En réponse à l'article paru dans votre journal La Presse du 17 mars 2011, intitulé «Les dessous d'un imbroglio», je voudrais, si vous le permettez, apporter des éclaircissements. Avec tout le respect dû à la rédactrice de l'article, en l'occurrence la journaliste Narjès Torchani, et à Maître Mohamed Hammouda, l'actuel président du comité—soit-disant légal—de la Rachidia, l'article relate avec une approche subjective, des données qui, à mon humble avis, ne peuvent qu'induire le lecteur en erreur quant à la réalité des vrais «dessous de l'imbroglio» de la Rachidia. Depuis l'avènement du «changement du 7 novembre 1987», l'association «la Rachidia» a eu des comités directeurs bénis par le pouvoir en place d'autant plus que la plupart de ses membres — et en particulier ceux qui occupent les postes clés : président, secrétaire général et trésorier—étaient non seulement membres très actifs du RCD, mais surtout de fervents Ben Alistes. Ils avaient donc comme mission de faire de cette prestigieuse association une énième institution d'allégeance au régime en place. Soit des mkhaznis des temps modernes. Pour des personnes qui ne savaient que courber l'échine et qui se revendiquaient Hommes du régime, ce n'était pas trop leur demander. Le bureau directeur de la Rachidia était simplement une cellule musicale du RCD. Ainsi, comptait-il parmi ses membres des fonctionnaires du ministère de l'Intérieur, des délégués, des présidents de cellules professionnelles et territoriales du RCD et/ou des membres actifs de structures non moins importantes de ce parti, enfin dissout. Dans tous les cas, ces personnes sont incultes en musique et totalement ignorantes en la matière. De toute évidence, les élections du comité directeur de la Rachidia étaient cuisinées d'avance—comme savaient le faire les hommes du système policier et mafieux de Ben Ali et tout RCDiste efficace—. Les assemblées générales de l'association étaient, bien évidemment, arrangées à leur guise. Sans quorum réuni, elles se tenaient et les élections étaient validées : passez, y a rien à voir. Cette tricherie a duré tout le temps du règne de Ben Ali, leur initiateur. Ainsi, le comité a perduré et ses membres étaient presque les mêmes durant une vingtaine d'années. Aujourd'hui, et malgré l'appel de la Révolution à se défaire des fantômes de l'aspect lugubre de l'époque «du changement de Ben Ali», la plupart d'entre eux persistent à vouloir rester membres de l'association, prétextant qu'ils ont été limogés injustement par l'ancien régime. Ils ont le culot d'omettre que la révolution tunisienne du 14 janvier 2011 a dénigré et banni le genre de légalité à laquelle ils prétendent : la légalité des institutions de l'Etat de Ben Ali (Assemblée nationale, Chambre des conseillers et conseils municipaux), du RCD et de ses agents. Parmi ces derniers, certains membres du comité directeur de la Rachidia qui figurent à la fin de l'article en question, dont on peut citer, à titre d'exemple, Moadh Jellouli (vice-président), Radhia Riza (vice-présidente), Mohamed Hédi Mouhli (secrétaire général) et Dr Mohamed Ridha Mejril (trésorier adjoint). Leur passé RCDiste n'est pas à démontrer ! A la fin de la saison culturelle écoulée, Zied Gharsa (directeur musical) et moi-même (représentant l'orchestre de la Rachidia) sommes allés nous entretenir avec le ministre de la Culture de l'époque pour l'informer qu'il n'est plus possible de continuer à travailler avec un comité incompétent, inefficace et qui traite les membres de l'orchestre de la Rachidia comme des nègres. Alors qu'il fallait les considérer moralement et matériellement comme des artistes, leurs droits étaient bafoués et leurs mérites pas du tout valorisés. Par ailleurs, le comité directeur de la Rachidia se sert de l'association et ne peut en aucun cas la servir. La preuve c'est qu'il ne lui a rien apporté : ni idées nouvelles, ni subventions supplémentaires, ni sponsors, etc. Il n'a fait que se contenter de la subvention du ministère de la Culture et attendre les directives de ce dernier ou les recommandations du palais présidentiel. Par ailleurs, ses membres n'ont jamais raté l'occasion de profiter de leurs statuts au sein de cette prestigieuse association. Si la Rachidia a connu un certain rayonnement du temps de la direction artistique de Zied Gharsa, c'est seulement grâce à son savoir-faire en matière de "malouf" en particulier et musical en général, ainsi qu'au dévouement et aux sacrifices des musiciens et choristes. Suite au ras-le-bol général et à la crise de confiance entre l'orchestre et le bureau directeur de l'association qui a généré une tension et un malaise général, Zied Gharsa a informé le ministre de la Culture de l'époque de son intention de démissionner. Ce dernier lui a alors demandé de patienter et de traiter le sujet autrement. Il a préféré résoudre le problème avec sagesse. Aussi, a-t-il demandé un rapport écrit sur la question. Quelques jours après, la présidence a fait de même (ce qui a induit une augmentation conséquente du budget de la Rachidia et la réservation d'une salle de répétition dans les locaux de la Cité de la Culture en construction). Entre-temps, le comité tentait d'organiser le 75e anniversaire de l'association dont les concerts étaient prévus courant juillet 2010 au Théâtre municipal de Tunis, donc dans une ambiance caniculaire et qui coïncidait, de surcroît, avec la finale de la Coupe du monde de football. Le directeur artistique a préféré se retirer à cause de différends sur les choix artistiques, le timing de la manifestation et l'espace inadéquats. Le bureau a alors essayé de réunir l'orchestre. La réponse était sans équivoque : plus personne n'allait se produire tant que le comité serait en place et sans Zied Gharsa. Ainsi, le ministre de la Culture a informé le président du comité, le RCDiste Mohsen Boulehya, de la décision d'arrêter toute activité du comité de la Rachidia. Le bureau était ainsi limogé pour incompétence et inefficacité. Zied Gharsa, quant à lui, a été convié à continuer le travail. Il est évident qu'au regard des connaisseurs, «Monsieur Malouf» (comme l'a appelé la journaliste dans son article) est plus utile pour la Rachidia en particulier et la musique tunisienne en général qu'un comité périmé. Prétendre que ce comité a été viré pour que Leïla Ben Ali impose sa dame de compagnie et amie intime Nébila Ben Hsin Bey, ou parce qu'il ne répondait pas aux exigences matérielles de Gharsa ou encore «pour des raisons de pouvoirs étendus», est non seulement ridicule et grossier, mais relève de l'arrogance et de l'intox. Néanmoins, alors que le ministre de la Culture était en train de chercher des personnes intègres, compétentes et disposées à former un nouveau comité directeur de la Rachidia, pour assurer l'intérim jusqu'aux prochaines élection, (moi-même, j'ai été consulté par le directeur de la musique de l'époque et Zied Gharsa a proposé une liste) ; Nabila Bey (contre le gré de tout le monde) a été imposée par le palais présidentiel sur recommandation de «la présidente». Deux mois sont passés entre l'éviction de l'ancien bureau et l'installation du nouveau. Il n'y a donc aucun rapport entre les deux événements ni aucune relation de causalité. Par contre, il y a un point commun entre les deux bureaux «exécutifs». Le premier fut imposé par le RCD, nomenclature mafieuse du système Ben Ali, et le second par «la régente de Carthage». La Rachidia est aujourd'hui paralysée car violée par un bureau «exécutif» soi-disant légal dont les membres sont énumérés dans l'article intitulé «Les dessous d'un imbroglio», paru dans l'édition de votre journal du 17 mars 2011. Maintenant que le RCD est dissous, il n'en reste qu'un tissu nodal. C'est justement l'actuel bureau qui a squatté la Rachidia et que la journaliste Narjès Torchani qualifie comme étant «exécutif» et «légal». Du vent s'il vous plaît. Ôtez-vous de notre soleil. Purifiez notre Rachidia des restes du RCD. Dégagez. C'est ce que sont allés dire les musiciens et choristes de la Rachidia, soutenus par le Syndicat des métiers musicaux, mercredi 30 mars 2011, à ce bureau, désormais arrogant. A bon entendeur.