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L'épopée de l'Armée tunisienne à travers l'histoire Par Fayçal CHERIF * Spécial anniversaire - L'Armée nationale a 55 ans : Missions accomplies 5 sur 5
Si la Tunisie a été dotée d'une géographie limitée, tout au contraire son histoire millénaire témoigne sans doute d'un ancrage profond dans ses contributions civilisationnelles trois fois millénaires, et ce, sur plusieurs niveaux de l'évolution humaine. Loin de faire l'apologie de notre armée nationale à l'occasion de son 55e anniversaire, nous allons tenter tout simplement de retracer les jalons qui ont fait sa gloire et sa force à travers les âges. De l'Antiquité à nos jours, la situation stratégique de la Tunisie qui s'érige au cœur de la Méditerranée la séparant en deux bassins, l'avait propulsée à des vocations militaires pour se défendre et conquérir de nouveaux territoires. Les académies militaires du monde entier ne peuvent guère passer outre l'enseignement d'un grand chef militaire Hannibal fils d'Amilcar et ses batailles qui ont fait sa gloire et celle de Carthage, reine des mers à l'époque. Cette tradition guerrière maritime n'était pas sans donner à l'armée carthaginoise les moyens aussi d'une armée à traditions terrestres jadis conquérante. La bataille de Trébie fin 218 av. J-C., puis celle du Lac de Trasimène 217 av. J-C. et de Cannes en août 216 av.J-C. ces épopées glorieuses d'Hannibal, chef illustre, demeurent un monument central de l'histoire militaire de la Tunisie. Avec la conquête islamique d'Ifriqiya sous le commandement d'Abdullah Ibn Abi Sarah (647), Kairouan devint le noyau central à la fois culturel et religieux et une " citadelle " militaire imprenable qui donna à la Tunisie de nouvelles traditions guerrière terrestres (forts, garnisons, fortifications et des techniques avancées en hydraulique et en approvisionnement afin de permettre à la ville de résister en cas de siège). Désormais, et sous les Aghlabides, le Maghreb fut conquis à la religion musulmane. Très vite, les traditions guerrières navales reprirent le dessus. Les Fatimides sous Ubeïdallah Al Mehdi (899) dota son armée d'un grand potentiel au niveau des armes, des techniques à la fois navales et terrestres lui permettant ainsi de conquérir de nombreuses îles méditerranéennes et unifier le Maghreb islamique. Toutefois, et après une phase de faiblesse à la fois politique et militaire, surtout vers la fin de l'époque hafside, la chute des derniers émirats d'Andalousie (Grenade 1492) sonnait le glas d'une imminente invasion espagnole des côtes nord-africaines. L'empire ottoman, fort de son armée sur les mers et de ses jannissaires, délivrèrent en 1574 la Tunisie d'une occupation espagnole dont quelques fortifications côtières témoignent de cette présence sporadique. Désormais, une industrie navale de guerre fleurissante y vit le jour et de nombreux monuments militaires et la course en Méditerranée témoignent toujours de cette période. La Régence de Tunis fut gouvernée au début par les Raïs, puis les Deys et enfin les Beys (qui est à juste titre un grade non militaire mais une fonction économique). Parmi les Beys qui avaient tant bien que mal œuvré pour le progrès et doté le pays des moyens de se défendre, on peut citer : Hussein Ben Ali, Hammouda Pacha (El Husseini) et peut-être le plus remarquable d'entre eux, le Mouchir Ahmed Pacha Bey (1837-1855). De ces œuvres et réformes, on retient: - La fondation de l'Ecole militaire du Bardo - La finalisation par décret de la dernière mouture du drapeau tunisien actuel ; - L'intégration de l'élément autochtone (les Tunisiens) dans l'armée. Vers le milieu du XIXe siècle et en dépit des efforts de réformes engagées dès 1857 (Pacte fondamental) et puis la Constitution de 1861, la décadence politique et surtout militaire allaient donner maintes raisons aux puissances étrangères d'étendre leurs hégémonie sur la Tunisie. Le dernier sursaut de Kheiredine Pacha de réfomer le pays ne pouvait aucunement réussir face aux intrigues et aux complots du palais. La colonisation française de la Tunisie le 12 mai 1881 n'était certainement pas une promenade, la résistance armée à la fois officielle (dont Brahim Cherif chef des l'artillerie des canons à Sfax) et populaire, nourrissait la terre tunisiennne de centaines de martyrs. De nouveau,, la terre tunisienne revient sur la selette cette fois-ci dans l'épisode de la Seconde Guerre mondiale par un épisode qui fait partie des programmes d'enseignements dans les académies militaires du monde : la bataille de Mareth (6 mars-6 avril 1943). Cette bataille mit en confrontation deux des plus grands chefs militaires, Rommel et Montgoméry, sur un terrain et des techniques de guerre dignes des grandes batailles de l'histoire de l'humanité. Le mouvement de guérilla sévit encore une fois en Tunisie (1952-1954) et ses héros, n'étaient autres que les Fellagas. La déposition des armes et l'ouverture des négociations politiques aboutirent le 3 juin 1955 à l'autonomie interne, puis le 20 mars 1956 à l'indépendance. Toutefois, cette souveraineté reconquise n'était que relative, il restait sur le sol tunisien quelque 22.000 soldats français qui étaient prequ'une épine au pied. Après les élections de la Constituante, le premier gouvernement Bourguiba y vit le jour le 8 avril 1956. Sans plus tarder, Bourguiba clama la constitution de l'armée nationale tunisienne. L'accord fut initialement conclu à ce que les officiers tunisiens servant dans l'armée française viendraient former le premier noyau de cette armée de l'indépendance. En guise de célébration de l'un des signes les plus forts de la conquête de l'indépendance, un défilé militaire historique fut organisé ce 24 juin 1956 dans les rues de Tunis. Six jours plus tard (le 30 juin 1956), c'était la date officielle de l'institution de l'armée tunisienne. Et comme pour tirer gloire des ministères de souveraineté, Habib Bourguiba était à la fois Premier ministre, ministre des Affaires étrangères et ministre de Défense. Et durant toute la période de sa présidence, tous les ministres de la Défense étaient des civils et plutôt proches amis ou parfois membres de la famille (Hédi Khefacha). Il n'est pas exagéré d'affirmer que l'armée tunisienne depuis presque 1705 était subordonnée aux décisions politiques. L'indépendance tunisienne en 1956, et le rôle de l'élite politique, syndicale et intellectuelle ont beaucoup œuvré au caractère profondément républicain de l'Armée nationale et à sa vocation première de la défense de la Patrie et du peuple tunisien. La Révolution du 14 janvier qui avait mis bien en confrontation un régime politique contre un peuple révolté, l'armée ne s'est pas contentée d'une expectative inerte, bien au contraire elle a refusé de cautionner ce régime et s'est rangée du côté des valeurs humaines et celles du peuple. L'histoire de l'Armée tunisienne ne saurait certainement se résumer en ces quelques lignes, un devoir de mémoire et surtout des recherches historiques sérieuses doivent reprendre de nombreux axes et y poser des réflexions. F.C. *(Historien chercheur, Institut supérieur d'histoire du Mouvement national )