On commence à en avoir ras-le-bol de la querelle Espérance-Etoile. En dépit des apparences et des partis d'apparat, la Tunisie a longtemps été (depuis 1956, soit depuis l'Indépendance) le pays du parti unique. Voici pour la politique… Pour le football, on n'a pas été beaucoup plus loin, puisque le bipartisme ou plutôt le bipolarisme, battent leur plein. Entendons-nous bien, nous n'avons rien contre l'Espérance, contre l'Etoile ou contre le fait que deux équipes se disputent à chaque fois le titre (c'est valable presque partout avec Barcelone-Real, Inter-Milan et bien d'autres exemples encore). Ce n'est d'ailleurs pas notre problème. Ce qui l'est par contre, c'est que notre football et notre championnat le réduisent à un véritable champ de bataille où s'affrontent, tous coups permis, Espérance et Etoile et, pourquoi se le cacher, capitale et Sahel. Fanatismes C'est qu'à l'heure où nous nous efforçons de bannir le régionalisme, de retrouver la paix civile et de nous réunir derrière une cause, un pays, un drapeau, voilà que ressurgissent les vieux démons véhiculés par une petite sphère en cuir qui devrait au contraire nous unir. Pourquoi toute cette polémique? Pourquoi autant de haine? Pourquoi autant de faiblesse de la part de la FTF et de la Ligue, et pourquoi enfin autant de fanatisme de la part d'une certaine presse, ou plutôt de certains pseudo-journalistes qui se sont amusés à attiser le feu. C'est qu'avec une FTF et une ligue fortes et des journalistes plus neutres et plus professionnels, Etoile et Espérance, ou du moins certains composants de ces deux grands clubs, ne se seraient jamais permis autant d'écarts. Bannissement de la polémique ? Bien sûr que non puisqu'une bonne polémique fait avancer les choses, entretient l'ambiance et pousse les uns et les autres à donner encore plus. Une mauvaise par contre, ça pourrit l'ambiance et ça donne des alibis à plein de personnes qui justifient à tous les coups leur présence à l'intérieur et autour du club par des comportements vulgaires et irresponsables. Ils appellent ça «l'amour de la Jamiaa» et la défense de ses couleurs. Drôle de manière d'aimer un club et de le défendre‑! Puis — et c'est là l'essentiel — cette mauvaise polémique nous empêche et empêche Espérance et Etoile de regarder au fond des choses. Pour s'assurer le maximum de chances de réussite en Ligue des champions africaine pour l'Espérance ; pour se rattraper en coupe de la CAF et éviter les erreurs qui ont conduit à la perte du titre pour l'Etoile. L'essentiel escamoté Mais commençons d'abord par le commencement. L'Espérance mérite son titre pour au moins une seule raison : elle l'a voulu et cherché jusqu'au bout. Elle a également pris des risques sur le plan du jeu. Ce qui n'est pas le cas de l'Etoile qui a été très frileuse et surtout fragile sur le plan mental. Quand on veut un titre, il faut avoir le mental pour. Or, c'est toute l'ambiance étoilée qui a un peu perdu les pédales, à un moment ou un autre de cette course au titre. D'ailleurs, si on veut faire un petit exercice de style (et pas seulement), nous dirons que l'Espérance a été constamment à la limite de la rupture sur le plan du jeu et l'Etoile sur le plan mental. Au premier niveau comme au second, le champion et son dauphin savent ce qui leur reste à faire. L'afaire n'est pas tant celle de renforts que de réglages. Le gâchis est énorme à l'Etoile, tout comme les risques pris par l'Espérance. Le champion a un gros problème de gardien et d'organisation défensive (au contraire de ce que certains pouvaient penser, Banana n'a pas résolu le problème), tout comme elle a un problème de couverture pour cause d'équipe trop portée vers l'avant. Le risque est énorme surtout en Ligue des champions où tout se joue parfois sur un match. Une bonne marge L'Etoile a un gardien, une défense honnête (mais pas solide) mais l'entrejeu et l'attaque n'ont pas souvent évolué sur leur valeur. Regardez M'sakni, Darragi et même Dramane: ils ont été à la base du titre remporté par leur équipe... En dépit de l'excellent Akaïchi, on ne peut pas en dire autant de l'entrejeu et du reste de l'attaque étoilée. On a mis trop longtemps à trouver une place pour Danilo, on a coupé l'herbe sous les pieds de Akaïchi en le mettant injustement en concurrence avec Santos, Chehoudi n'a pas été régulier et efficace, Jaziri a pris la grosse tête, Bellakhal et Marzouki ont peu joué alors que Chedly a craqué en cette fin de saison. Un conseil aux Etoilés? Oublier un peu l'Espérance et s'occuper de leurs propres forces et faiblesses. Mais il n'y a pas que l'Espérance et l'Etoile qui comptent, qui font un championnat et un football. Cette polémique fait énormément de mal à notre football et aux autres clubs. Demain avec seize équipes, le phénomène risque de s'amplifier et de faire davantage de dégâts. Franchement, on ne peut pas sacrifier 14 clubs sur l'autel d'une éternelle querelle de clochers entre Espérance et Etoile. Le prochain bureau fédéral sait ce qui lui reste à faire!