Ils ont bien de la chance, ces joueurs tunisiens : même mauvais, leur rendement est obligatoirement et grassement payé! Qu'ils nous en excusent, mais c'est la règle du jeu. Avec les journalistes tout le monde passe au peigne fin aux louanges ou à la trappe. C'est selon et c'est tant mieux ainsi. Ça aide à se remettre en question, à s'améliorer et à faire avancer les choses. Certains acceptent la règle de jeu, d'autres pas; mais ils y passent tous : entraîneurs, président de clubs, de fédération et parfois même des ministres. Car n'oublions pas que Zabo et sa bande là-haut nous avaient consenti quelques largesses, quelques menues libertés en sport. Comme s'attaquer à un ministre de la spécialité pour mieux… verrouiller ailleurs. Mais il faut bien avouer qu'il demeure encore aujourd'hui une «caste» qui est plus ou moins épargnée, plus ou moins protégée, plus ou moins cachée derrière ministres, dirigeants et entraîneurs. Il s'agit, bien sûr, des footballeurs, protagonistes et acteurs de nos week-ends qui nous font rêver, qui nous font rire ou pleurer. Nous allions au stade pour voir Diwa, Attouga, Chaïbi, Chetali, Ben Mrad, Abdelwahab Lahmar, Tarek Agrebi ou Temime. Nous avons désormais de plus en plus de mal à nous lever un dimanche matin en nous disant qu'on va voir tel ou tel joueur. Désormais, on s'identifie à une équipe par tradition, par habitude, par… lassitude. Aucun joueur aujourd'hui — nous disons bien aucun‑— ne mérite qu'on fasse le déplacement pour lui et, même s'il s'impose à nous à travers le petit écran, ça nous arrive souvent de … zapper. Pourquoi donc sont-ils intouchables ? Ils le sont parce qu'il n'y a pas une véritable politique sportive dans les clubs (il n'y en a d'ailleurs même pas dans le pays) et parce que les dirigeants sont persuadés que leur destin est lié aux résultats qui dépendent de ses joueurs. Drôle de prime ! Ce qui n'est qu'à moitié vrai car, si cela était valable avec les grands du passé, ça ne l'est plus du tout aujourd'hui. Pourtant… Pourtant, ils sont grassement rétribués et ne payent pas les impôts. Voyons un peu le premier point. Savez-vous que le joueur tunisien perçoit un salaire, des primes de matches et une prime de… rendement. Une prime de rendement, c'est une somme sur laquelle club et joueur se mettent d'accord avant le début de saison et qui est réglée sur trois tranches annuelles. Qui est réglée quel que soit le rendement du joueur, qu'il joue ou pas, qu'il soit bon ou mauvais. Aberrant! Et quand on sait que ces primes de rendement vont de 30 mille dinars pour un petit club à 100 mille et plus pour les grands, on mesure l'étendue du gâchis et de la bêtise. Car, un joueur, assuré de son salaire et de sa prime de rendement, n'a presque plus de motivation et se place objectivement en position de force par rapport au club et aux dirigeants. Qu'il ait 18, 22 ou 30 ans. Voilà donc des largesses à bannir et une Autre formule à trouver pour responsabiliser le joueur et le motiver. Sans oublier qu'en tant que citoyen, le joueur doit payer ses impôts. Pour lui et pour la communauté. Tous ces problèmes et d'autres encore, on aurait pu en discuter et commencer par y trouver une solution. Or, en réalité, c'est à une grande fuite en avant qu'on assiste : pour rester à leurs places, les dirigeants fédéraux et ceux des clubs nous en mettent plein les yeux avec cette reprise vers laquelle ils sont allés à rangs séparés. Selon leurs propres intérêts. Ce n'est pas avec ça, ce n'est pas avec eux que notre football se refera une crédibilité.