• Le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme a accordé à la Tunisie un financement de 20 MD, et ce, pour la réalisation du programme national pour la période 2007/ 2012. Un montant supplémentaire est en vue pour la réalisation du programme 2012/ 2016. • La prévalence du sida tend vers la concentration. L'Office national de la famille et de la population (Onfp) a entamé, hier, la série de rencontres s'inscrivant dans le cadre du 10ème forum sur la population et la santé reproductive. La rencontre inaugurale a été axée sur un thème de santé publique mais aussi un thème touchant la société, tant internationale que nationale, à savoir le VIH/ Sida. Cette première session est coorganisée par le Fonds Mondial pour la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. «Le sida en Tunisie : au-delà des chiffres», tel est l'intitulé choisi pour cette rencontre et dont la connotation reflète aussi bien la perplexité quant à la pertinence des données statistiques que la portée d'un problème de santé ayant trait à la fois, à la vie sociale, à l'économie, aux droits de l'Homme et à la démographie. Présidant l'ouverture des travaux de cette rencontre, le Dr. Faouzia Ouzini Bejaoui, président directeur général de l'Onfp a rappelé que l'Onfp a été chargé depuis 2007 de la réalisation du programme national de lutte contre le Sida ( Pnls). Un programme qui a impliqué plusieurs institutions, organismes et ONGs oeuvrant dans ce sens. «Le partenariat entre la Tunisie et le fonds mondial pour la lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme s'étale sur le quinquennat 2007/2012. Il comprend de nombreuses actions visant la prévention, le dépistage précoce, le traitement, la prise en charge médicale, psychologique et sociale des personnes porteuses du VIH. Ce partenariat vise, également, le développement des plans d'action, des mécanismes de suivi et d'accompagnement en faveur de la population cible», indique le Dr Ouzini Bejaoui. La rencontre a été entamée par la projection d'un film documentaire, élaboré par le centre de production audio-visuelle de l'Onfp et portant sur le Sida en Tunisie. Dans ce film, plusieurs artistes ont donné leur avis sur l'implication des hommes de culture dans le traitement de ce thème, dans la sensibilisation quant à l'impératif de prévenir et de lutter contre le Sida, mais aussi dans la diffusion d'une culture basée sur la tolérance et sur le respect d'autrui. M. Lotfi Abdelli, artiste, a insisté sur la nécessité de dédramatiser le message de sensibilisation et d'aborder le sujet avec une touche «sympathique». «La situation d'un sidatique est, déjà, dure à gober. N'enfonçons pas le clou», fait-il remarquer. De son côté, M. Ibrahim Ltaïef, réalisateur, a suggéré aux maisons de production de produire des spots gratuits dans l'optique d'informer la population sur le VIH/ Sida et de sensibiliser sur la prévention de cette pandémie. Des spots sans rendement matériel mais dont l'impact est énorme. Quant à M. Raouf Ben Amor, artiste, il a appelé les artistes à s'impliquer davantage dans la lutte contre le Sida, ne serait-ce que par leur soutien moral, leur participation aux actions nationales et de la société civile ou encore dans leurs œuvres. Riposte contre le sida, respect des droits de l'Homme Prenant la parole, M. Lasaâd Soua, membre du Groupe thématique des Nations Unies en Tunisie sur le VIH/ Sida, a axé son intervention sur la corrélation entre le Sida et les droits de l'Homme. L'orateur a indiqué que la riposte a pour finalité d'inverser la tendance du VIH/ Sida, et ce, conformément à l'objectif international pour l'année 2015. Elle vise, également, à rendre accessibles les services et les traitements ainsi que la prévention à tout citoyen universel. M. Soua insiste sur la vulnérabilité de certaines catégories sociales qui se trouvent délestées de leurs droits à la protection et à la prise en charge. Il montre du doigt l'un des principaux facteurs entravant toute action de riposte, à savoir la discrimination et la stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/ Sida. Ces dernières, apeurées quant à l'idée d'être marginalisées et exclues, refusent de subir le dépistage et endurer les conséquences déprimantes d'un statut réfuté par la société. A défaut de prévention, de dépistage précoce et donc de prise en charge opportune, bon nombre de personnes atteintes de VIH/ Sida ne surmontent pas le cap. M. Soua rappelle la déclaration des droits de l'Homme ainsi que le pacte international relatif aux droits civiles et politiques. Si les droits de l'Homme les plus légitimes regroupent aussi bien le droit à la vie, à l'égalité devant la loi, à la non-discrimination, à la liberté, à la sécurité, mais aussi à l'éducation, à la protection contre l'exploitation sexuelle; tous les textes de loi concernent, d'une manière évidente, les sidatiques. Aucun prétexte, donc, n'est valable pour délester les personnes de leurs droits absolus. M. Soua évoque, par ailleurs, les objectifs fixés lors de l'assemblée de haut niveau, tenue tout récemment, et impliquant les chefs d'Etat dans la lutte contre le Sida. Il convient, désormais, de conjuguer les efforts afin de réaffirmer l'engagement de l'Etat pour la lutte contre la pandémie du VIH/ Sida, d'adapter la riposte aux situations épidémiologiques respectives, de veiller sur le respect des droits de l'Homme ainsi que la garantie de l'égalité entre les genres. L'orateur insiste, en outre, sur la nécessité d'oeuvrer davantage sur l'accessibilité des traitements et sur l'évolution du cadre juridique pour une réduction efficace des signes de stigmatisation. Rappelant que l'objectif de l'Onusida pour la période 2011/ 2015 est fort ambitieux. Il tend à enregistrer zero nouvelle infection, zero décès dû au VIH/ Sida mais aussi, zero discrimination. Sida en Tunisie: acquis et défis De son côté, le Pr Mohamed Ridha Kamoun, président de l'Association tunisienne de lutte contre les maladies sexuellement transmissibles et VIH/ Sida, a parlé de la riposte contre le Sida à l'échelle aussi bien nationale qu'internationale. En Tunisie, comme dans le monde, la réaction à la pandémie du VIH/ Sida a été, en effet, à la taille du problème. La création, à l'échelle internationale, de programmes nationaux de lutte contre le Sida, la mise en place d'organismes spécialisés dont Onusida ou encore l'instauration d'une assemblée générale des Nations Unies impliquant les Chefs d'Etat sans oublier l'apport de la société civile qui compte, à l'heure actuelle jusqu'à 600 associations spécialisées dans la lutte contre le Sida, témoignent d'un intérêt mondial majeur. Le Pr Kamoun salue l'engagement politique dans cette cause mondiale, la mobilisation communautaire et scientifique et souligne les investissements colossaux versés dans ce sens. Il précise, toutefois, qu'il reste beaucoup à faire surtout en matière de lutte contre la stigmatisation des catégories les plus vulnérables ainsi qu'en matière d'accès aux traitements et aux services de prévention. Le Pr Kamoun qualifie la riposte tunisienne de remarquable. Il passe en revue les étapes franchies dans l'optique de lutter contre ce problème de santé publique. En effet, en 1987, il a été procédé à la mise en place du programme nationale de lutte contre le Sida ainsi qu'au système de contrôle sanguin. «Depuis, on n'a enregistré aucun cas de transmission du virus par le sang», précise l'orateur. L'année 1992 marque la mise en place de la loi sur les maladies sexuellement transmissibles. Et en 2000, la Tunisie a entamé la trithérapie; une prise en charge gratuite. «Avant cette date, le traitement du VIH/ Sida nécessitait un montant de 1700dt par mois», rappelle le Pr. Kamoun. Sur le plan associatif, l'orateur rappelle qu'en 1990, la Tunisie a vu la naissance des premières associations spécialisées dans ce sens et qu'en 2002, il a été procédé à la création du réseau associatif national contre le Sida ( Rancs) groupant 35 associations et organismes spécialisés. Le Pr. Kamoun évoque les lacunes persistantes et les axes sur lesquels il est indispensable de focaliser pour réussir le combat contre le virus. Il relève le problème de communication, de la difficulté à surpasser les tabous et la stigmatisation dont souffrent les personnes vivants avec le VIH. «Pour réussir la lutte contre le Sida, nous devons, plus que jamais, oeuvrer pour garantir un meilleur dépistage, un meilleur traitement. L'accès des populations à haut risque à des services appropriés constitue une priorité. Nous devons, également, lutter plus efficacement contre toute forme de stigmatisation et de discrimination à l'égard des personnes porteuses du VIH/ Sida», indique l'orateur. Et d'ajouter que la Tunisie a franchi un pas considérable en matière de lutte contre le Sida. La conversion de cette maladie en une maladie chronique et non fatale représente un acquis indéniable. D'autant plus que l'accès, en 2006, au financement du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme nous a déjà permis de réussir le round‑6. «Retroussons donc nos manches pour réussir le round 11», suggère le Pr Kamoun. M. Khaled Kheireddine, coordinateur du Fonds mondial de lutte contre le Sida, la tuberculose et le paludisme a salué les efforts fournis par l'Onfp appelant les parties concernées à être, désormais, plus à l'écoute de la population cible. Il a indiqué que la pandémie du Sida est la même dans la région de l'Afrique du Nord; une situation quelque peu rassurante puisque la prévalence tend vers la concentration. Il faut dire que la population la plus touchée compte, essentiellement, les hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes, les travailleuses de sexe et les usagers de drogue. Pour ce qui est du partenariat entre la Tunisie et le Fonds, M. Kheireddine fait part de sa satisfaction quant au parcours réalisé. «Nous avons réussi en grande partie, notamment, par le biais d'un programme d'utilité publique basé sur des stratégies nationales. Nous avons accordé à la Tunisie un montant de l'ordre de 20 millions de dinars pour la réalisation du programme 2007/ 2012. Nous verserons sûrement un montant supplémentaire pour le programme 2012/ 2016», indique l'orateur.