Par Adel LATRACH L'article paru dans le quotidien La Presse du 31 mai 2011 dans les pages réservées aux opinions et qui est de la plume de Faïçal Abroug nous interpelle de manière très significative et nous contraint à regarder en toute objectivité et en face une situation qui devient assez préoccupante. Les paroles du rappeur Psycho M, scandées sur un rythme si martelé que ça vous écorche les oreilles et qui incriminaient le cinéaste Nouri Bouzid, étaient soutenues par une foule de Nahdhaouis chauffés à blanc qui, dans une hystérie collective frisant parfois le délire, s'égosillaient avec délectation et suffisance à force de «Allahou Akbar». Une vision dantesque et apocalyptique du projet politique qui nous est destiné si jamais ces illuminés étaient portés au pouvoir. Sachant de quoi il en revient avec ce genre de musique, il n'est pas exclu que les écarts de langage qui transgressent les convenances et la morale foisonnent dans de pareilles tribunes qui encouragent la sédition confessionnelle et l'intégrisme religieux et qui prônent l'aliénation culturelle, le retour en arrière et le refus de la modernité. Sous couvert du respect de la charia, cette loi canomique qui tire toute sa substance de la vie religieuse, politique, sociale et, surtout, individuelle du musulman et par souci de veiller à la défense et à la sauvegarde des valeurs islamiques, un autre rapport qui s'est attribué le titre pompeux d'un grade supérieur de l'armée et qui croit avoir atteint le top de la célébrité en décrochant une place parmi les cent personnalités de l'année. Ce mérite il ne le doit qu'à cette génération de Tunisiens de l'internet et de facebook et il n'a pas fait honneur à cette gloire l'autre soir sur la chaîne satellitaire privée, Hannibal, qui s'est illustrée en se faisant le tremplin médiatique pour des énergumènes dont la seule présence sur un plateau de télévision constitue une aberration et une atteinte à la dignité humaine. Ce rappeur, trop imbu de sa petite personne, s'est permis l'indécence de justifier et de soutenir les propos de Psycho M sans toutefois soutenir l'élimination à la kalachnikov de Nouri Bouzid. Le silence de pratiquement tous les partis politiques tunisiens sur l'élément matériel du délit, à savoir la lâche agression subie par le célèbre cinéaste tunisien et portée à son corps défendant ainsi que les graves menaces qui pèsent désormais sur lui nous laissent perplexes et sceptiques sur le sérieux de leur engagement. Un silence lourd de présages et qui exprime l'incertitude et le doute sur leurs véritables intentions. Cela nous pousse à croire qu'en agissant ainsi, ils espèrent ne pas déplaire ou indisposer un électorat hypersensible quand il s'agit de religion. Cela ne s'appelle-t-il pas ménager le cavalier et la monture? En politique, c'est prendre des risques. A l'appui d'une opinion largement répandue et favorable aux idées modernistes qui ont contribué dans le passé à la grandeur de l'Islam avec les Abbassides, les Omeyyades et, principalement, les Andalous et ici l'action menée depuis quelque temps par l'académie Beit al-Hikma dans la résurgence des valeurs de l'Islam est méritoire. L'argumentaire autour du respect du référentiel arabo-musulman de la Tunisie est brandi et agité comme une menace pour réprimer et mater toute velleité ou intention d'ordre culturel ou artistique. Et dire que c'était le rôle des partis politiques de déjouer les plans et de dénoncer les menées subversives des obscurantistes, plus déterminés que jamais à installer le pays dans une attitude d'opposition à l'instruction, à la raison et au progrès. A la société civile de plus en plus agissante et active de se démarquer de cette déferlante intégriste et de prendre ses distances vis-à-vis d'une idéologie qui jouit d'un vaste courant de sympathie.