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Pourquoi je ne voterai pas le 23 octobre prochain
Opinions
Publié dans La Presse de Tunisie le 14 - 09 - 2011


Par Amin Ben Khaled*
"Dans une avalanche, aucun flocon ne se sent jamais responsable." Stanislaw Jerzy Lec
Les élections du 23 octobre prochain seront historiques. Pour la première fois de son histoire, le peuple tunisien ira voter librement, en toute quiétude, sans être manipulé par les sbires et les statisticiens de l'ancien régime. Elles seront d'autant plus historiques, qu'il s'agira d'élire une nouvelle Constituante, ce qui est en soi un événement unique dans l'histoire d'un pays. Il faut imaginer que dans quelques décennies, beaucoup de Tunisiens raconteront à leurs petits-enfants, comment se sont-ils réveillés un dimanche d'automne pour se ruer vers les bureaux de vote et contribuer à la naissance de la Constituante de 2011, en cette mémorable année de l'an I de la Révolution tunisienne.
Du reste, et indépendamment de la charge historique et symbolique de l'événement du 23 octobre prochain, le fait d'aller voter constitue une obligation hautement citoyenne. C'est ce qu'on trouve écrit noir sur blanc dans tous les manuels de droit constitutionnel : " le vote est un devoir qui symbolise la quintessence même de la démocratie ". Car si personne ne vote, qui va élire les gouvernants ? Aussi, les constitutionnalistes voient généralement d'un mauvais œil l'abstention. Celle-ci, en effet, constitue en quelque sorte l'antithèse du vote ; elle est non seulement synonyme de passivité voire de lâcheté, mais elle constitue une véritable entrave à la démocratie. Sur ce, les constitutionnalistes et leurs manuels ont raison. Ils ont raison parce qu'ils partent d'un principe fondamental en droit constitutionnel, à savoir l'électeur exprime, par le biais du vote, une volonté, sa volonté. Cette dernière, n'est pas passagère ou fortuite, elle est le résultat d'un choix réfléchi, d'une conviction citoyenne, et ce, pour élire un programme précis, clair, et applicable selon un agenda détaillé ou disons-le, selon une "feuille de route". Ainsi, si le citoyen ira voter pour un président, il saura, par exemple, que ce dernier fera telle ou telle politique et qu'il gouvernera pour quatre ou cinq ans une ou deux fois renouvelable. S'il ira voter pour un député, il saura que ce dernier défendra telle ou telle position et que son mandat sera limité dans le temps. L'électeur saura aussi la valeur du patrimoine de l'élu, son passé personnel, idéologique et politique, et même quelques détails sur sa vie privée et sur quelques erreurs de parcours. Il saura par-dessus tout que si l'élu transgresse ses fonctions ou ne respecte pas les termes de son mandant, celui-ci risque d'être déchu ou de se voir traduit devant la justice comme le commun des mortels. Il est clair dans ces conditions que le vote constitue un devoir citoyen permettant de maintenir la démocratie en éveil. Ne pas aller voter dans ces conditions constituerait pratiquement un crime contre la citoyenneté, une lèse-démocratie.
Cela dit, les manuels de droit constitutionnel ne répondent pas à la question suivante : le vote demeure-t-il un devoir citoyen lorsqu'il s'agit d'élire une institution incontrôlable dont les prérogatives sont à la fois absolues et floues, dont la durée n'est pas fixée au préalable et dont les heureux élus sont pratiquement intouchables? Est-ce qu'un tel vote est conforme à l'esprit de la démocratie ? Est-ce que la démocratie tolère qu'un électeur donne sa voix à une institution qui sera après sourde et au-dessus de tous, en l'occurrence notre prochaine Constituante ? Si ces manuels ne se posent pas ces questions, c'est parce qu'ils sont absurdes. Car en droit constitutionnel, si le vote est une obligation, c'est parce que les règles de jeu démocratique sont préalablement établies et au final connues de tous. Et si le vote symbolise la démocratie, c'est parce qu'il s'agit d'un engagement mutuel entre l'électeur et l'élu, dont les conditions sont fixées d'entrée de jeu, notamment le comment et le pourquoi de la structure par le biais de laquelle l'élu exercera son mandat.
Ainsi, une élection dont l'objet est obscur ne peut que se moquer de la volonté de l'électeur. Car même si ce dernier aura l'illusion d'aller voter librement, et pour la première fois dans sa vie, il n'en demeure pas moins qu'il ne sait pas quelle est la nature de la structure pour laquelle il vote. Tout au plus, il ne fera que légitimer les élus (dont un grand nombre est déjà coupé et du peuple et du réel), qui, une fois arrivés à l'ultime case, vont fixer les conditions d'un jeu politique espiègle et sournois, plein d'alliances choquantes et contre nature, le tout à l'insu de l'électeur ; alliances dont la finalité n'est autre que la recherche d'une position avantageuse et supra-légale. Entre-temps, "le citoyen" est rentré chez lui. Il est tout content et fier. Son ego est rassasié. Il se sent enfin citoyen mais il ne sait pas qu'il vient de contribuer à la création de l'organisme le plus puissant (et par conséquent le plus dangereux) que la Tunisie ait connu de toute son histoire trois fois millénaire. Un organisme maître de lui-même, libre de faire ce qu'il veut ; bref un Léviathan "démocratiquement "élu dont la présence constitue la négation même de la démocratie.
Par conséquent, oui, je vais m'abstenir le 23 octobre prochain, tant que les règles du jeu ne seront pas fixées avant cette date. Je n'irai pas voter tant que je ne saurai pas que fera exactement la Constituante, combien de temps durera-t-elle, et surtout et avant tout que sera cette Constituante qu'on nous invite à élire ? Car à ces trois questions simples auxquelles j'ai répondu dans un article précédent (voir La Presse du jeudi 18 août 2011) aucun parti politique ne donne de réponse précise ; et pour cause, chacun fantasme de faire partie d'un organe possédant les pleins pouvoirs et qui décidera de l'avenir de la Tunisie en toute liberté pour les générations à venir, tandis que le peuple, lui, est occupé par la gestion du quotidien.
Oui, je vais m'abstenir le 23 octobre prochain, tant que nos politiciens, juristes et intellectuels ne disent pas au peuple tunisien que l'époque des instances maîtresses d'elles-mêmes est révolue. Que nous sommes au XXIe siècle. Qu'on est désormais dans l'ère des sociétés contractuelles ; une ère dans laquelle le citoyen, avant d'élire, sait comment et surtout pourquoi va-t-il élire. Et une fois il a élu, il reste informé des faits et gestes des élus. Ces derniers, doit-on dire au peuple, sont les mandataires de la collectivité et leur mission, au sein de la Constituante, doit être précise au détail près. Il faut par conséquent que le mandat en question soit préétabli, discuté et présenté à l'électeur. Car je ne peux mandater quelqu'un sans que je sache, lui et moi, quels sont les termes exacts du mandat qui nous lie ! Cette règle élémentaire que tout Tunisien connaît, de par son expérience quotidienne, devient vitale quand il s'agit de donner sa voix à ceux qui vont tracer le chemin de la future Tunisie, la Tunisie de nos enfants et de nos petits-enfants.
Par voie de conséquence, si les "sages" de la Cité, ne fixeront pas, et de toute urgence, les règles du jeu de la Constituante, alors, je ne veux pas raconter à mes petits-enfants, si j'ai la chance de vivre assez longtemps pour en avoir, que j'ai contribué à la création d'un monstre incontrôlable, qui en parlant au nom du peuple, s'isole du peuple. Un monstre qui, en s'accaparant la volonté de chacun, laisse le citoyen non seulement démuni de volonté, mais pire encore, muet. Car comment pourra-t-il parler encore, s'il y a des heureux élus, ces surhommes qui parleront en son nom, sans se soucier de sa volonté ?
Certains diront que s'abstenir ne changera rien, car la Constituante sera de toute façon élue. Rien n'est plus vrai. Mais il s'agit surtout d'une position de principe, une position personnelle et intransigeante, si on ne clarifie pas d'ici le 23 octobre les règles du jeu de la Constituante. Tout comme celui qui décide de devenir végétarien ou de conduire une voiture écologique, qui ne peut, bien évidemment, empêcher l'abattage des animaux ou la pollution dans les villes mais pourra dire un jour à ses petits-enfants qu'il a essayé tout de même de leur léguer un monde meilleur, plus respirable et plus sain. Car, et dans plusieurs années, rien n'est plus bête et plus pénible que de voir les jeunes de la Révolution du 14 janvier, devenus grands-parents, raconter à leurs petits-enfants et avec amertume comment ils avaient voté pour la première fois de leur vie … pour quelque "chose" qu'ils ignoraient. Quant à moi, je dirai à mes petits-enfants, avec tout autant d'amertume, que leur grand-père, grand lecteur de Don Quichotte, n'était pas parmi les "mounachidine" de la dictature des deux-cents quinze, celle qui a commencé le soir du 23 Brumaire de l'An I de la Révolution tunisienne.


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