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La fureur de vivre ou le paradoxe de l'artiste (suite et fin)
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 15 - 06 - 2011


Par Hichem ROSTOM *
La décentralisation
1 - Dans les années 80, les troupes régionales ont été dissoutes. Des centaines d'artistes et de techniciens se sont retrouvés dans une situation de précarité alors qu'ils avaient mis leurs énergies créatrices au service du public. Chaque région avait sa troupe et son succès dépendait de sa relation au public et de la qualité de son travail. La décentralisation théâtrale a été tuée dans l'œuf. Aujourd'hui, c'est le désert culturel dans les régions défavorisées.
2 - Avec la création du Théâtre National, des espoirs renaissaient, mais très vite le pouvoir l'a mis sous contrôle et cette institution a joué le jeu jusqu'à perdre sa crédibilité et sa mission de service public.
Faire un audit sur cette institution qui pendant, 25 ans, a bénéficié de subventions importantes sans jamais rendre de comptes et surtout sans répondre à son cahier des charges.
3 - Les maisons de la culture et les maisons des jeunes étaient des établissements de décentralisation culturelle qui avaient pour mission de rapprocher les œuvres de leur public, de favoriser l'expression des jeunes, de les initier aux pratiques artistiques. Par manque de moyens, de volonté politique et de bonne gestion, ces espaces ont périclité et se sont transformés en «cellules du RCD». Les jeunes se sont trouvés exclus et leurs ambitions anéanties :
- Aménager et équiper ces espaces
- Les doter de financements appropriés à leurs projets d'animation et de diffusion culturelle selon un cahier des charges rigoureux
- Nommer des jeunes promoteurs de projets artistiques pluriculturels et pluridisciplinaires
- Partenariat avec le tissu associatif et les institutions socio-éducatives dans les quartiers, les établissements scolaires, et créer des relais avec les entreprises et la société civile
- Développer les ateliers d'initiation artistique (théâtre, danse, musique, audiovisuel…).
Les festivals
La tendance qui a prévalu (pendant la dernière décennie surtout) de multiplier les festivals n'était qu'un palliatif à l'incurie du pouvoir à enraciner dans les régions une véritable action culturelle. L'événementiel étant plus visible que l'action en profondeur comportant des objectifs et traçant une ligne cohérente de politique culturelle de la décentralisation, la prolifération des festivals n'a abouti qu'à la marginalisation des œuvres et des créations exigeantes en les traitant d'élitistes afin d'éloigner le public des véritables enjeux de l'action culturelle. Ces festivals sont devenus des entreprises commerciales dont le seul critère est la rentabilité au service de l'abrutissement des masses. De plus, le pouvoir et le ministère de tutelle, afin de mettre sous sa coupe les manifestations culturelles, ont toujours refusé de les doter d'un statut juridique :
- Etablir un statut juridique qui assure l'autonomie des festivals et leur autogestion.
- Financement basé sur un cahier des charges comportant une ligne de programmation, des spécificités afin que chaque festival ait son rôle, son originalité et son identité.
- Suivi et évaluation des résultats sur la base du qualitatif et non du quantitatif
- Former des spécialistes dans le domaine de la gestion des festivals, de leur programmation et de leur promotion.
- Ouverture de ces manifestations à la création contemporaine, aux cultures du monde et aux artistes innovants dans la modernité des formes et dans la diversité des expressions.
- Distinguer les festivals régionaux financés en partie par les régions, des festivals internationaux soutenus par le ministère de la Culture et par une politique de partenariat avec le mécénat et le sponsoring
Etablir des accords-cadres avec d'autres partenaires impliqués dans le développement culturel : tourisme culturel, spectacles pour jeune public avec des contributions des ministères de l'Enseignement supérieur et de l'Education, ministère de la Jeunesse…
Depuis les années 70, la Tunisie est à l'avant-garde de la promotion des arts de la scène et du cinéma dans le monde arabe et en Afrique avec les Journées cinématographiques de Carthage et les Journées théâtrales de Carthage. Au fil des sessions ces deux manifestations prestigieuses commençaient à avoir besoin d'être dépoussiérées et d'être modernisées.
La réforme la plus importante et la plus urgente concerne leur gestion et leur fonctionnement :
- Se débarrasser du contrôle du ministère de tutelle dont le rôle est la promotion, l'organisation et le financement. Il n'a pas pour mission ni de contrôler la programmation ni de se mêler des choix artistiques
- Ces manifestations ne pourront fonctionner convenablement sans une administration permanente et un statut qui leur confère cette autonomie et cette rupture avec le pouvoir politique.
- Etudier les possibilités d'évolution de ces festivals et de leur promotion à l'échelle internationale.
Par ailleurs, il serait bon de rétablir le festival du théâtre tunisien, une manifestation indispensable à la promotion du théâtre tunisien dans sa diversité, et à l'émergence de nouveaux talents qui trouveraient ainsi l'occasion de montrer leurs travaux sur les grandes scènes avec une médiatisation importante et de toucher un large public.
Le mécénat
Aujourd'hui, il n'existe pas de volonté politique, ni de choix clairs et concertés, pour permettre aux banques, aux entreprises, aux fondations de jouer pleinement leur rôle dans la diffusion artistique. Les mesures sont timides et peu claires. L'ancien régime, à travers le RCD ou l'Atce, se servait des apports des entreprises à des fins démagogiques et de propagande (festivités du 7-Novembre par exemple). Seules quelques initiatives privées s'efforçaient d'accompagner à titre symbolique certaines créations grâce à des réseaux d'amitiés ou d'intérêts.
Il faut aussi distinguer le mécénat du sponsoring. Ce dernier est une forme déguisée du marketing et l'apport du sponsoring est conditionné par des critères de publicité et de rentabilité.
Le mécénat d'entreprise est un véritable partenariat entre «une boîte» et un artiste. C'est une «image de marque» qui accompagne un projet artistique, sans arrière-pensées de rentabilité immédiate ni de calcul matérialiste. Un chef d'entreprise est aussi un passionné d'art et veut transmettre cette passion à son entreprise, fière de participer à un ouvrage qui n'a d'autre destination que le plaisir des sens et de l'esprit. Cela devrait être important dans le monde du travail aujourd'hui où tout est concentré sur le rendement et la performance :
- Une politique innovante et audacieuse pour encourager les entreprises publiques et privées à jouer leur rôle dans la diffusion culturelle. L'image d'une entreprise dans une région fait partie du développement durable.
- Des mesures fiscales ou autres, des mesures incitatives à participer aux efforts de décentralisation culturelle et de promotion internationale.
Les métiers du théâtre et des arts de la scène
Les métiers des arts de la scène et du spectacle vivant sont organisés au sein de syndicats et d'associations qui ont élaboré depuis longtemps des plateformes de revendications concernant la réglementation, les statuts, la gestion des troupes et des espaces. Des réformes sont nécessaires et toutes les propositions sont restées dans les tiroirs, dont la consultation autour du théâtre tunisien émise en 2010, à cause d'un dialogue de sourds entre les artistes et les pouvoirs publics :
Dans une étape future, il faudra bien une large concertation entre ces organismes et le ministère de tutelle :
- Organisation des états généraux des arts scéniques : théâtre, danse, musique.
- Réformer les aides à la production et à la diffusion
- Supprimer toute forme de censure et de contrôle.
- Consacrer les artistes de longue expérience en signant avec eux des conventions triennales qui leur assurent un travail sur le long terme au lieu de les astreindre au saupoudrage des subventions et à mendier des aides occasionnelles sans prendre en compte leur parcours et leur démarche. Nombre d'entre eux sont des SDF de la culture, artistes sans lieu et sans domicile fixe, malgré des réussites de plus de 40 années (!).
- Promouvoir les aides à l'écriture pour des projets innovants et pour les jeunes talents.
- Promouvoir l'édition des œuvres théâtrales (textes et vidéos).
- Aménager des espaces spécifiques à la création, car le secteur souffre d'un manque de lieux et d'outils appropriés.
- Partenariat avec les chaînes de télévision pour la promotion et l'enregistrement des œuvres et l'archivage (de nombreuses créations sont mortes sans laisser de trace pour l'histoire et pour la mémoire, pour les générations futures qui ont besoin de repères et de références…).
Le secteur souffre de l'absence de politique culturelle instituant les priorités, s'engageant dans des projets civisationnels et offrant une vision d'avenir (plans et agendas pour promouvoir par exemple les multimédias et les industries culturelles devant les défis de la mondialisation et de la diversité culturelle dans les formes et dans les expressions).
La création ne peut pas être un phénomène isolé du développement rural et régional, marginalisé par rapports aux grands projets concernant les réformes de l'enseignement et l'évolution de la société. La création s'élabore en fonction des problématiques de diffusion et de formation. Il y a interférence permanente entre les besoins et les attentes du public et la production des œuvres qui lui sont proposées. Le nivellement par le bas n'a jamais constitué une bonne dynamique. Pour faire accéder le public aux spectacles les plus exigeants et les plus novateurs dans leur forme et dans leur discours, il faut une démarche cohérente de sensibilisation et d'animation de la vie culturelle qui n'est pas que du ressort des producteurs :
- Toutes les composantes de la société devront y participer (enseignants, médias, animateurs, pouvoirs publics, organisations syndicales et associations …)
- Création d'une agence de développement culturel à laquelle participent des représentants des divers départements et ministères : Education, Enseignement supérieur, Recherche, Femme et Famille, Affaires étrangères pour la promotion et l'aide à la diffusion des artistes tunisiens à l'étranger.
- Se conformer aux accords internationaux pour la libre circulation des artistes et des œuvres.
- La Tunisie est signataire des accords internationaux concernant les droits d'auteurs et droits dérivés. Il faut les respecter ! Ceci n'est pas le cas actuellement, ou c'est l'Etat lui-même qui ne les respecte pas à travers ses chaînes de télévision, ses médias et ses festivals. A ce propos il est bon de signaler que de nombreuses atteintes à ces droits sont constatées régulièrement sans que le ministère de la Culture ni celui de la Communication n'intervienne (cf le piratage, le non-versement des droits aux artistes par l'Ertt qui multiplie les diffusions et les rediffusions au mépris total des lois et des conventions nationales et internationales).
- Renforcer les moyens des régions et des municipalités pour qu'ils consacrent un budget conséquent à la création artistique, à l'animation culturelle et à la diffusion. De nombreuses municipalités et collectivités n'ont pas de budget culturel, ou un budget virtuel
- Réformes juridiques et fiscales (TVA et taxes) pour alléger les coûts de production et pouvoir importer du matériel et des équipements qui font gravement défaut aux espaces culturels et aux troupes itinérantes
- Rattacher les instituts de formation au ministère de la Culture ceux qui dépendent aujourd'hui du ministère de l'Enseignement supérieur. Les métiers d'art ont des spécificités et ne peuvent répondre à un cursus académique et universitaire.
- Fonder une école publique de danse et un Ballet national de danse contemporaine.
- Fonder un Institut de formation aux métiers techniques de la scène (éclairagistes, ingénieurs du son, décorateurs, costumiers, régisseurs, administrateurs de production, métiers actuellement appris sur le tas et manquant de bases solides pour affronter les nouvelles technologies…).
- Réforme des centres des arts scéniques régionaux en renforçant leurs moyens et création de nouveaux centres dans quelques-unes des régions oubliées depuis longtemps de tous les projets nationaux : Jendouba, Sbeïtla, Sidi Bouzid, Kairouan, Tozeur…
- Permettre le développement du tourisme culturel en aménageant certains espaces et sites archéologiques qui ont un fort potentiel de diffusion de spectacles comme par exemple les théâtres romains de Sbeïtla (restauré mais dépourvu de tout équipement technique), l'amphithéâtre de Dougga, qui devrait avoir pour mission la promotion du théâtre antique, le Palais d'El Abdellia de La Marsa (un projet d'abriter une Maison des cultures du monde dont je suis l'initiateur a été abandonné par manque de volonté politique).
- Créer un nouveau comité pour la gestion et la programmation de la Cité de la culture avec des personnalités indépendantes des pouvoirs politiques, et réunir les moyens nécessaires à l'aboutissement de ce projet qui pourra apporter une contribution indispensable à la création et à la diffusion grâce à son auditorium, sa salle polyvalente, son musée d'art moderne…
Vaste chantier.
Les idées ne manquent pas. Les compétences non plus.
Il faut le nerf de la guerre. De la volonté politique.
Une vision… De l'audace et de l'innovation… En toute liberté…


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