«Le peuple veut récupérer son argent». Il en a pleinement le droit ! C'est, entre autres, l'une des revendications les plus pressantes de la rue post-révolutionnaire, nourrie d'un sentiment de frustration et d'une pauvreté extrême dans plusieurs régions, exclues du développement pendant des années. Mais la procédure prend du temps et beaucoup de précision dans la préparation des dossiers justificatifs et surtout beaucoup de respect des réglementations des pays dans lesquels les avoirs sont gelés. L'explication a été récemment donnée par M.Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la Banque centrale et président de la commission ad hoc, chargée de faciliter la démarche. C'est d'abord une procédure purement judiciaire. La justice tunisienne doit enquêter sur la provenance des fortunes des membres de la famille du président déchu, prouver que des fonds ont été acquis illégalement puis transférés vers un pays donné et servi pour acquérir des bien déterminés ou déposés dans des comptes spécifiques. Par ailleurs, il faut aussi identifier les biens et les comptes dans chaque pays, avant d'engager la procédure. Enfin, tout le dossier doit être constitué selon la réglementation en vigueur régissant ce genre d'affaires dans le pays concerné. Autrement dit, cela relève du parcours du combattant, pour arriver à rapatrier les biens volés aux Tunisiens. «Et on peut le faire» a affirmé le gouverneur de la Banque centrale, «mais cela prendra du temps». Pour ce faire, la justice a déjà entamé son travail d'investigation. «Cela nécessite une certaine discrétion», d'après M. Nabli. Mais la justice n'a pas les moyens d'identifier les biens à l'étranger et c'est pour cela que cette commission a été créée. «Nous travaillons actuellement avec des bureaux spécialisés à l'étranger, des avocats et des experts, justement pour nous aider à identifier ces biens, quand est-ce qu'ils ont été acquis et par quels moyens (transfert ou autre). Et une fois un dossier accompli, la démarche de rapatriement pourrait être engagée entre Etats.» A l'heure actuelle, aucun montant n'a été dévoilé, aucune estimation de la valeur des biens acquis à l'étranger, mais le gouverneur de la BCT a promis de communiquer là-dessus dès qu'il y aura du nouveau. «Les protestataires, ayant toute légitimité de revendiquer les biens du peuple, devraient comprendre que cela prend du temps, et que nous sommes en train de travailler pour réaliser cet objectif», a souligné le gouverneur de la BCT. Entretemps, le sentiment d'amertume s'amplifie d'une Tunisie pillée depuis l'indépendance et même avant, et se voit aujourd'hui obligée de recevoir de l'aide internationale pour se remettre sur pied. Leçon : plus jamais ça !