Le réseau de Tunisie des droits, des libertés et de la dignité a organisé sa quatrième conférence et ce, en collaboration avec le centre kawakibi pour la transition démocratique. La présente conférence a été axée sur un thème d'actualité, à savoir le comportement électoral constitutionnel. Ouvrant les travaux de cette rencontre, M. Sadok Belaïd, ex-doyen de la faculté de Droit et des Sciences politiques, a tenté de répondre à la question «quel comportement électoral constitutionnel ?» en décortiquant et en analysant les termes et notions employés dans cette interrogation. Pour lui, le qualificatif constitutionnel n'a aucune importance du moment où l'on parle de comportement électoral. En effet, constitutionnelles, législatives ou autres, les élections convergent toutes vers le même principe démocratique. Ce qui importe, réellement, c'est le comportement électoral pour lequel optera l'ensemble des personnes concernées par ce projet. «L'on entend par le terme comportement, l'éthique, l'ensemble des valeurs, bref, le retour vers des principes bien définis. Il ne peut y avoir des élections sans l'éthique électorale. D'ailleurs, c'est à partir des principes que le législateur élabore les textes de loi», rappelle M. Belaïd. Pour lui, l'éthique électorale concerne quatre parties, notamment les électeurs, les candidats, les organismes veillant sur le bon déroulement des élections ainsi que les médias, dont l'impact est souvent de taille. Toutes ces parties doivent se soumettre à l'ensemble des valeurs indispensables aux élections et au climat démocratique. L'expert en lois constitutionnelles insiste, en outre, sur le principe de transparence, de loyauté et celui de l'esprit sportif en cas d'éventuel échec. Il appelle, également, toutes les parties concernées par les élections constitutionnelles à respecter le principe de citoyenneté, à éviter toute forme de violence et de veiller, ensemble, sur la transparence et la crédibilité des élections. Prenant la parole à son tour, M. Ahmed Sawab, président de district au Tribunal administratif, a insisté sur l'obligation, pour le juge, de respecter les principes de neutralité et d'objectivité. Il a indiqué, par ailleurs, que la question électorale présente un terrain favorable aux conflits touchant à la fois au droit contentieux et constitutionnel. Pour résoudre ces conflits, le juge électoral est appelé à faire preuve de compétence confirmée, de performance, juridique, de neutralité, outre une connaissance bien fondée quant au contexte national et celui, politique en particulier. L'orateur a passé en revue les types de conflits pouvant surgir avant, pendant et après les élections. Toutefois, il attire l'attention sur les modestes moyens de la cour administrative et son inaptitude à résoudre les éventuels grands conflits. «La formation des personnes chargées du contrôle lors des élections s'avère une nécessité absolue», souligne M. Sawab. Et d'ajouter que la Tunisie vit une véritable gestation démocratique; une situation dont les résultats ne sont point évidents. «Il y aura sûrement des erreurs dont certaines seront pardonnables et d'autres non. Le juge ne doit aucunement négliger le principe de neutralité», ajoute l'orateur. La neutralité s'impose De son côté, M. Abdel Aziz Jaziri, maître de conférences à la faculté de La Manouba, a traité la question d'un point de vue analytique. Il a, d'abord, rappelé à l'assistance les trois principaux types de systèmes électoraux, notamment celui des démocraties bien ancrées, celui des régimes dictatoriaux et celui propre à la transition démocratique. Il a indiqué que la participation aux élections et le respect des principes électoraux constituent des signes de démocratie. C'est que la participation à la vie politique via les élections traduit les droits des citoyens à la prise de décisions politiques, mais aussi au suivi de ces décisions. Par ailleurs, et sur le plan pratique, la participation du citoyen à la vie politique n'a rien de récent. Au contraire, elle remonte à plusieurs décennies et se manifeste à travers différentes formes dont le militantisme pour l'Indépendance. Par contre, les élections n'ont jamais fini par métamorphoser la vie politique et ce, pour diverses raisons et divers facteurs. M. Jaziri cite l'absence de l'esprit pratique, l'écart social, la personnalisation des élections et du contexte politique, l'impuissance de la société civile face au pouvoir de l'Etat. «La participation à la vie politique s'avère, alors, occasionnelle, voire formelle. Elle peut également être obligatoire et contrôlée. Cette situation est généralement favorisée par la marginalisation des partis et des personnes intéressées par la politique , l'importance des personnes apolitiques et des contestataires partisans de la violence. Le comportement électoral doit obéir à des critères: des conditions nécessaires à la loi constitutionnelle et les garanties d'un comportement politique», précise M. Jaziri. Dans le second cas, il s'agit, essentiellement, de respecter le principe de la discrétion du vote, la neutralité de l'Etat, du gouvernement et de l'administration, l'indépendance de l'instance chargée de veiller sur le bon déroulement des élections ainsi que la diffusion d'une culture politique et démocratique. Transition démocratique:un travail de longue haleine M. Mohsen Marzouk, secrétaire général de l'Organisation arabe pour la démocratie et président du comité exécutif du centre Kawakibi pour la transition démocratique, a précisé, lors de son intervention, que le projet constitutionnel s'inscrit dans le cadre d'une continuation du projet national et civilisationnel de notre pays. La révolution a permis de combler une lacune de taille, à savoir celle de la démocratie. «Cette lacune persistait depuis l'Indépendance», souligne l'orateur. Il a indiqué également que le processus démocratique constitue un panache de procédures et de valeurs légitimant les libertés individuelles. Toutefois, M. Marzouk tempère son enthousiasme, invitant les Tunisiens à faire preuve de patience. «La transition démocratique est un projet de longue haleine. Les pays de l'Europe de l'Est vivent toujours sous le signe de la transition démocratique», fait remarquer l'orateur. Il appelle, en outre, à la sensibilisation et à l'information du peuple afin qu'il soit, désormais, responsable de ses choix politiques et apte à décider de l'avenir du pays.