• Aucun parti n'a réagi Par Lassaâd BEN AHMED En se prononçant jeudi dernier sur la politique étrangère des Etats-Unis pour la région de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, Barak Obama a proposé un nouveau pacte entre le monde arabe et Israël. Les termes du contrat sont clairs. Les Etats Unis aideront la Tunisie et l'Egypte à conduire la transition démocratique et à relancer leur économie, ainsi que tous les pays de la région en quête de liberté, de prospérité et de stabilité, en contrepartie de la sécurité de l'Etat hébreu derrière les frontières de 1967. Le président américain a tracé ainsi le schéma de la politique étrangère dont devraient prendre en compte les futurs gouvernements dans les deux pays révolutionnaires et mis au clair la dimension géostratégique des révolutions tunisienne et égyptienne, objet d'interrogation et de réflexion depuis la chute des deux régimes. Cette dimension, pourtant absente des revendications populaires au moment du soulèvement, constitue une pièce déterminante pour le futur de la région. C'est de la position des futurs gouvernements sur cette question que dépendra la stabilité dans la région et c'est de cette stabilité que dépendront également l'investissement, l'emploi et la paix sociale. Or cette question n'est pas encore à l'ordre du jour. Les peuples sont encore sous le choc des dépassements des dictateurs et les partis politiques sont encore au niveau de la réflexion sur la future politique économique et sociale. Dans ce contexte, le discours du président américain anticipe et trace les repères du futur équilibre dans la région. Il marque aussi un changement historique dans la position des Etats-Unis, qui comptaient sur la répression de ses alliés dictateurs, les considérant comme bouclier pour la sécurité d'Israël et rempart contre l'islamisme, pour donner directement confiance à «l'homme de la rue» qui aspire à la liberté et à la dignité, qui a fait sa révolution contre la dictature et qui devient directement responsable de cette dimension sans qu'il ne soit tout à fait conscient (excepté une élite). Il s'agit pourtant d'une question centrale parmi les incertitudes et les préoccupations de la communauté internationale, notamment en Europe et aux Etats-Unis, amplifiées par le retour remarquable de l'islamisme et l'évocation de la fin d'Israël sur les réseaux sociaux par plusieurs internautes, au lendemain du départ des deux dictateurs. M. Obama, en proposant les frontières de 1967 pour l'édification d'un Etat palestinien démilitarisé, prend en compte le danger que pourraient constituer des populations arabes révoltées sur la sûreté de son allié stratégique dans la région, Israël. Et si Israël a critiqué cette proposition américaine, la Tunisie a apprécié l'intérêt américain à la reconstruction. Mais les incertitudes ne sont pas encore dissipées, bien entendu faute de gouvernement légitime. Et la situation n'est pas meilleure dans les pays encore en révolution. Toute la problématique tourne donc autour d'une double question : les populations arabes révoltées accepteraient-elles le nouveau contrat d'Obama‑? Et dans l'affirmative, l'Etat hébreu cesserait-il de massacrer les Palestiniens et de confisquer leurs terres‑? Politique étrangère et partis politiques En Tunisie, la politique étrangère était toujours en faveur de la paix et refusait, par principe, toute ingérence dans les affaires intérieures des pays. Sous le règne de Ben Ali, la Tunisie, tout en protégeant les juifs tunisiens et les pèlerins de la Ghriba, réclamait une protection internationale au peuple palestinien et conditionnait son éventuelle coopération avec Israël au degré d'avancement du processus de paix. Au même moment, tout mouvement spontané de soutien au peuple palestinien est réprimé, sinon trop «encadré». Après le 14 janvier, l'incertitude gagne ce dossier, tout comme l'état général du pays. Et les inquiétudes des partenaires historiques de la Tunisie aussi bien au niveau économique que politique, puisque le parti unique est dissous, le dictateur est banni et le vide politique est tel que nul ne peut prédire ce que deviendrait la politique étrangère du pays, surtout en l'absence de légitimité du gouvernement provisoire et de clairvoyance de la majorité des partis politiques. Dans tous les cas, une communication rassurante faisait défaut sur ce plan, ce qui explique d'ailleurs qu'aucun parti n'a réagi jusqu'à présent au discours d'Obama. Toutefois, cela ne signifie pas l'absence totale d'une opinion publique sur les questions relatives au terrorisme, au conflit du Moyen-Orient et d'un certain consensus sur la nécessité de construire un Etat palestinien souverain. Les événements de Rouhia contre le terrorisme et les réactions qui s'en sont suivies pourraient constituer à ce niveau précis un indicateur rassurant à la communauté internationale. Le peuple tunisien, bien que révolté, refuse la violence, notamment celle qui sème la terreur entre les Tunisiens et leurs hôtes et n'aurait aucun problème à adhérer aux propositions du président américain concernant le futur de la région. En revanche, il lui sera difficile de tolérer le massacre du peuple palestinien, ou toute autre agression illégitime contre une autre population du monde. Les programmes électoraux des partis politiques et l'élection du 24 juillet seraient en mesure de dissiper tout amalgame sur cette question.