Par Boujemaâ REMILI* La Tunisie dispose d'une solution politique pour la sensible et délicate étape qu'elle traverse, mais les tenants de cette solution refusent de la mettre en œuvre. Il s'agit de la constitution d'une coalition regroupant Ettajdid, le PDP et le Forum, qui restera ouverte à ceux qui veulent la rejoindre tel que ‘Perspectives', le PTT ou d'autres, sur la base d'une plateforme acceptable. Le contenu de la plateforme d'une telle coalition est simple. Ecarter les menaces contre les acquis civilisationnels de la société tunisienne et plus particulièrement concernant les droits de la femme et les libertés, couper avec tout risque de retour en arrière en matière de modèle de gouvernement et engager le processus de réalisation des objectifs de la révolution, dont prioritairement l'élaboration de la Constitution et la mise en place des nouvelles institutions républicaines. Pour compléter ce dispositif, il y aura lieu de mettre en œuvre un programme socioéconomique intérimaire de deux à trois ans, dont le contenu tourne autour de la satisfaction des demandes sociales et régionales les plus prioritaires, même si la question du chômage ne peut connaitre qu'un début de solution en termes de création d'emploiS, mais qui restera à faire accompagner par un filet de sécurité sous la forme d'un revenu minimum d'insertion sociale (Rmis). Toutefois, la question qui se pose est la suivante : pourquoi cette solution nationale n'a pas pu jusque-là être mise en œuvre et quelle serait la solution de rechange en cas d'échec ? Disons-le sans langue de bois, ce qui a manqué c'est un sens patriotique qui relèguerait en arrière-plan l'intérêt partisan à court terme. Pire, ce qui a fait défaut c'est l'absence d'une vision juste, à partir de laquelle il aurait pu clairement apparaître que pour que les partis réalisent leur ambition à moyen terme, il faut qu'ils fassent en partie l'impasse sur leurs objectifs de court terme, qui n'ont aucune chance d'être atteints dans l'extrême confusion dans laquelle se trouve le pays. Pourquoi la solution présentée ci-avant constitue-t-elle la voie royale pour mieux maîtriser la transition ? Parce qu'elle correspond aux exigences de l'étape. La coalition dont il est question présente l'intérêt de maximiser l'avantage politique escompté tout en minimisant les risques. Elle n'est adressée contre personne. Bien au contraire, en apparaissant comme la solution nationale acceptable, elle produira un champ ouvert à tous les enrichissements possibles, dans le cadre d'une plateforme crédible, calée sur les objectifs de la révolution, qui n'est ni une révolution islamiste, ni une révolution laïcisante, ni une révolution nationaliste arabe, ni encore moins une révolution communiste, mais celle de tout un peuple contre un pouvoir oppressif et corrompu, pour réaliser la liberté, la démocratie, la justice sociale et l'équité régionale. L'option pour une coalition autour des ‘justes objectifs' de la révolution, sans ‘plus' mais aussi sans ‘moins', constitue la solution patriotique et anti-partisane à court terme, qui préparera le meilleur terrain à l'éclosion tant attendue des partis. A défaut de cela, quel serait le scénario alternatif ? L'alternative, c'est une Constituante qui serait une ‘Haute Instance-bis', donnant une image de déchirement qui sera à l'origine du prolongement d'un ‘wait-and-see' trop lourd, devenant de plus en plus pesant sur l'avenir du pays, alors que le scénario de base permettra de disposer d'une majorité qui permet non seulement d'élaborer et faire adopter une Constitution consensuelle mais surtout de pouvoir ‘gouverner'. La situation est-elle définitivement compromise ? Elle l'est assez sérieusement. Mais cela ne devrait pas constituer une raison pour baisser les bras. Ceux qui sont pour une solution patriotique et démocratique, conforme à l'esprit de la révolution et fidèle à la mémoire des martyrs, ne devraient pas renoncer à mettre tout le monde devant ses responsabilités, pour ne pas briser le rêve de la Tunisie. Mais, en tout état de cause, prendre le peuple à témoin pour demander des comptes aux uns et autres, le moment venu, constitue une des règles de base de la démocratie, dont il s'agira de s'en servir pour apporter les correctifs nécessaires.