Tout au long du premier panel et même au début du second, les femmes tunisiennes ont pris la parole, tour à tour, pour témoigner de leurs souffrances sous l'ancien régime, s'exprimer après de pénibles années de silence imposé, d'oppression et d'injustice et pour dénoncer les abus d'un pouvoir dictatorial. Mme Zayneb Marzouki, animatrice d'enfance et ex-détenue Et maintenant, quel avenir ? Mme Zayneb Marzouki a été incarcérée pendant près de cinq ans et contrainte à un contrôle administratif durant cinq années. Animatrice d'enfance au Kef, elle a été arrêtée à l'âge de 25 ans sous prétexte d'appartenir à une association illégale. Placée dans une geôle humide, sans couverture et sans aucun siège durant trois jours en plein hiver, elle a fini par s'évanouir par excès de fatigue. N'ayant pas subi d'interrogatoire, elle s'est présentée au tribunal sans avoir aucune idée sur ce qui va lui advenir. «Là, à ma grande surprise, j'ai appris que l'avocat tente de prouver que mon affaire remonte à plusieurs années, plus précisément à l'époque où j'avais 16 ans», indique l'oratrice. Détenue à la prison du Kef puis à celle de Monastir, elle a découvert l'atrocité des conditions de vie dans les établissements carcéraux. Injustice, violence, privation des droits les plus élémentaires, voilà ce à quoi étaient contraintes les prisonnières. «D'autant plus que le nombre d'enfants accompagnant leurs mères dans cette misère est phénoménal», souligne Mme Marzouki. Une fois sortie de prison, l'oratrice s'est trouvée dans une situation encore plus frustrante. Contrainte à cinq années de contrôle administratif, privée d'emploi et dépourvue, donc, de source de revenu, elle a vécu l'enfer sous un système sans pitié et dans une société cruelle. «Il m'était défendu de voir mes frères qui travaillent dans la Fonction publique neuf ans durant», note-t-elle. Le mariage était, aussi, une occasion pour elle de verser des larmes: la belle -famille ayant refusé de l'admettre à cause de son passé suspect. «Même au moment où j'allais accoucher de mon premier enfant, j'étais obligée de passer d'abord au poste de police pour avoir l'autorisation d'aller à l'hôpital», se souvient-elle. Aujourd'hui, Mme Zayneb Marzouki s'interroge sur son avenir qui est resté longtemps placé sous le signe de l'incertain. Mme Moufida Kalaï Slama, épouse de M. Nejib Slama, ex-conseiller auprès du ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine «Apprenons à dire non ! quand il le faut» Mme Moufida Slama relate la pénible histoire de son mari avec la machine dictatoriale. M. Néjib Slama était le conseiller de l'ex-ministre de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine. Il avait pour mission de veiller sur la réhabilitation des monuments historiques et du patrimoine. «Mon mari est le premier à avoir découvert les abus et les vols de notre patrimoine national; un patrimoine qui fait l'objet d'un grand trafic et de dépassements de la part de ceux qui se l'approprient pour décorer leurs palais fastidieux», indique Mme Slama. En honnête homme, M. Slama a déposé son rapport révélateur aux ministres chargés de la Culture et de la Sauvegarde du patrimoine et de l'Intérieur; une démarche qui lui a coûté deux ans de prison et 12 ans de chômage. «Moi-même, j'étais menacée de prison. J'ai passé des années insupportables, car j'étais contrainte à un silence trop pesant. Heureusement que le 14 janvier a permis à tout le peuple tunisien de crier sa colère et dire non à la dictature. J'espère que, dorénavant, nous ne serons plus des lâches, que nous nous libérerons enfin tant sur le plan intellectuel que celui, consciencieux, et que nous apprendrons, désormais, à dire «non !» quand il le faut», ajoute Mme Slama.