Les deux gros calibres du foot tunisien veulent rentrer dans l'histoire en remportant la première coupe de Tunisie de l'après-révolution et en brandissant le nouveau trophée aux grandes oreilles d'un poids de dix kilos. Il y a des championnats qui ont commencé (Suisse, Autriche...), d'autres annoncés en prélude par la Supercoupe (Allemagne) ou par les premiers tours de la coupe de la Ligue (France).Le football en Tunisie pousse le paradoxe d'une finale de la coupe 2010-2011 un 25 juillet, mais on ne lui en voudra pas trop, puisqu'il dut marquer une pause de trois mois après le déclenchement de la révolution de la liberté et de la dignité. Pour solder le compte de la saison passée, quoi de mieux qu'un baisser de rideau animé par le champion de la saison et son dauphin sur fond de rivalité entre deux grandes familles de la noblesse du sport national ? Malgré les prolongations jouées par une saison pas comme les autres et qui a libéré dans sa deuxième moitié tous les non-dits, toutes les frustrations et tous les fantasmes aussi dans un capharnaüm étonnant et dans un détraquement de la raison et de la logique, l'heure est au pardon .Tant bien que mal, la saison arrive à terme.Elle laissera le souvenir d'un méli-mélo où cela partait dans tous les sens, certes, mais le monde du sport voudrait tant que la clôture se fasse en apothéose, que les protagonistes nous donnent des raisons de croire en des jours meilleurs et qu'ils se rachètent de leurs petites guéguerres et de leurs jalousies malsaines sur la durée de toute la saison.Bref, qu'ils épousent l'esprit de la révolution. Est-ce trop leur demander ? Pour le maillot jaune Il y a une sorte d'ironie à voir l'édition 2011 de la coupe célébrée à huis clos, hormis les 60 spectateurs par club admis à titre exceptionnel, en plus de deux loges occupées par 16 personnes. Le profond changement politique qu'a vécu, l'hiver dernier, la Tunisie n'a pas réussi à éradiquer la violence dans les stades et les débordements.Loin s'en faut.Mais on a espoir que les choses vont rentrer dans l'ordre dès l'automne prochain. L'EST et l'ESS vont concourir pour le maillot jaune.Une tenace question de suprématie les oppose depuis la nuit des temps. Le club de Bab Souika a déjà mis dans l'escarcelle le championnat 2011 et vise désormais le plein, le fameux doublé. Le club de Boujaâfar s'emploiera tout à l'heure à ne pas sortir bredouille d'une saison où il a beaucoup investi, sorti de superbes prestations, cru jusqu'au bout en ses chances pour manquer le titre d'un souffle. Bonne nouvelle pour les tifosi et le spectacle : les animateurs du derby de Tunisie se présenteront tout à l'heure avec leurs meilleurs atouts : seuls Mohamed Ali Ben Mansour côté tunisois et Ghazi Abderrazak côté étoilé manqueront à l'appel.Peut-être Lamjed Chehoudi aussi, blessé et dont les chances de retour ne seront décidées qu'au tout dernier moment. Fair-play, please ! Deux entraîneurs tunisiens sur le banc, Nabil Maâloul et Mondher Kebaïer; un arbitre tunisien au sifflet , Mohamed Saïd Kordi‑: cette finale veut rendre hommage au made in Tunisia.Elle pourrait même voir un des deux onze se présenter avec un effectif exclusivement tunisien au cas où Maâloul n'alignerait pas le Ghanéen Afful.D'ailleurs,tant que nous parlons d'étrangers, l'une des questions récurrentes consiste à savoir si l'Espérance va regretter la décision de se séparer de son attaquant titulaire, le Malien Dramane Traoré quelques jours avant les demi-finales.Cela a été sans conséquence devant un Stade Tunisien proprement déconcertant de fragilité et d'impuissance.Il ne le sera encore une fois que si les artistes associés Darragi-Msakni réussissent pour la énième fois à prendre tout en main : la construction du jeu,la relance et la concrétisation avec le brio qu'on leur connaît. En face,où le maître d'œuvre s'appelle Danilo Bueno Petroli , le porteur d'eau Adel Chedly, un "vieux" qui rajeunit, et le bras exécutant Ahmed Akaïchi lequel disputera son dernier match pour l'ESS avant de partir pour Ingolstadt (D2 allemande), la question qu'on se pose est de savoir si le club est capable d'un tel réalisme que celui, cynique, affiché cette saison contre le Club Africain et la Jeunesse Kairouanaise où il l'emporta au final (2-1) tout en se faisant dominer.Car pour prétendre chercher un aussi écrasant succès que celui de la 14e journée du championnat (5-1) contre son adversaire de ce soir, il lui faudra retrouver cette plénitude et cette maestria qu'il n'allait plus retrouver après la longue trêve de janvier à avril derniers. Or, au bout d'une interminable saison, les organismes, trop sollicités, n'aspirent plus qu'à une chose: un peu de répit, des vacances comme Monsieur-tout-le- monde en bénéficie.C'est pourquoi il ne serait pas sage de souscrire au projet, trop risqué d'une finale spectaculaire et attrayante. Teigneuse, accrochée, équilibrée et indécise, oui, elle devrait l'être, cette affiche doublée d'un classique.Mais surtout fair-play, please ! En finales de coupe de Tunisie, l'EST mène par (3-1), mais on peut être certain que l'ESS n'a pas oublié sa défaite (2-1) de 2008 où elle se considéra volée par l'arbitrage. Il sera en tout cas temps, après ce choc d'arrière-saison, de se rappeler qu'il y a une équipe de Tunisie attendue par un sacré quitte ou double, le 4 septembre prochain au Malawi et que l'honneur du foot national ne serait pas écorné tant par une défaite de l'EST ou de l'ESS que par une élimination de la coupe d'Afrique des nations.