De notre envoyée spéciale Samira DAMI L'enfance, la paternité, la maternité sont, jusqu'ici, les thèmes récurrents des films en compétition à la 64e édition du Festival de Cannes : de Polisse, de la réalisatrice française Maïwen Lebesco jusqu'à The tree of life de l'Américain Terrence Malick en passant par Le gamin au vélo des célèbres frères belges, Jean Pierre et Luc Dardanne, se tisse comme une variation sur un même thème. Les meurtrissures, blessures et tourments de l'enfance et de l'adolescence y sont traités pour mieux révéler le monde compliqué, cruel et déliquescent des adultes. Ainsi, Polisse raconte des histoires d'enfants et d'ados violés, violentés, errants et en perdition. Malgré certains clichés et maladresses, le film réussit à dévoiler et dénoncer la cruauté vécue par les enfants d'une certaine catégorie sociale pour le moins misérable et marginale. Mieux, Le gamin au vélo traite du cas d'un enfant de 12 ans qui, abandonné par son père, ne rêve justement que d'amour paternel. En vain, c'est là, certes, il faut dire, le thème fétiche et récurrent des frères Dardenne, détenteurs de deux Palmes d'or, la paternité, mais c'est si bien ficelé et interprété qu'on ne fera pas la fine bouche. Maintenant The tree of life ou L'arbre de la vie traite du parcours d'un homme Jack O'Brien (Sean Penn) qui essaie de répondre à des questions obsédantes sur le tempérament colérique de son père, l'amour de sa mère et la mort de son frère. Mais Terrence Malick, un réalisateur de grosse pointure, double ce propos d'une dimension métaphysique : le sens de la vie et de la foi. L'histoire de Jack et de son enfance est donc inscrite dans l'immensité et le rythme inexorable de l'univers. Jack sent sa destinée liée à celle de l'univers : la poussière des étoiles et les dinosaures qui le peuplèrent il y a des millions d'années. Ses propres luttes internes, psychologiques et confrontations avec son père qui l'a élevé à la dure font corps avec la naissance et l'évolution du cosmos: comment la vie, malgré les durs combats, donne naissance à l'amour et l'amour à la vie. Pour relater la naissance du cosmos, Malick utilise des images de synthèse reflétant la gloire de Dieu, sa grandeur et la grâce de la nature. Le tout aboutissant à une réflexion sur le bien et le mal. Cependant, la narration n'est pas toujours évidente et les tranches d'effets spéciaux consacrées à la naissance du cosmos s'éternisent quelque peu, mais heureusement que la musique d'Alexandre Desplat est assez éloquente. Finalement, ce que nous dit, de manière mystique Terrence Malick c'est que le conflit entre père et fils et le combat intérieur de Jack, ses démons sont si dérisoires face à l'immensité du cosmos. Bref, si le thème de l'enfance, la paternité et la maternité revient, chaque année, avec autant de force dans la filmographie des éditions successives de Cannes, c'est que ça ne tourne pas rond dans le monde des adultes… Autre conflit, cette fois-ci pas de génération, mais entre deux communautés confessionnelles entre musulmans et chrétiens d'un village au Liban, c'est le thème traité par Nadine Labaki dans «Et maintenant on va où». Comment éviter la guerre, comment protéger le village d'une guerre religieuse ? Les femmes du village entre musulmanes et chrétiennes trouvent plusieurs stratagèmes. Voir les femmes dans un rôle positif entre la guerre et ses maux est une idée intéressante, mais dommage que le propos ne transcende pas le premier degré et que le traitement demeure assez léger, encore une fois comme dans «Caramel», le premier long-métrage de Labaki, façon très clip. N'oublions pas que cette réalisatrice libanaise est venue au cinéma à travers le monde des clips.