Le nombre d'actions en justice intentées contre le président déchu, sa famille, son clan et certains de ses ministres a atteint 44 affaires, dont 18 sont intentées contre la personne du président déchu, en premier lieu "le complot contre la sûreté de l'Etat, l'homicide volontaire et l'usage et le trafic de drogues", précise le ministre de la Justice Lazhar Karoui Chebbi. Dans une interview accordée, hier soir, à la chaîne de télévision nationale, le ministre a souligné qu'il est du devoir du ministère d'assurer le suivi de ces affaires, relevant que des mandats internationaux ont été émis en vue de geler les avoirs du président Ben Ali et de sa famille, à travers la police internationale "Interpol". Le ministre a déclaré qu'une délégation commune entre les ministères de la justice et de l'Intérieur se rendra à la ville de Lyon (France), siège d'Interpol, afin d'accélérer l'opération d'exécution des mandats, précisant, d'autre part, qu'une délégation du ministère de la Justice s'est réunie avec des délégations représentant le Canada, la Suisse et les Etats-Unis d'Amérique, réunion qui a débouché sur des conclusions probantes. Il a, à ce propos, réitéré le souci constant de récupérer les avoirs à l'étranger et d'exécuter les mandats d'amener internationaux, à travers les conventions bilatérales d'entraide judiciaire ou les conventions internationales, s'agissant des pays avec lesquels la Tunisie n'est pas liée par des conventions bilatérales. Le ministre a mis en valeur les efforts déployés en vue de constituer un dossier juridique permettant d'extrader le président déchu, installé actuellement en Arabie Saoudite, affirmant qu'Interpol est en train de pourchasser les autres membres de la famille du président déchu et de ses proches qui sont en état de fuite afin de les arrêter. Pour ce qui est des biens du président déchu, de sa famille et de ses proches, le ministre de la Justice a rappelé le décret-loi adopté, récemment, et qui institue l'obligation de saisir ces biens et d'en transférer la propriété à l'Etat. Il a précisé que 360 titres fonciers, qui appartenaient au président déchu et à sa famille, sont désormais la propriété de l'Etat, en vertu de la loi portant saisie des parts et des biens immobiliers. Il a fait observer qu'un grand nombre de conseillers du président déchu sont actuellement l'objet de poursuites judiciaires, indiquant, à ce propos, que des mandats de dépôt ont été émis à leur encontre. Le ministre a annoncé que certaines affaires en rapport avec le président déchu, sa famille et son clan seront sujets à divisibilité, étant donné que plusieurs accusés sont en état de fuite. Il a ajouté, à ce propos, que les accusés qui se trouvent encore en Tunisie et qui sont impliqués dans des affaires fiscales devront comparaître devant la justice, dans les plus brefs délais, et devront faire l'objet d'un procès public et transparent. 366 prisonniers politiques bénéficiaires de l'amnistie générale Sur un autre plan, M. Lazhar Karoui Chebbi a affirmé que la loi sur l'amnistie générale est un acquis majeur du ministère de la Justice, de même qu'un objectif essentiel de la révolution de la dignité, relevant que cet acquis intervient en réponse aux appels du peuple tunisien depuis des décennies. Il a souligné, dans ce contexte, que 366 prisonniers politiques et prisonniers d'opinion ont bénéficié de cette loi, ce qui leur a permis de recouvrer l'intégralité de leurs droits et d'être réaffectés à leurs postes de travail, en plus de leur dédommagement. Il a rappelé que le ministère a mis en œuvre d'autres mécanismes, en l'occurrence la libération conditionnelle, qui a profité à 3.359 prisonniers, et la grâce spéciale qui a bénéficié à 1.808 prisonniers. Au sujet du retour des prisonniers en état de fuite, le ministre de la Justice a indiqué que le nombre des prisonniers en fuite, durant la révolution, a atteint près de 11 mille, dont 6.400 sont déjà retournés, relevant que les unités pénitentiaires enregistrent quotidiennement le retour volontaire des prisonniers en fuite et que certains d'entre eux ont bénéficié de la libération conditionnelle et de la grâce spéciale. Evoquant la situation des prisons durant la période post-révolutionnaire, le ministre a fait remarquer que 17 unités pénitentiaires ont été affectées, à l'instar de la prison de Monastir, qui a été entièrement endommagée, de même que la prison de Borj Erroumi. Il a relevé que des fonds de l'ordre de 2,7 millions de dinars ont été alloués à leur réfection, précisant qu'elles fonctionnent actuellement de manière régulière et normale. Concernant les événements survenus à Thala et à Kasserine, depuis le déclenchement de la révolution, et en particulier l'affaire des "tireurs d'élite", le ministre de la Justice a rappelé avoir reçu 6 familles des martyrs de Thala et qu'il accorde une attention personnelle à cette question. Il a ajouté que le juge d'instruction de Kasserine a auditionné 300 témoins afin de vérifier "la véracité des faits", indiquant qu'il a émis 6 mandats d'amener contre les accusés parmi les agents de la sécurité intérieure, dont un ancien directeur au sein du corps de la surêté nationale et un officier de haut niveau. Affaires relatives aux martyrs et blessés: les investigations se poursuivent M. Lazhar Karoui Chebbi a affirmé l'existence d'une coordination et d'une coopération continues entre le ministère de la Justice et le ministère de l'Intérieur, afin d'assurer la protection des citoyens et de traduire les accusés en justice. Il a précisé que le nombre des affaires relatives aux martyrs et aux blessés s'élève à 192 dont 174 plaintes contre inconnu, déclarant : "Les investigations se poursuivent pour dévoiler l'identité des agresseurs". Concernant l'avenir de la justice, après la révolution, le ministre de la Justice a indiqué que les magistrats sont conscients qu'il ne peut y avoir de sécurité ni de stabilité dans les sociétés, "sans une justice indépendante". Il a ajouté, dans ce sens, qu'une réflexion est en cours pour la création de mécanismes garantissant l'indépendance de la justice, en particulier l'élection du Conseil supérieur de la magistrature dont la présidence doit revenir à un haut magistrat, tel que le premier président de la Cour de cassation, à la place du chef de l'Etat. Il a, en outre, souligné qu'une commission a été créée au sein du ministère, avec pour mission de réviser la loi organique portant statut de la magistrature, loi qui devrait être soumise, durant la semaine prochaine, à l'Association des magistrats tunisiens (AMT), pour examen. Il a, d'autre part, annoncé que le ministère de la Justice a pris l'initiative de remercier six magistrats réputés pour leur allégeance à l'ancien régime et les a remplacés par d'autres, ajoutant que 4 autres magistrats ont été démis de leurs fonctions, afin de garantir le prestige de la magistrature et d'assurer la justice au citoyen, en harmonie avec les objectifs de la révolution. S'agissant de la garantie de l'impartialité de la justice, le ministre a relevé que la "justice est une autorité indépendante en soi" et qu'elle doit faire preuve d'impartialité et d'indépendance vis-à-vis de toutes les orientations politiques et administratives, de même qu'elle doit jouer pleinement son rôle, au cours des prochaines élections, afin d'en garantir la transparence et la crédibilité. Droit de visite pour les condamnés à mort Evoquant l'intérêt porté par le ministère aux auxiliaires de justice, M. Lazhar Karoui Chebbi a déclaré que l'Ordre national des avocats a élaboré un projet de loi régissant la profession d'avocat, qui est actuellement objet d'examen de la part d'une commission créée à cet effet par le ministère de la Justice. Une autre commission a été mise sur pied en vue d'examiner les revendications des notaires et des huissiers notaires, ceci outre l'amendement de la loi sur les agents des établissements pénitentiaires. Il a, par ailleurs, annoncé qu'un accord a été établi avec le syndicat général de la justice, concernant le réglement des dossiers des greffiers, des agents et des travailleurs des tribunaux, leur adressant ses remerciements pour les efforts qu'ils déploient en vue de fournir les services de justice, après les dégâts subis par 12 tribunaux, au cours de la révolution, ce qui a nécessité la mobilisation de fonds de l'ordre de 2,5 millions de dinars pour leur réfection. Concernant l'AMT, le ministre de la Justice a affirmé que cette association a été réhabilitée, avec le retour à leurs postes de ses anciens membres et la garantie de leurs droits matériels dont ils ont été privés dans le passé. A propos du syndicat des magistrats, M. Lazhar Karoui Chebbi a indiqué que la création d'une telle structure est "une affaire interne" qui concerne les magistrats et dans laquelle le ministère ne peut interférer, déclarant, à cet effet, "qu'à l'heure où le syndicat sera légalisé et qu'il sera représentatif des magistrats, le ministère pourra alors collaborer avec". Sur un autre plan, le ministre de la Justice a annoncé qu'il existe, acutellement, en Tunisie, 135 condamnés à mort, au sujet desquels la sentence n'a pas été exécutée. Il a rappelé qu'une circulaire a été émise, à ce propos, et qu'elle leur accorde le droit de recevoir la visite des membres de leurs familles une fois par mois, en plus de la possibilité de se faire remettre "le couffin". La réflexion est en cours, actuellement, pour la réduction des délais des visites, après évaluation de cette expérience qui a lieu, pour la première fois, en Tunisie.