Par Ali BAKIR* Je ne suis pas politicien, mais un simple citoyen qui souhaite que nos enfants aient une vie normale et décente sans plus ! Je n'ai pu résister à l'envie de m'adresser au gouvernement provisoire pour lequel nous ne pouvons qu'avoir du respect. Messieurs, Jusqu'à quand allez-vous permettre ce dangereux désordre, ces débordements inacceptables et ces comportements irresponsables voire antipatriotiques et céder à des revendications honteuses de certains énergumènes qui veulent profiter des sacrifices consentis par les plus pauvres pour servir leurs intérêts personnels qu'ils soient matériels ou politiques ? Lors de notre visite à l'occasion des caravanes de solidarité, nous étions très nombreux à avoir été très agréablement surpris par le comportement digne et responsable de la population des régions déshéritées et, en particulier, par les jeunes aussi bien ceux qui sont diplômés que ceux qui ne le sont pas et qui ont été à l'origine de la révolution. Ils tenaient un discours responsable et leurs revendications légitimes étaient modestes et fort justifiées : développer la région en demandant aux investisseurs de venir vers eux et de créer pour cela l'infrastructure nécessaire et en espérant de l'aide pour encourager les activités agricoles et d'élevage afin qu'ils puissent enfin assurer une vie décente et respectable à leur famille et les études de leurs enfants, sans plus. Alors je trouve qu'il est incroyable qu'il puisse exister des gens qui, après avoir braillé, sans conviction donc, «khobz ou ma et ZABA la», osent réclamer des augmentations de salaire pendant que d'autres galèrent vraiment pour un quignon de pain ! Il est donc impardonnable à des dirigeants d'accepter de se faire presser par des inqualifiables qui ne sont tunisiens que par naissance et non par le cœur ! N'y a-t-il aucun dirigeant capable de sortir faire, hors du plateau de télévision, un discours simple en «tunisien» compréhensible pour tous les Tunisiens quel que soit leur degré de culture et d'avoir le courage de le faire au cours d'un meeting dans une salle ou pourquoi pas un stade rassemblant le maximum de personnes (tout en le retransmettant par les stations radio et télé) ? Je sais qu'il n'est pas donné à n'importe qui de communiquer à la façon de Bourguiba et qu'en plus ZABA a pratiquement émasculé le RCD; mais il y a des politiques d'autres partis et des indépendants qui pourraient le faire. Un homme ou une femme (il y en a plus d'une qui ferait mieux qu'un homme) politique devrait pouvoir tenir un discours clair qui aurait deux volets : le premier consisterait en une analyse de la situation et une explication de l'impossibilité de répondre aux diverses demandes tout de suite et le second devrait prévenir ceux qui ne respectent pas «les règles du jeu» qu'ils prennent le risque de s'exposer à des sanctions ! 1) Il n'est pas difficile d'expliquer au peuple que si nous ne reprenons pas tout de suite le travail sans condition nous risquons une récession économique grave, et qui dit récession, dit faillite des entreprises et donc perte d'emplois. Autrement dit, ceux qui veulent améliorer tout de suite leur situation en faisant la grève sont en train de se «suicider» ! Se «suicider» c'est leur droit (et encore!) mais ils n'ont pas le droit de «tuer» avec eux ceux qui veulent travailler pour vivre. Les exportateurs tunisiens ne pouvant plus honorer leurs commandes, le marché extérieur sera perdu au profit de concurrents qui n'attendent que cela ! De plus, on pourra dire adieu aux entreprises étrangères qui emploient des milliers de personnes et qui iront s'établir ailleurs !! 2) Les hauts responsables syndicalistes sont dans leur tort à 100% car ils n'ont pas le droit de rester passifs devant cette situation et encore moins d'encourager les mouvements de leurs membres et il est de leur devoir de freiner tout mouvement de revendication. Tout au plus peuvent-ils permettre d'attirer l'attention sur les conditions des travailleurs par le port de brassards ou par des pétitions pour qu'on en tienne compte le jour où le pays sera stabilisé; mais nous ne sommes pas encore assez civilisés pour cela !! Ils ne doivent certainement pas permettre des grèves qu'il n'est pas exagéré de qualifier de criminelles !! Eh oui, il en est ainsi de celles du personnel des hôtels et d'entreprises qui ont mis la clé sous le paillasson et d'autres sociétés sont menacées comme Tunisair dont une bonne partie des employés, parmi les mieux rétribués du pays, font tout pour la couler et couler avec ! Des compagnies de pays bien plus riches ont fait faillite comme Swissair et Sabena ! Pourquoi le syndicat Ugtt se mêle-t-il de politique ? Son rôle ne se limite-t-il pas à la défense des droits des travailleurs ? Comment les syndicalistes osent-ils faire dans l'urgence des revendications qui, en temps «normal», demandent des tractations de plusieurs mois ? Ils devraient les mettre en sourdine car dans la conjoncture actuelle le travailleur n'a qu'un seul droit : retourner au travail sans condition aucune !! Mais il est vrai que des syndicalistes, et pas des moindres, ont besoin de redorer leur blason après s'être compromis avec le régime déchu, et même ceux qui n'ont pas bénéficié d'avantages matériels ont au moins approuvé voire réclamé haut et fort la candidature de ZABA pour 2014 ! Pouvaient-ils faire autrement quand ils portent deux casquettes Ugtt-RCD ? 3) Le gouvernement a d'autres chats à fouetter que de s'occuper des petits intérêts personnels de gens petits et mesquins. Il doit se donner totalement à deux priorités absolues qui doivent assurer la troisième qui est urgente ! Il doit avant tout assurer la sécurité des citoyens, des institutions et des entreprises et j'ai été heureux de voir qu'il a été décidé enfin que les forces de l'ordre et de l'armée conjuguent leurs efforts pour réprimer les fauteurs de troubles. Cela permettra la reprise du travail et la remise en marche des entreprises paralysées pour relancer l'économie. Ces deux mesures permettront de s'occuper de la priorité des priorités : organiser et planifier le développement des régions qui ont été totalement délaissées et, pire, qui ont été livrées à des rapaces qui les ont exploitées et spoliées tout en étant au-dessus des lois car ils servaient le régime et les intérêts des membres de la famille régnante en contrepartie d'avantages matériels et de leur maintien à des postes pour lesquels souvent ils n'avaient aucune compétence. Même les procès des fautifs du régime peuvent attendre et ils seront mieux traités dans le calme une fois le pays stabilisé. Il faut avant tout interdire tout mouvement de grève. Prendre des sanctions progressives allant de la déduction du salaire les jours de grève au licenciement, en passant par la suspension temporaire des grévistes récidivistes. Ne pas hésiter à suspendre la titularisation des contractuels et ne pas renouveler leur contrat s'ils ne se remettent pas au travail. Les licenciés et suspendus pourraient être remplacés, selon les compétences nécessaires, par des ouvriers et/ou des diplômés au chômage à qui on peut assurer une formation accélérée pour parer au plus urgent quand cela est nécessaire, en recrutant évidemment en priorité les jeunes du Sud-Ouest. Il faudrait aussi que la majorité silencieuse se bouge et assure le gouvernement de son soutien. Si les jeunes ont eu le courage de s'attaquer à tout un régime et à un puissant dictateur, le gouvernement devrait avoir le courage de résister aux «récupérateurs» de la révolution. Si besoin est, les jeunes se remobiliseront et cette fois ils seront accompagnés des moins jeunes pour combattre, aux côtés du gouvernement, ceux qui veulent trahir la révolution. Il n'est pas question et il serait déshonorant pour nous qu'une minorité de crétins profitent en faisant fi de la mémoire des jeunes qui ont sacrifié leur vie pour nous en assurer une meilleure dans la liberté et la dignité. La seule façon d'honorer la mémoire des martyrs est de se remettre tout de suite au travail et d'avoir un comportement civilisé en respectant la loi !! Seul le respect de la loi et son application à tout le monde sans exception peuvent garantir la démocratie. * Professeur à la faculté de Médecine