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S pour Souk (politique)
Lexique révolutionnaire à l'usage du Premier ministre
Publié dans La Presse de Tunisie le 19 - 05 - 2011


Par Yassine Essid
Nous avons été témoins la semaine dernière d'un épisode tout à fait surréaliste, celui d'un Premier ministre d'un gouvernement provisoire recevant à la chaîne, au Palais du gouvernement, à la Kasbah, les dirigeants des partis politiques sur une base manifestement discriminatoire puisque sur la soixantaine de partis autorisés, les chefs de partis reçus se comptent sur les doigts d'une main. Or actuellement ni le chef de l'Etat intérimaire, ni le gouvernement provisoire n'ont de légitimité institutionnelle, de même ni les partis ni leurs chefs ne sont représentatifs d'un peuple, jusque-là introuvable, ou d'une fraction de celui-ci, les autorisant à s'entretenir en son nom avec le chef du gouvernement. On se demande ce qui leur vaut tant de sollicitude. Serait-ce leur degré d'ancrage dans la société, le crédit qu'ils possèdent auprès de leur électorat virtuel, ou la légitimité charismatique de leurs dirigeants qui auraient fait d'eux des interlocuteurs politiques privilégiés du Premier ministre, appelés à s'entretenir des «moyens de garantir la stabilité sécuritaire, afin de réunir les meilleures conditions pour la réussite de la transition démocratique», comme le rapporte le communiqué? De tels entretiens valent reconnaissance et ces partis se retrouvent en position de revendiquer une posture essentielle dans le jeu politique bien qu'ils ne se réclament d'aucun suffrage des urnes ni d'aucun mandat politique. Ils sont présumés représenter des électeurs en capacité de compromettre l'existence des autres partis concurrents alors même qu'ils sont ou totalement ignorés du grand public, ou source d'inquiétants fantasmes.
Ce défaut de légitimité, qui vient curieusement consacrer les principes de souveraineté du peuple, est devenu la marque de fabrique du paysage politique depuis le 14 janvier. Ainsi cette Haute instance, dite pour la réalisation des objectifs de la révolution, la réforme politique et la transition démocratique, s'est-elle constituée en un ordre souverain en dehors de toute représentativité démocratique, prenant le masque et la plume de la volonté générale, allant jusqu'à s'octroyer le droit d'auditionner le Premier ministre et d'interpeller le gouvernement sur son action.
Pendant plus d'un demi-siècle, la Tunisie s'est distinguée par un régime à vocation de parti unique, aux pouvoirs exorbitants, contrôlant tous les secteurs de la vie politique, sociale et économique, s'identifiant à la nation tout entière car supposé traduire à lui seul la volonté du peuple. Depuis janvier, ce parti, qui ne tolérait aucun rival, même minoritaire, a disparu à jamais de la scène politique. Répondant à l'appel du vide, plus d'une soixantaine de partis se sont aussitôt précipités pour se constituer, certains sur la base de leur seule opposition passée à Ben Ali, d'autres, seulement à la faveur de la chute de la dictature. Généralement, un parti politique est reconnu pour les valeurs qu'il partage avec ses sympathisants, ou parce qu'il est nanti d'un passé prestigieux, ou dirigé par un chef incontesté ; parce qu'il est doté d'un programme qui séduit, ou d'une philosophie capable de forger son unité, d'une doctrine ou d'un corps d'idées organisées susceptibles de mettre les masses en mouvement, de leur fournir un symbole d'unité et permettre à l'opinion de faire son choix. Or qu'observons-nous aujourd'hui ? Au-delà de leurs appellations, où se mélangent, dans toutes les combinaisons possibles, les vocables de liberté, travail, union, social, libéral, socialiste, démocratique, populaire, progressiste, renouveau, ouvrier, républicain, tunisien, ou maghrébin. Au-delà des abréviations de leurs noms sous forme de PDP, FDTL, PLM, UPR, MDT, PJE, et j'en passse, qui les rendent encore plus abscons, ces partis sont censés être les principaux vecteurs d'une représentation organisée. Ils ne sont, pourtant, pour la plupart, que de minuscules organisations reconverties dans la politique, généralement sans enracinement dans la population, sans programme précis, sans expérience politique, sans implantation régionale; en somme, des partis de la page blanche, élaborant leurs idées politiques sur une identité historique ou mythique et pour qui l'enjeu réside plus dans l'accession au pouvoir que dans la défense de l'intérêt général et la consécration des valeurs de modernité, de liberté et de justice, prônées vigoureusement lors du soulèvement du 14 janvier.
Dans ce marché du politique, le parti unique d'antan, PSD ou RCD, avait colonisé l'Etat pour en faire le lieu unique de transaction et de représentation dans la mesure où il y détenait une position dominante. Le démantèlement de ce monopole institutionnalisé a ouvert la voie à la constitution d'un marché informel du politique, un vrai souk. Aujourd'hui, plus d'une soixantaine de camelots dûment autorisés proposent leurs étalages, à la manière des fameux vendeurs à la criée, à des chalands désemparés ou désabusés. Certains articles sont de qualité douteuse, d'autres portent la marque d'idéologies périmées, de doctrines contrefaites, de convictions incertaines, ou de conceptions éculées ; d'autres systèmes enfin, réputés en ascension continue, portent le label halâl. Dans ce supermarché du vote, où tout se mêle néanmoins, sans ordre ni agencement, le client se trouve face à des options qui mettent en concurrence des préférences contradictoires qui risquent, à terme, de réduire l'exercice de sa citoyenneté à une dimension psychoaffective plutôt qu'à un choix raisonné. On optera pour tel parti parce qu'il rassure par ses intentions libérales ou pour le charisme de son dirigeant, on s'opposera à tel autre parce qu'il inquiète par son ambiguïté, et on rejettera le troisième parce qu'il rêve encore d'une révolution prolétarienne.
Ainsi, d'une situation de monopole, où un seul offreur faisait face à de nombreux demandeurs, on est passé à la situation inverse, et fort rare, où un seul demandeur fait face à un grand nombre de vendeurs. Ce trop-plein de marchands n'est pas forcément l'indice d'une prospérité économique des marchés, de même que la pléthore de partis, dont la plupart ne comptent que les membres des familles de leurs leaders comme militants, et qui ne sont porteurs d'aucun projet de société, n'est pas la preuve qu'une culture démocratique est en train de s'instaurer dans le pays. Cette dérégulation extrême du marché politique ira non seulement hâter le désintérêt de la population vis-à-vis de la chose publique, mais rendra absurde le jeu démocratique en faisant profiter à terme le parti le mieux nanti et le plus organisé, ce qui ne veut pas dire le plus libertaire. En économie comme en politique, le marché ne peut aujourd'hui se réguler par lui-même, d'où la nécessite de sa rationalisation afin d'éviter que la loi du marché ne devienne simplement la loi du plus fort.


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