Deux petites plantes voisines très odorantes dont les Tunisiens apprécient le parfum. Il n'était pas rare de rencontrer, dans les rues de nos villes, des hommes d'un certain âge porter sur l'oreille droite un œillet. Le parfum qu'il dégage gagne ainsi aisément leur odorat pratiquement sans effort leur procurant une sensation de bien-être sans égal. Le qronfôl a longtemps inspiré les chansonniers populaires d'où cet air antiraciste comparant les gens de couleur à des pots de giroflée dans le jardin d'un Européen (mahbeç goronfôl fi jnan erroûmi). Un autre qronfôl a dans le temps épaté nos femmes. il s'agit des boutons floraux d'un arbre exotique : le giroflier. Nos ménagères ont appelé ces petits bâtonnets oûd qronfôl, une appellation très proche du nom français «clou de girofle». Le oûd qronfôl est une épice et un produit de beauté de nos vieilles traditions. Très aromatique, au goût fort et piquant, le oûd —c'est comme ça que certains l'appellent — est utilisé en cuisine avec parcimonie dans les préparations recherchées et somptueuses, ainsi que dans certaines douceurs prestigieuses. Contrairement à ce qui se passe ailleurs, le oûd qronfôl est très usité chez nous dans la cosmétique traditionnelle. Ainsi hommes et femmes se rejoignent. Si les premiers aiment sentir l'odeur de la giroflée, les secondes préfèrent dégager des senteurs où le clou de girofle est dominant; or les deux fleurs ont des parfums très proches. Le mélange qui utilise le plus le oûd et le harqoûs, ce n'est pas à vrai dire un produit qui se vend prêt à l'emploi; il est plutôt une création de femmes, une alchimie féminine et sert à moucheter le visage et les membres de nos dulcinées. La mardoûma (litt enfouie) est composée aussi d'entre autres élixirs et de clous de girofle. C'est une pâte qui donne à nos belles des cheveux noirs et brillants avec des effluves de qronfôl.