C'est sur le quai des Belges, au Vieux port de Marseille, là où l'on vend encore le poisson à la criée «ave l'assan du midi» que j'ai découvert, il y a quelques semaines, combien la Révolution tunisienne est présente dans le cœur et l'esprit des Phocéens. L'un de mes amis et confrère, tout en choisissant de belles pièces argentées et à l'œil vif pour le méchoui-loup de 13h00, me dit alors : «C'est bien, vous êtes passés à l'acte. Vous avez beaucoup de courage. Pour un peu, j'aurais cru que ça ne marcherait pas aussi bien en Egypte… On ne peut, évidemment, comparer dix millions à quatre-vingts millions d'habitants! Mais à vrai dire, il ne s'agissait nullement de calcul démographique. Plutôt une question de style ou plus clairement d'un savoir-vivre et d'un savoir-faire acquis, depuis des temps immémoriaux! Votre empire carthaginois et celui des Pharaons, quelles belles légendes aussi ! Des peuples plus lointainement civilisés que les nôtres, à part la Grèce et Rome qui se guerroyaient et fraternisaient en même temps !» A huit cents kilomètres du Vieux port en droite ligne au dessus de la Méditerranée, mon ami me dit encore que le Golfe de Carthage où j'habite semble s'être rapproché d'un peu plus près de sa ville portuaire qui a mis le feu aux poudres avec sa Marseillaise et son entrain de : «Allons enfants de la Patrieuu…». Ça me fait chaud au cœur. Et de continuer : «Mes lointains aïeux, durant la Révolution de 1789, crevaient littéralement la dalle. Et savez-vous qui a sauvé la population marseillaise de cette famine qui avait engendré des tas de maladies et même la peste ? Hé ! Hé !… C'est la Tunisie profonde, ce beau “grenier de Rome” qui nous a envoyé des cargaisons pour nous sortir de cette misère ! Ça, c'est une belle histoire, vraie de vraie, que l'on n'oubliera pas de sitôt !» Et mon ami de me citer les associations caritatives et de solidarité actuelles qui se sont fédérées et relayées pour envoyer des aides à ces régions dilapidées et d'où est partie la première étincelle de la Révolution du 14-Janvier. «Oui, vous êtes passés à l'acte et vous venez d'accomplir la destruction de l'ordre du grand mafieux et de ses acolytes. Il faut donc instaurer un ordre nouveau, mais sans précipitation. Surtout vous garder de tout confondre, entre la “pensée” révolutionnaire et sa “mise en pratique” qui demandera un peu de temps, celle-là…» Du côté des Calanques, cette fois, le grand méchoui-loup aux herbes de Provence commence, et nous chatouille les babines. Le plateau de coquillages rangés sur un lit de glaçons a, cependant, la priorité gustative du fameux «ça se mangeuu...» des pauvres gens du cabanon d'autrefois, qui en avaient progressivement découvert les qualités nutritives : huîtres, moules, praires, clovisses, oursins, sans oublier la bouillabaisse... La révolution a, maintenant, les senteurs de la marée. On écoute celle de Léo Ferré «La marée, je l'ai dans le cœur», puis, «La Révolution tralalère! La Révolution tralala!..» et mon ami de renchérir : «Lorsque votre président déchu est arrivé avec son ‘‘ère du changement'', tout le monde y croyait, même nous. Et vous savez pourquoi? Eh bien parce qu'il a un peu copié sur la Révolution russe que l'on qualifie aussi de ‘‘Révolution d'Octobre''», mais d'après le calendrier grégorien, c'est bien en novembre qu'elle a eu lieu. Mais tout le monde s'en fout de savoir quand exactement. On se souvient seulement que c'était en 1917. En réalité, c'était un certain «7 novembre 1917», soit soixante-dix ans jour pour jour avant la déclaration du «7 novembre 1987»! Vous voyez la supercherie! Fait du hasard ou calcul bien décidé! Vous ne trouvez pas cela curieux? De plus, novembre étant le mois de la mort et mon ami d'établir un jeu de tarot sur la table où règne maintenant un dessert de fruits. Une carte parmi les autres : celle du mois de novembre où apparaissent gravés, symboliquement, un squelette (la mort) tenant une faux en forme de sept, sans la barre!… «Vous étiez prévenus et durant vingt-trois ans, on vous a menés en bateau! Plutôt «le radeau de la médus» parti, comme ça, à la dérive… mais bon, mon cher convive, on va s'faireuu une bonne petiteuu siesteuu sur le rocher et laisséuu la révolution tunisienneuu prendreuu son premier bain de jouvenceuu, dans notre chéreuu méditerranéeuu…» tout cela dit ave l'assan…