La sélection Albiceleste n'a pas le droit à l'erreur. Pour diverses raisons et parce qu'une partie de la classe politique locale a besoin de sacre et de victoire en cette d'année d'élections. Imaginez un pays où le gouvernement décide subitement d'acheter les droits télé du football pour que chaque match de première division soit diffusé gratuitement sur une chaîne nationale. Imaginez un pays où le gouvernement décide de mettre la main à la poche pour aider la classe moyenne basse à s'acheter un écran plat dernière génération, et ce, afin que la Copa America débarque dans tous les foyers. Imaginez un pays où les campagnes électorales s'invitent dans les stades, où des supporters deviennent des ultras de tel où tel candidat. Ce pays existe et il organise actuellement la Copa America sur fond d'élections provinciales et nationales. En Argentine, le football et la politique font bon ménage. Il y a pléthore d'exemples au cours de l'histoire de ces relations explosives, de ces liaisons dangereuses. La politique s'invite dans les stades, et les politiques n'hésitent pas à prendre la pose aux côtés de telle où telle star du ballon rond. A partir du moment, bien évidemment, où elle est très populaire. Avant même que la Copa America ne débute, le ton était donné. Anibal Fernandez, chef du cabinet de la présidente Cristina Kirchner avait déclaré "au nom de tous les Argentins" qu'il aurait pu organiser jusqu'à des "manifestations populaires pour que Carlos Tévez, alias le joueur du peuple, soit sélectionné à la Copa America". Son souhait et celui de tous les Argentins, a, heureusement pour l'ordre public, été exaucé. Quelques jours plus tard, lors du match d'ouverture de la compétition entre l'Argentine et la Bolivie, ce même Fernandez avait pris place dans les tribunes du stade de la ville de La Plata. Il faut dire que cet homme très influent en Argentine est candidat au poste de sénateur national de la province de Buenos Aires. Quelle est la capitale de cette province? La Plata, bien évidemment. Mais, alors qu'il est confortablement installé dans sa tribune, aux côtés du gouverneur de la même province (Daniel Scioli), une gigantesque banderole est déployée dans le stade. Il y est inscrit en majuscule, le nom de "Francisco de Naravez", le principal rival de Scioli lors des toutes prochaines élections provinciales. C'est de la provocation pure et dure. Bien sûr, lorsque les médias et les politiques ont essayé de savoir d'où venait cette banderole, ils n'ont pas été étonnés de savoir que c'était un chef d'une "barra brava" qui était derrière tout ça. Les barras bravas, bras armés Une nouvelle fois, la politique a fricoté avec le ballon rond. Et une nouvelle fois, les barras bravas étaient dans le coup. Car ces groupes ultras de supporters sont souvent les bras armés d'hommes politiques locaux ou nationaux. Ils font passer des messages politiques dans les tribunes, mais ces gros bras qui n'ont pas peur de la castagne s'occupent également de la sécurité dans leurs meetings ou lors des manifestations. Souvenez-vous lors de la Coupe du monde 2010. Un groupe de barras bravas, constitué des plus barjots et mafieux d'entre eux, bien souvent "supporters" de clubs ennemis, s'était uni pour l'occasion pour soutenir l'Argentine. En échange de ses bons, violents et loyaux services, les supporters avaient une mission : accrocher des banderoles, pendant la saison de championnat (dans différents stades du pays), mais aussi lors du Mondial, à la gloire du président Kirchner (le mari de Cristina, l'actuelle présidente, ex-président de la République argentine). Avouez, quand même, qu'il fallait le faire et y penser...La politique se sert du football, mais le football peut également permettre une entrée triomphale en politique. Mauricio Macri pourrait vous en parler des heures durant autour d'un bon morceau de viande argentin et d'un bon verre de vin de Mendoza. Macri a été pendant douze longues années le président de Boca Juniors, le club le plus populaire du pays. Sous sa présidence, les "Xeneixe" ont remporté 6 titres de champion, 3 Copa Libertadores, 2 Copa Sudamericana et, le saint du saint : 2 Coupes intercontinentales. En 2007, fort de ce beau palmarès, et donc, du brillant exercice de sa fonction, Macri a donc décidé de se lancer en politique. Ses supporters, ses électeurs n'ont jamais douté de sa victoire et ses compétences. "Comment pourrait-il être un mauvais politique, alors qu'il a dirigé le meilleur club de la planète ?", répétaient-ils. Ce qui devait arriver arriva et Macri fût élu maire de Buenos Aires. Inutile d'écrire que son bilan n'est pas aussi "brillant" que celui de ses années de football. Enjeu national... C'est également dans un contexte explosif, que l'Argentine devait affronter l'Uruguay, hier. Juste après la Copa America, 15 provinces vont voter pour leurs nouveaux gouverneurs et leurs nouvelles assemblées, et ce, quatre mois avant la bataille des grands chefs: au mois d'octobre ont, en effet, lieu les élections présidentielles. Le gouvernement a fait en sorte que tous les Argentins profitent de cette Copa America, à la télévision ou dans les stades. La compétition a lieu dans 8 villes et pour une fois, Buenos Aires n'a pas été la mieux lotie, puisque le Monumental n'accueillera que la finale, le 24 juillet prochain. Imaginez-vous que la Seleccion ait perdu, ça n'arrangerait pas forcément les affaires des politiques et, je suis prêt à vous parier quelques pesos que certains d'entre eux n'hésiteront alors pas à tirer à boulets rouges sur Sergio Batista et ses hommes… Imaginez maintenant que l'Albiceleste gagne et finisse par remporter la Copa America. Les politiques ne manqueront pas de récupérer cette victoire et nombreux se battront alors pour être photographiés et filmés avec les héros de l'année…