La lecture de la proposition de l'Instance de protection de la révolution sur la parité hommes-femmes a suscité un certain nombre d'interrogations. Nul ne peut nier aujourd'hui que les acquis de la femme tunisienne grâce au Code du statut personnel, promulgué le 13 août 1956, sont non seulement révolutionnaires par rapport au monde arabo-musulman, mais aussi par rapport à certaines sociétés occidentales, qui continuent de militer jusqu'à aujourd'hui pour parvenir à l'égalité des salaires, au droit à l'avortement et même au droit au divorce. Toutefois, en se référant au dictionnaire le grand Robert, nous apprenons que l'égalité est "la qualité de ce qui est égal. Le fait pour les humains d'être égaux devant la loi, de jouir des mêmes droits." Et que la parité, "c'est l'égalité de rang entre personnes." A partir de ces deux définitions, nous pouvons constater une certaine convergence en termes de significations. Or, dans la proposition formulée par l'Instance de protection de la révolution, le concept de parité a été plutôt assimilé à la définition scientifique du terme c'est à dire 50% hommes 50% femmes. Ce qui fait de cette dernière acception une source de confusion même si, cet article, au départ voulait accorder à la femme une place plus significative dans la vie politique et sociale de notre société post-révolutionnaire. Donc, au lieu d'être un article à valeur progressiste, il se retrouve restrictif voire sexiste, et ce, pour plusieurs raisons. La première est que cet article paraît assez artificiel avec une certaine forme de dissonance cognitive. En effet, ce système de quota est limitatif, d'autant plus que le sexe ne se doit pas d'être un critère discriminatoire. En effet, que peut signifier 50% de femmes? Est-ce simplement la recherche du nombre? Si là est l'objectif recherché, de quelle catégorie de femmes s'agit-il? A mon sens, toute cette logique est erronée. Partant du chiffre avancé par Faouzia Zouari à J.A numéro 2622, que les femmes représentent 27,9% de la population active, on se demande alors d'où émane le fameux quota? Le fait est que les concepteurs de cette proposition ont misé beaucoup plus sur le critère de la quantité au détriment de celui de la compétence et de la réalité effective de la femme tunisienne. En effet, ce quota est d'autant plus régressif qu'il limite l'ambition de la femme et ne lui permet pas de dépasser les compétences de l'homme et de briguer des postes de responsabilité pourquoi pas plus importantes que les hommes. On pourrait imaginer une Assemblée constituante composée de 70% de femmes et 30% d'hommes par exemple. Au cas où ces potentialités existeraient, cette proposition pose un autre problème et non des moindres, celui de la discordance entre les grandes cités, d'une part, et les zones rurales, d'autre part; entre les villes côtières et celles de l'intérieur, sachant que dans les zones rurales, en particulier, le nombre de femmes actives est supérieur à celui des hommes. Mais cela n'empêche que leur niveau d'instruction est plus faible. Donc, est-ce à cette frange de la population, qui est tout de même importante et assez démunie de formation en matière de culture politique, que nous allons confier notre prochaine assemblée, pour conceptualiser notre nouvelle Constitution qui régira notre deuxième République? Tous compts faits, cette proposition est tellement conservatrice, que l'on pourrait le comprendre comme une instrumentalisation de la femme pour adhérer à l'esprit révolutionnaire et à la fois contrecarrer la montée de l'intégrisme dans notre pays.