Avant la révolution du 14 janvier, et à pareille époque de l'année, toute la ville de Sousse se mobilisait pour organiser le fameux carnaval d' "Aoussou ". Mais c'était beaucoup plus l'occasion annuelle de la tenue d'une pompeuse et très coûteuse cérémonie de loyauté, d'acolytat et d'idolâtrie pour le président déchu et pour le parti au pouvoir, le RCD, qu' une sincère volonté de perpétuer une tradition populaire séculaire... Il fallait être sur les lieux au cours de la dernière semaine du mois de juillet pour saisir la teneur de la comédie jouée. Tout le monde était sur le pied de guerre pour que le grand spectacle de simulation, d'hypocrisie et de mensonges soit fin prêt.La ville était en état d'alerte, comme si le Messie allait débarquer. Une force policière impressionnante était déployée.Tous les coins, toutes les ruelles et même les égoûts étaient passés au peigne fin. Les fouilles étaient minutieuses. Patrouilles, interpellations : tout s'intensifiait.Tous les passants et tous les riverains étaient l'objet de suspicion et de harcèlement. L'ambiance censée être festive, gaie et conviviale était chargée de lourde tension, voire de peur... Le jour " J ", même les baignades étaient interdites tout autour des lieux du passage du cortège carnavalesque. Pendant plus d'une heure, "les tyrans de la nation", arborant une mine malicieuse et un sourire narquois, assistaient au défilé grotesque de chars, de troupes folkloriques, de majorettes et de danseurs dont la charge a coûté la prunelle des yeux à la collectivité publique au milieu d'une assistance confectionnée et cousue sur mesure pour compléter le décor de la pièce de théâtre toute montée. Cette année, le carnaval d' "Aoussou" post-révolution s'est délivré de toutes les chaînes de la basse servitude politique et de la vile complicité partisane pour communier et communiquer avec le peuple. C'est tout un autre message que l'association organisatrice et inspiratrice de cette manifestation socioculturelle veut transmettre. Loin de toute immixtion, cette association apolitique a eu l'idée originale de présenter gratuitement et sans la moindre discrimination, du 19 au 27 juillet, au grand public, un programme musical international très coloré, organisé dans un espace très ouvert : le quai du port de la Perle du Sahel. Une belle esplanade pour créer une vraie ambiance festive et populaire. Le ton a été déjà donné le 19 juillet dernier avec la " Sixt Révélation ", un groupe musical venu de la Jamaïque. L'esplanade s'est transformée en une grande arène de danse et de liesse populaire. Une foule en transe a chaviré sur les airs exotiques du "Reggae". Le samedi 23 et le dimanche 24 juillet et à partir de 19 heures, vacanciers et noctambules seront conviés à une autre musique venue d'Europe de l'Est avec le ballet "Maximo Marco Vic" et "Stanko Pomovic" de Serbie. La clôture de ces journées musicales universelles sera assurée par le groupe " Des jeunes étoiles" de danseurs populaires de Russie. Avec des moyens du bord très limités, les initiateurs de cette petite manifestation culturelle ont certainement voulu perpétuer une tradition carnavalesque et, en même temps, rompre avec un passé aux apparences festives mais dans le fond sournoisement politisé. C'est une belle occasion de se régaler, de découvrir des airs musicaux venus d'horizons lointains et, surtout, de fêter réellement et allègrement la " Révolution du 14 janvier ".