On se réjouissait d'avance d'assister à ce récital de Hassen Dahmani. On n'était pas les seuls. La terrasse, flanc de mer, d'Ennejma Ezzahra, réunissait, mercredi soir, un public relativement nombreux. Une bonne moyenne pour un festival que l'on dit peu fréquenté. Des puristes et de chauds partisans. Et d'autres encore, visiblement alléchés. Sans compter les médias, très présents. Hassen Dahmani, on n'apprendra rien à personne, c'est la grosse pointure vocale. Des voix pareilles on n'en compte pas beaucoup ici. Même ailleurs. Porteuse, puissante, colorée. C'est aussi du chant garanti. Chanter (le répétera-t-on assez?) est art et savoir. Hassen Dahmani est de cette veine, de cette lignée. Réjouis d'avance, mais, au final, aura-t-on été payés en retour? Honnêtement, pas tout à fait. Dans la posture Qu'il n'y ait cependant pas méprise. Le programme concocté, à l'occasion, était d'une assez bonne facture. Beaucoup de chansons personnelles, nouvelles, ce qui était rare chez le chanteur. Dont quelques-unes de qualité : Ouinek ya hobbi lêqkim (Adem Fathi-Bouchnaq), Alech el gamra matedhouiche (Béchir Laqâni-H. Dahmani), Tir biha (Hassen Mahnouche, texte et musique), etc., la prestation fut aussi d'un niveau louable. Très performante (trop peut-être, on en dira un mot), naturellement plaisante, avec ce timbre cristallin, cette aptitude à interpréter tous les registres avec la même aisance (grave, médium, aigu), le plaisir de l'écoute est assuré. Les mawels, surtout, étaient de vrais régals. Ça avait de la saveur, de la teneur, ça bruissait, ça ondoyait, ça traversait des intervalles comme à la parade, ça touchait des notes «impossibles». Art et savoir, on a dit. Maintenant, où y avait-il problème? Paradoxalement dans «l'excès de qualité», le trop plein de performances, la surcharge de prouesses. Chez Hassen Dahmani, ce mercredi soir à Ennajma Ezzahra, l'étalage, souvent inconsidéré, du savoir- faire a fini par compromettre la sensibilité, voire la sincérité, du chant. A force d'ornementer, d'improviser, le chanteur a pratiquement tronqué l'essentiel du propos comme des mélodies. Ce n'était pas, à vrai dire, du chant, mais une posture de chant. Et c'était d'autant plus dommage qu'une voix aussi complète, aussi naturellement dotée, douée, que la voix de Hassen Dahmani, pouvait parfaitement séduire, telle quelle, sans se forcer, sans s'obliger à de telles complications, à de tels contournements. Le talent ne suffit pas D'où vient ce défaut qui confine, parfois, au gâchis? Peut-être d'une trop grande confiance en soi. Peut- être aussi de certaines habitudes «laxistes» contractées dans les galas privés. Peut-être encore d'une gestion imprécise de carrière. Il ne suffit pas d'avoir une voix d'exception et d'être un chanteur doué et compétent pour réussir une carrière. Il y faut aussi une vision, un projet, une capacité d'autocritique. Une aura, de l'ambition. Il y faut surtout de la simplicité, de la sincérité. Ces deux attributs sont généralement les attributs des grands artistes interprétes. Et tout plaide pour que Hassen Dahmani le soit. Espérons qu'après ce récital réussi dans la forme (dans l'apparence), mitigé sur le fond (dans sa substance), du mercredi 13 juillet à Ennajma Ezzahra, ce chanteur hors norme, pétri de talent, parvenu pourtant à maturité, aura pris conscience de ce qui lui manque encore pour se hisser, enfin, à la place qui lui est due.