Un électeur sur deux s'est inscrit sur les listes électorales au terme d'une importante campagne de communication qui a permis d'éviter in extremis la catastrophe : un fort taux d'abstention qui aurait complètement paralysé l'opération de vote de l'Assemblée constituante du 23 octobre prochain. Le résultat reste tout de même faible et inquiétant; il ne met pas les prochaines élections à l'abri des mauvaises surprises. Jusqu'à ce jour, bon nombre de Tunisiens ne connaissent pas encore la grande majorité des 105 partis politiques, ni leurs programmes, ni leurs leaders, ils doutent de certaines personnalités politiques, des décisions prises dans les murs des instances et des commissions natives de la révolution, voire de l'opération de vote. «Nous sommes dans une situation de retrait social qui signifie en fait une volonté de se protéger de quelque chose; ce phénomène de retrait, nous le constatons également au niveau des partis et des associations qui connaissent de nombreux départs», indique M. Abdelwahab Mahjoub, psychologue universitaire, qui a procédé, avec des partenaires belges, à l'étude de la psychologie sociale de la population tunisienne post-révolution. Le psychologue précise encore que «l'état d'inhibition dans lequel se trouve la société tunisienne résulte d'une ambiance de contradiction entre le discours et le contre discours, entre l'instruction (de vote, ndlr) et la contre instruction, de double langage, de rumeurs, de désinformation, etc. Et ce n'est là qu'une partie visible de l'iceberg. Méfiants, déçus et dépassés par les événements, ces Tunisiens ont choisi de rester en retrait de tout ce qui se passe au risque de laisser le cours de l'histoire prendre une voie qu'ils pourraient regretter». Confrontation des réponses à 110 questions Au milieu de cette confusion générale, il est heureux de constater que d'autres Tunisiens réfléchissent à des solutions pour contribuer au déblocage de la situation et rapprocher les partis politiques de leurs électeurs. Une de ces initiatives a abouti au lancement d'un site web d'aide au vote pour l'électeur tunisien, [email protected], conçu et réalisé par Tunicomp, un réseau de compétences tunisiennes indépendantes résidentes en Allemagne, avec la participation de l'Association Nou-R et d'experts dans différents domaines. Présenté aux médias, samedi dernier, cette interface, qui veut jouer le rôle de trait d'union entre les partis et les électeurs, a l'ambition d'améliorer la lisibilité du paysage politique et de donner ainsi au Tunisien qui a accès à Internet l'information nécessaire en vue de faire le meilleur choix possible lors des élections. Le procédé se base sur le principe de questions/réponses, 110 en tout, relatives aux domaines politique, économique, social et culturel. Chaque réponse de l'électeur étant confrontée à celles fournies par les partis. Ce procédé peut ainsi identifier le ou les partis — les noms sont affichés — qui ont donné la même réponse, ou la plus proche. Selon ses concepteurs, le guide est utile autant pour les électeurs que pour les partis, surtout ceux qui n'ont pas les moyens de financer de grandes campagnes de communication. Toutefois, comme l'expliquent tour à tour MM. Nacer Chaabane de Tunicomp, et Kaïs Khanfir de l'Association Nou-R, ce projet ne peut réussir que si les partis politiques y adhèrent et se prêtent aux règles techniques de cette sorte de quizz. Or, jusqu'à samedi dernier, 15 jours après le lancement de l'opération avec l'envoi des e-mails à tous les partis politiques, 10 d'entre eux seulement ont joué le jeu et répondu aux questions, 38 ont accepté d'adhérer et ont demandé, comme le veut la règle, un mot de passe pour accéder au quizz et 57 autres ont seulement exprimé leur intention de participer. On est très loin du compte des 105 partis politiques. L'expérience mérite bien pourtant d'être essayée, même si le nombre des questions risque de décourager certains, car l'élection de l'Assemblée constituante est un challenge qui vaut bien quelques sacrifices.