Les 25 et 26 juin dernier, dans un hôtel de la place, s'est tenu un colloque international sur le thème «Les religions dans les démocraties». C'est à la fondation allemande Konrad-Adenauer-Stifung, en partenariat avec la Chaire Unesco des études comparatives de religions, que revient l'organisation de ce colloque. Des intervenants d'Europe, de Tunisie et de pays arabes ont été sollicités pour les différents panels proposés. Les séances ont été coordonnées par le professeur Mohamed Haddad, titulaire de la Chaire Unesco et auteur de nombreux ouvrages portant sur le rapport entre les religions et la modernité. Le choix du thème du colloque revient sans doute au débat sur la relation entre la religion et l'Etat dans la Tunisie post-révolution. Un débat qui est bel et bien présent, même si certains y voient un faux problème. Il semblerait que la question de l'identité ignorée durant les décennies de dictature ait surgi et cherche à se définir. On ne rappellera jamais assez la nécessité du dialogue et du consensus pour trouver réponse à cette problématique. Dans ce sens, le programme du colloque a été axé sur trois objectifs principaux : exposer les expériences des démocraties confirmées, approfondir la connaissance des démocraties émergentes dans le monde musulman et débattre de l'avenir des révolutions arabes en matière de relation entre la religion et la démocratie. La religion fait partie intégrante de l'histoire des peuples et en est souvent une composante déterminante. C'est ainsi que la majeure partie des invités sont passés, dans leurs interventions, par un exposé historique sur leurs pays respectifs, comme élément de compréhension de l'évolution de la place de la religion au sein de leurs processus démocratiques. La parole a été d'abord donnée aux représentants des «démocraties confirmées». Il était intéressant de voir, d'un côté, la conception européenne de la question religieuse, et puis celle américaine de l'autre. Cette dernière a été expliquée par le chercheur italien Paolo Naso qui a affirmé que la religion aux Etats-Unis répond aux mêmes considérations du marché commercial. A savoir que la religion est un produit à part entière. «Vous pouvez choisir votre religion et plus il y a de choix, plus les religions sont fortes», affirme-t-il. Il dit en plus que le secteur religieux est assimilable à un marché privé, contrairement à l'Europe où l'Etat gère de manière palpable les institutions religieuses, chose qui limite souvent leur épanouissement. La Pologne, dont le déclenchement du processus démocratique date d'une vingtaine d'années, est, selon l'analyse du professeur universitaire Anna Dluzewska, un pays où la religion chrétienne est un symbole identitaire. L'histoire de la Pologne témoigne de beaucoup de bouleversements. Par exemple et à l'issue de la Seconde Guerre mondiale, le régime a férocement persécuté l'Eglise. Plus tard, le dialogue fut la solution pour le pays pour trouver le salut. L'Eglise est devenue politiquement neutre. Dans le domaine de l'enseignement, la religion figure dans les programmes scolaires mais les parents ont, selon leurs croyances, le choix entre une matière purement religieuse et une autre philosophique. Même s'il existe des universités catholiques en Pologne, l'enseignement y est purement scientifique. Concernant le mariage, l'exemple le plus répandu en Europe est celui de la possibilité d'opter pour un contrat civil ou de se marier à l'église. La France et l'Allemagne, dont les cas ont été respectivement exposés par le père Maurice Borrmans et le juge Klaus Loetzer, présentent le même régime, avec une vision plus large de la laïcité, surtout vu la présence de minorités de différents cultes dont plusieurs sont reconnus par l'Etat. «Chaque pays a la démocratie qu'il mérite», atteste Borrmans pour clore son intervention alors Loetzer entame la sienne en assurant que «la démocratie n'est jamais confirmée. C'est un combat continu». Cela nous ramène à l'exemple vers lequel le monde musulman se tourne désormais en matière de démocratie. Celui de la Turquie, pays laïque dirigé depuis 2002 par un parti islamiste. L'auto-évaluation du cas turc, assurée par Zahid Gül et Burhan Koroglu, est passée par une critique envers les premières périodes de l'instauration de la laïcité, jugée comme étant trop inspirée de la France, sans adaptation aux spécificités du pays. Des réajustements ont ouvert petit à petit la voie à un équilibre qui a entre autres permis la formule actuelle d'un parti islamiste à la tête d'un pays laïque. Les deux intervenants ont invité les pays arabes à puiser dans l'exemple turc ce qui leur semble adéquat à leur réalité et d'en éviter les faiblesses. Le constat qui s'impose quand on observe cette réalité dans le restant des pays arabes, surtout ceux qui connaissent un soulèvement populaire, à l'image de la Syrie, ou ceux qui sont à la croisée des chemins, comme la Tunisie et l'Egypte, c'est que la situation impose parfois d'autres priorités. Cela s'est fait sentir de la part des intervenants, comme Hazem Saghia et Abdallah Turkman. Venus exposer le cas de la Syrie, ils se sont retrouvés à détailler l'historique des innombrables coups d'Etat militaires et de la dictature qui perdure et qui relègue la religion au second plan, même si le pays compte plusieurs tendances religieuses. Pour l'Egypte, Adel Omar Cherif a rappelé le cas du deuxième article de la Constitution, qui a été révisé à l'époque du président Sadate en stipulant que la Chariaâ est l'une des sources de la législation au lieu d'être la seule source. Qu'adviendra-t-il de cet article, où même de l'article premier de la Constitution tunisienne ? Il est clair qu'il n'est pas facile pour le moment d'émettre une réponse ou même des hypothèses à ce sujet. Mais un grand défi attend les révolutions arabes, celui de la démocratie et peut-être celui de la remise en question de leur appartenance identitaire.