Un hommage vibrant été rendu aux martyrs de la Révolution du 14 janvier, dont l'étincelle a jailli le 17 décembre, comme cela fut souvent rappelé par les mères des martyrs de Sidi Bouzid, ThalaKasserine, Ben Arous, le Kram-Ouest, réunies ce 9 avril 2011, date symbolique entre toutes, à l'initiative de la ministre des Affaires la femme, Madame Lilia Laâbidi, et du ministre de la Culture, M. Ezzeddine Beschaouech, au Complexe culturel et sportif d'El Menzah. Devant une salle clairsemée avant l'arrivée des familles des martyrs puis comble depuis, le ton de cette commémoration fut donné par le poète, natif de Sidi-Bouzid, Seghaier Ouled Ahmed qui n' a pas manqué de rappeler que le «cri primal» de la Révolution du 14 Janvier a été la poésie d'Abul Kacem Chebbi et d'une voix aphone à force de rage contenue, le poète déclama des poèmes en l'honneur des manifestants de La Kasbah, de Mohamed Bouazizi : «Ne me donne aucune plume, mes doigts ont flambé autant que le reste de mon corps!» Cette poignante souffrance a trouvé toute la mesure de son expression dans les témoignages des familles des martyrs qui, unanimement et en présence des deux ministres, continuent d'exiger que toute la lumière soit faite sur les circonstance de l'assassinat de leurs proches et que les auteurs de ces crimes soient arrêtés et jugés. En signe de solidarité et de compassion, les deux ministres présents les ont rejointes sur la scène de l'amphithéâtre. D'ailleurs, et dans leurs allocutions respectives et s'adressant à un auditoire de jeunes, de familles, de femmes, les deux ministres, complices jusque dans leur générosité et volonté d'élaborer «une politique dont le rôle sera de matérialiser ce que le peuple veut». Cette profession de foi a été éprouvée face à la détermination des mères et sœurs de martyrs de créer une «association des familles de martyrs», «qui figure sur Facebook», de l'autre, un musée pour commémorer la mémoire des martyrs. Il devenait clair que l'attente du citoyen/acteur réside dans ce que le politique accompagne, sous- tend et veille à procurer l'infrastructure nécessaire pour que s'exaltent la créativité et l'esprit entrepreneurial. Elle fut également éprouvée face à la fougue des représentantes régionales des comités pour la protection de la Révolution de Tozeur et de Bizerte dont les revendications puisent, très en profondeur, leur source dans la conscience de l'«être» et du «faire». Wafa M'barki, la représentante de Tameghza, d'une voix empreinte d'un rien de dérision et d'humour, a déclaré «Il nous parvient que beaucoup ont peur pour la femme du sud. Femme de ce sud profond et merveilleux, que je vous invite à visiter, n'ayez crainte, nous assurons Oh !combien !» Le relais fut immédiatement saisi par la représentante de Sejnane, qui dans un style assez proche a ajouté que «ce dont la femme rurale souffre, c'est du manque d'encadrement et d'absence de marché pour sa production». Aussi et fortes de leur conviction ont-elles réussi, grâce à Internet, à trouver cet Eden/ marché au Canada dont le lancement se fera le 17 de ce mois. C'est bluffant; c'est ce qu'a relevé Si Ezzedine Beschaouch qui a par ailleurs rappelé le devoir de respect des acquis de la femme tunisienne et du code du statut personnel et de la nécessité de les renforcer. Il a également assuré que son ministère, ainsi que celui des affaires de la femme, accompagneront ces initiatives jusqu'à leur réussite totale. Joignant l'intention à l'acte, le fringant chargé de mission du ministère de la Femme, Mohamed El Hani, exposa les 4 points du plan stratégique du ministère de la Femme visant à créer une nouvelle culture de citoyenneté et de démocratie, s'appuyant, pour ce faire, sur des réseaux de solidarité, sur des rencontres, des ateliers, sur la diffusion de films dans les foyers universitaires. Autres points d'importance : La place de la femme rurale selon le principe du «Public space, changing space» ou l'impact de l'urbanité pour susciter de nouvelles dynamiques; la violence de l'Etat contre la femme ou encore la publication de brochures propres à la «Nouvelle élite», celle des blogueurs, Facebookers et rappeurs. Cette nouvelle élite était dignement représentée en la personne du rappeur Lakki qui d'une voix tout à la fois «rappeuse», bouleversante par sa sincérité, rendit hommage aux martyrs de la Révolution et aux femmes et martela : «Le peuple tunisien est debout, nous avons vécu en hommes libres et nous mourons en hommes libres». Et c'est debout qu'il fut acclamé par un auditoire, en apparence hétéroclite — certains n'ayant jamais assisté à un concert de rap — mais unis par le sens qu'ils cherchent à donner à leur vie.