• Un Tunisien sur deux juge la situation incompréhensible • Un très faible taux de satisfaction (7%) envers les partis politiques • Mais 72% ont l'intention d'aller voter Une situation politique incompréhensible, des perspectives socio-économiques incertaines, des partis politiques désavoués, des médias de plus en plus décrédibilisés, un gouvernement en perte de confiance, une Ugtt qui ne trouve pas grâce aux yeux des sondés et une opinion publique désorientée : tels sont les principaux enseignements qui ressortent du sondage d'opinions d'été dont les résultats ont été rendus publics hier. Ce sondage réalisé conjointement par l'Agence TAP et l'Institut Isis, Institut de sondage et de traitement de l'information statistique au cours de la période du 15 au 28 août dernier, a concerné un échantillon représentatif de 2.717 personnes en âge de voter sélectionné selon la méthode des quotas avec quatre variables, le genre, le milieu, la région et l'âge. Les résultats de ce sondage sont venus confirmer l'appréhension des Tunisiens à l'approche des élections de l'Assemblée nationale constituante et semer le doute dans les esprits quant à la lisibilité d'un processus de transition pas tout à fait clair. Ils confirment, presque parfaitement, les résultats d'un premier sondage effectué par le même institut au cours du mois d'avril. Le sondage essaie, d'après ses réalisateurs, d'apporter des réponses à certaines questions qui taraudent les esprits des Tunisiens et qui tournent autour de huit principaux axes à savoir, «la situation actuelle du pays, les risques perçus par la population tunisienne sur l'avenir du pays, l'opinion des Tunisiens sur les revendications sociales et leur impact, leur comportement vis-à-vis des médias après la révolution du 14 janvier, le paysage et la vie politique, leur perception du débat politique, le degré de connaissance du paysage politique et enfin les intentions de vote lors des prochaines élections». Un sondage qui tente de dresser un tableau général de la situation du pays jugée «incompréhensible par 50.9% des sondés contre 27.2% qui la jugent normale après une révolution, alors que 11.8% ne ressentent aucun changement et 10.1% la trouvent douteuse». Le peu de clarté qui, pour 56.2% des sondés caractérise la situation générale du pays, contre 24.6% qui la considèrent sur la bonne voie, et la dégradation de la situation économique (61% ne sont pas satisfaits) trouvent leur explication dans les performances du gouvernement jugées peu satisfaisantes par 48% des personnes interrogées. En effet, le taux de satisfaction à l'égard du gouvernement a régressé durant les trois derniers mois passant de 31% en avril à 21% en août. Elles s'expliquent aussi par le durcissement des revendications sociales et la recrudescence des grèves et des sit ins, la persistance de l'insécurité. «L'opinion négative sur les revendications sociales se retrouve, également, au niveau des performances de l'Ugtt» qui ne trouve pas grâce auprès de 64% des sondés, perdant ainsi 9 points entre avril et août. Les partis politiques ne sont pas du reste et le sondage montre que «le niveau de satisfaction des Tunisiens par rapport aux partis politiques se situe à un niveau très faible (7%). Le taux d'insatisfaction vis-à-vis des performances des partis politiques est passé de 64% au mois d'avril 2011 à 70% au mois d'août 2011». Ce désaveu s'explique par le peu d'intérêt des Tunisiens vis-à-vis de la politique en général et qui «après avoir connu une réconciliation avec la politique juste après la chute de la dictature de Ben Ali, semblent s'en désintéresser. Le pourcentage de ceux qui ne s'y intéressaient pas dépassait 75% avant la révolution. Quelques mois après la révolution, cette proportion s'est limitée à 20%, actuellement elle se situe à 45.2%». Ce désintérêt est dû essentiellement à la prolifération des partis politiques que les deux tiers des sondés n'apprécient pas considérant par la même «qu'ils ne les représentent pas et qu'ils ne reflètent pas leurs opinions», mais aussi à l'incohérence de leurs discours, à l'absence de programmes et au manque de proximité citoyenne. Les interminables débats que leur proposent les médias, à leur tour en perte de confiance (24% seulement leur font encore confiance contre 34% il y a trois mois), ne les intéressent pas (53.9%). Et même ceux qui s'y intéressent les trouvent à 34% non satisfaisants. L'opinion de plus en plus défavorable à leur égard est une sorte d'appel au pied du nez aux médias pour rectifier le tir s'ils veulent reconquérir la confiance des Tunisiens. Sur un autre plan, les personnes sondées ont, dans une majorité réconfortante (72%), l'intention d'aller voter le 23 octobre prochain et ce, «indépendamment de leur situation par rapport à la liste électorale et leur degré de connaissance vis-à-vis de la Constituante». Toutefois, les résultats du sondage indiquent que les deux tiers de ceux qui ont l'intention de voter n'ont pas encore arrêté leur choix. Et même ceux qui pensent avoir choisi pour qui voter pourraient dans une proportion de 47.5% changer d'avis le jour du scrutin. Les menaces qui pèseraient sur le pays et les risques qu'il pourrait encourir sont au nombre de neuf. Avec en premier lieu le retour de l'insécurité qui pour un Tunisien sur deux, risquerait de tout remettre en cause et d'engager le pays dans une crise économique (49.5%) et de freiner ainsi son développement (43.1%). Le doute est perceptible dans une proportion de 37.7% chez les sondés quant à la transparence des prochaines élections et à la capacité du gouvernement provisoire de réaliser un scrutin équitable. Ce qui engendrerait pour 37.6% l'échec de la transition démocratique. Ce sentiment de doute empreint de pessimisme s'explique dans une assez large proportion (37.4%) par l'impression qu'ont les personnes interrogées que la révolution a été confisquée par les mouvements extrémistes et la peur de voir le gouvernement provisoire s'installer dans la durée (32.3%) avec comme corollaires le retour au régime du parti unique (27.5%) et l'installation d'un nouveau régime dictatorial (18.4%). Huit mois après la révolution et l'euphorie qu'elle a suscitée, les Tunisiens ont le sentiment que leur pays va mal. Les espoirs semblent s'estomper et le doute s'installe dans les esprits. Les acteurs de la scène politique n'arrivent pas à convaincre et les médias retrouvent peu à peu les réflexes d'antan. Le paysage devient de plus en plus illisible ce qui ajoute encore à la confusion. Telles sont les conclusions qui pourraient être tirées de ce sondage. Des conclusions qui devront être prises au sérieux car elles nous interpellent tous tant elles reflètent le malaise général que vit le pays. Le temps qui nous sépare des élections doit être mieux exploité pour apaiser la crainte des Tunisiens et faire raviver l'espoir né de la Révolution.