Par Hmida Ben Romdhane Le discours du président américain de vendredi dernier comporte les deux grands sujets auxquels on s'attendait : les révolutions dans le monde arabe et la question palestinienne. Sur le premier point, il a fallu six mois pour que les Etats-Unis se décident enfin à prendre clairement position et à se ranger du côté des populations qui réclament la fin de la tyrannie et l'instauration de la démocratie. Ce temps d'observation ou de réflexion a, semble-t-il, permis aux Américains d'acquérir «la ferme conviction que les intérêts des Etats-Unis ne vont pas à l'encontre des espérances des populations mais qu'ils leur sont essentiels.» Depuis longtemps, les Etats-Unis ont considéré que leurs intérêts étaient liés à la stabilité des régimes clients, qu'ils soient des dictatures militaires ou civiles. Parfois même, ils complotaient pour renverser des démocraties, comme ce fut le cas du régime Allende élu démocratiquement au Chili et renversé en septembre 1973 à l'instigation de la CIA. Pour la première fois vendredi dernier, un président américain reconnaît que les Etats-Unis s'étaient fourvoyés dans leur soutien aux régimes dictatoriaux. Cela sonne comme un mea-culpa quand on entend Obama déclarer qu' «après avoir accepté pendant des dizaines et des dizaines d'années le monde tel qu'il est dans la région, nous avons maintenant l'occasion de chercher à construire le monde tel qu'il devrait être.» Quelque peu sélectif, (mutisme total sur la réalité peu démocratique dans les pays du Golfe et extrême prudence dans l'évaluation de la situation à Bahreïn), le mea-culpa est tout de même important pour les Tunisiens et les Egyptiens qui ont vu leurs dictateurs vivement soutenus pendant des décennies par les administrations américaines successives. On n'a pas de raison particulière de douter de la sincérité de l'élan américain d'aider les peuples tunisien et égyptien à réussir la délicate transition vers la démocratie. Toutefois, cet accès de générosité intervient au mauvais moment. Au moment où plusieurs pays vivent une crise financière profonde. Le FMI, la Banque mondiale, la Banque européenne pour la reconstruction et le développement sont déjà très sollicités par la Grèce, le Portugal et autres pays européens en crise. Cela, de toute évidence, ne peut que limiter l'étendue de l'intervention de ces institutions en faveur des économies tunisienne et égyptienne, et risque de réduire l'appel que leur a lancé Obama vendredi à un vœu pieux. Peut-être le président américain aurait-il dû mettre l'accent avec plus d'insistance et plus de détails sur l'apport propre des Etats-Unis. L'initiative à laquelle Obama veut associer le Congrès en vue de créer «des fonds d'entreprise pour l'investissement en Tunisie et en Egypte», sera un indicateur important du degré d'engagement américain en faveur du changement démocratique dans le monde arabe. Doter ces fonds de l'équivalent de quelques mois de guerre en Irak n'est pas au-dessus des moyens de la première puissance mondiale. Concernant le second sujet du discours de Barack Obama, on constate que c'est la première fois depuis plus de quatre décennies d'occupation israélienne, un président américain en exercice annonce clairement la nécessité pour Israël de revenir aux frontières du 4 juin 1967. Cependant, il est peu probable que cette ‘nouveauté' dans la position américaine soit de quelque utilité pour la solution globale que le conflit moyen-oriental attend depuis de longues décennies. L'administration américaine compte sans doute sur l'impact psychologique que provoquerait la référence à cette date emblématique dans le monde arabe et chez les Palestiniens. Toutefois, l'effet recherché est quasi-nul quand on sait qu'Obama, après avoir récité la liste des exigences habituelles (besoin de sécurité d'Israël, Etat palestinien démilitarisé etc.), a laissé en suspens les deux principaux problèmes : le retour des réfugiés et Jérusalem. Des commentateurs américains ont salué «le courage» d'Obama qui, malgré le rapprochement de l'échéance électorale de 2012, n'a pas hésité à risquer les foudres des milieux juifs, très influents politiquement et financièrement aux Etats-Unis. Mais en dernière analyse, y-a-t-il une réelle différence dans les faits entre Obama qui préconise aujourd'hui le retour aux frontières de 1967 et Bush fils qui exigeait hier que fussent prises en compte les réalités sur le terrain tissées peu à peu par la colonisation qui se poursuit depuis plus de quatre décennies ? Une différence au niveau de la forme peut-être, mais, sur le fond, aussi divergentes que soient les positions de l'actuel président et de son prédécesseur, tout le monde sait que ce qui se dit à la Maison-Blanche est une chose, et ce qui se décide sur le terrain en est une autre. Depuis le 5 juin 1967 jusqu'à ce jour, la politique américaine vis-à-vis de la question palestinienne est fixée à Tel-Aviv avec la bénédiction du Congrès et le soutien actif et inconditionnel de l'Aipac, le lobby pro-israélien aux Etats-Unis. Netanyahu qui prononcera dans deux ou trois jours un discours devant le Congrès à Washington, aura sans aucun doute droit, une fois encore, à cette bénédiction et à ce soutien actif.