ardent désir d'y participer, chacun a l'obligation morale d'y apporter sa contribution active. La démonstration éclatante en a été faite par le phénomène Facebook et par la panoplie des sites sociaux qui ont constitué une chaîne nationale de solidarité. C'est ce qui a largement contribué à l'éclosion puis à la réussite de la Révolution. Dans le but de consolider notre Révolution et pour assurer la transition démocratique, assumons notre nouveau statut de citoyen, engageons-nous à exercer notre droit de vote mais aussi à nous acquitter d'une noble obligation en vers la patrie, celle-là même qu'est le vote, parfaite expression de citoyenneté. Aux urnes, citoyens… A bon entendeur, salut !