Une denrée tout à la fois rare et précieuse ! Un chiffre plutôt suprenant : dans sa longue histoire, le cinéma arabe (qui a vu le jour en 1927) n'aura, en fait, produit que 13 films! religieux, dont l'éternel Arrisala (Le message) du cinéaste Mustapha Akkad, co-produit en 1976 par le Koweït, la Libye et la Grande-Bretagne. Les autres longs métrages à thème religieux ont pour titres : – Douhour El Islam, d'après une œuvre de Taha Husseïn, interprété par Kouka et Imed Hamdi. – Intissar El Islam, 1952, avec Majda et Mohsen Sarhane. – Bilal, 1953, avec Yahia Chahine et Majda. – Essayed Ahmed El Badaoui, avec Abbès Farès et Tahia Karioka. – Escheikh Hassen, 1954, avec Husseïn Sedky et Houda Soltane. – Beït Allah Al Haram, 1957, avec Berlanti Abdelhamid et Abbès Farès. – Khaled Ibn Walid, 1958, avec Husseïn Sedky et Meriam Fakhreddine. – Allah Akbar, 1959, avec Zahret El Ola et Mohamed Dafraoui. – Rabaâ El Adaouia, 1963, avec Nabila Abid et Férid Chawky, chansons d'Oum Kalthoum. – «Hejret Errasoul», 1964, avec Majda et Ihab Nafaâ. – «Wa Islamah», avec Lobna Abdelaziz et Ahmed Madhar. – «Fejr El Islam», 1971, avec Mahmoud Morsy et Samiha Ayoub. – «Chaïma», 1972, avec Samira Ahmed et Ahmed Madhar. Pourquoi la rareté des films religieux ? Nous avons cherché à connaître les conditions dans lesquelles l'immense Fejr El Islam (L'aube de l'Islam) a connu sa naissance et, à partir de là, pour quelles raisons les films religieux restent une denrée rare ? L'histoire traite du conflit entre deux générations : celle des parents qui gouvernent et dictent sa loi, et celle des enfants, qu'on oriente vers la religion. Le texte du film est l'œuvre du grand écrivain Abdelhamid Jawdet Assahar, auteur de plus de 56 œuvres. Celle-ci furent dans une grande partie adaptées au cinéma, avant que Jawdet Assahar ne devienne président du secteur cinématographique. Pour la production de film, le directeur photo Abdelaziz Fehmy a investi 70 mille livres égyptiennes. Un chiffre astronomique à l'époque pour sa production. Mais les coûts réels grimperont jusqu'à hauteur de 120 mille livres. Jawdet Assahar a donc écrit l'histoire du film et le scénario avant d'être chargé du secteur cinématographique public. Il passait pour être un grand chercheur de l'histoire islamique et de la geste du prophète Mohamed. Atef Salem a été chargé de la réalisation derrière les pyramides d'El Guiza sur les dunes de sable du désert d'Abou Rouèche où seront filmées les séquences. Un décor de la Qaâba, quasiment une reproduction avec tout l'entourage humain a nécessité toute une année de travail. Mais le tournage a été arrêté en raison d'un accident survenu au réalisateur, ce qui a nécessité son hospitalisation à Londres. Salah Abou Seïf, qui a pris le relais du réalisateur, a préféré apporter quelques modifications au scénario. L'histoire se déroule avant l'Hégire et traduit parfaitement l'ambiance des premières années où le Prophète Mohamed a été touché par la révélation. Salah Abou Seïf, en cinéaste appartenant au courant réaliste, un prolongement de l'école de Kamel Sélim, a peint avec grand soin et minutie l'atmosphère d'alors à la Mecque et à Médina. Il a focalisé sur la noblesse de la religion musulmane, le conflit entre les forces du progrès et celles de la régression servant de toile de fond à son scénario. Un réalisme à l'égyptienne Abou Seïf a choisi les acteurs selon leur profil et leurs qualités : Mahmoud Morsy dans le personnage d'Al Hareth, Samiha Ayoub dans celui de Selma, la femme d'Al Hareth, Yahia Chahine dans celui d'Al Fadhl Ben Malek, Najoua Ibrahim (Leïla) et Ahmed Khamis (Rabiï)... Mohamed Rajai (producteur du film) a veillé à la production. La musique du film est de Ali Ismaïl, les costumes de Chadi Abdessalem et Abdelfattah El Bihi, les décors de Abdelmonôm Chokri et Abdelfattah El Bihi... C'est une histoire d'amour à l'ère de la Jahylia (préislamique) unissant un enfant de la noblesse (Hichem Ibnou Al Harath) et l'une des filles du harem d'El Fadhl Ibnou Malek (Leïla). Les deux devront braver les tabous sociaux pour se marier et finiront par épouser la foi d'un jeune prophète appelant à rompre avec les croyances ancestrales, Mohamed. Une délégation culturelle soviétique a visité l'Egypte et rencontré Jawdet Essahar. Elle n'a pas caché son émerveillement devant la qualité de la production et le talent des acteurs. Pourtant, selon les spécialistes, le meilleur film religieux produit par le cinéma arabe reste Chaïma, réalisé par Houssem Eddine Mostapha et qui a nécessité le recours à 2.500 chevaux , 1.500 chameaux, et en plus de 5.000 figurants. Le film Chaïma comprend 8 chansons interprétées de sa voix forte et cristalline par Souad Mohamed. Samira Ahmed y joue le rôle de Chaïma, la sœur du Prophète. Les longs métrages religieux restent ainsi très exigeants en termes de moyens et leur contenu doit être supervisé par «Al Azhar». Et c'est la raison pour laquelle ils restent une denrée si rare mais fort précieuse.