Par Dr Hichem Ben Nasr MOATEMRI Le 15 janvier, tous les Tunisiens ont pris le train de la révolution : les jeunes du soulèvement populaire, les familles des martyrs, les militants qui ne sont connus que par leur répression à l'ère de la tyrannie, les partis politiques récemment légalisés à la recherche d'une légitimité, les contestataires, les opportunistes… Même les bourguibistes se sont réveillés à temps et ne l'ont pas raté. La société civile, les membres des associations professionnelles et des syndicats, rapidement reconvertis en politiciens sont aussi du voyage. Le Tunisien, qui n'a jamais fait de politique et qui n'a plus peur après la révolution, a compris que non politisé il sera l'ignorant de l'an 2011 et a donc décidé de prendre aussi ce train. Les plus mesquins des mafieux de l'ère Zaba, ses collaborateurs… et ses adulateurs l'ont aussi pris mais ont été obligés de descendre à la première station (Dégage !). Le chef de gare est resté le même, Constitution oblige, mais le conducteur a été rapidement remplacé à la station de La Kasbah par un deuxième qui n'accepte pas de partager ses prérogatives avec des co-conducteurs qui émergent à chaque station et guettent la moindre infraction au code de la route. Le train continue à rouler mais, avouons-le, avec une vitesse très limitée par de multiples dos d'âne en tout genre (quelle créativité). Au départ tout le monde scandait d'une seule voix les mêmes slogans : vive la Tunisie, à bas le despotisme, RCD dégage,… aucun slogan idéologique ni religieux… Ô combien ils étaient solidaires généreux et tolérants… Mais peu de temps après les partis politiques prennent les devants, et leurs représentants passent d'un wagon à l'autre pour parler des heures et des heures mais ne convainquent que peu de voyageurs : quelle ne fut leur déception ! Plus de 60 partis, avec des noms difficiles à retenir vu la ressemblance. A gauche, à droite ou au milieu, ils sont tous pour la démocratie,ils sont tous pour les libertés, ils sont tous pour la dignité, ils sont tous des protecteurs des objectifs de la révolution, ils sont tous pour des élections indépendantes et transparentes, ils sont tous pour l'essor économique et l'équilibre entre les régions, ils sont tous pour la séparation des pouvoirs, ils sont tous pour l'indépendance de la magistrature, ils sont tous pour le respect du Code du statut personnel, ils sont tous contre la corruption… Ils détiennent tous la vérité et agissent par «la volonté du peuple» mais par peur de perdre des voix, ils ne condamnent pas les abus… La seule différence est d'ordre religieux : islamistes extrémistes, islamistes modérés, laïcs mais aucun parti n'est contre l'Islam… Bref, tous ils sont beaux et tous ils sont gentils. Mais quels sont leurs programmes et comment vont-ils réaliser les objectifs de la révolution ? Personne n'en parle peut-être par peur que leurs idées ne soient piquées. La majorité des citoyens ne savent plus à quel saint se vouer et n'arrivent pas à se placer. C'est vrai que le Tunisien, exigeant, et c'est son droit, continue à chercher désespérément un parti. Mais ceci n'empêche : – Que le train de la révolution ne s'est pas arrêté, – Qu'il peut prendre tous les Tunisiens, – Qu'à l'avant-dernière station les resquilleurs et les malintentionnés descendront – Que le train arrivera à bonne destination – Et que ceux qui ont raté ce train prendront les trains suivants.