La relation entre la musique et la scène peut sembler évidente. Mais en réalité, elle est loin de l'être. D'un côté, la scène, cet espace où se produit justement le musicien — ou le chanteur —, est à même d'influencer, et à plus d'un égard, la performance de l'artiste et même la nature de l'œuvre. Mais d'un autre côté aussi, et contrairement au théâtre, par exemple, la musique ne suppose et n'exige pas de facto une scène. L'art musical peut, en effet, s'écouter sans se donner à voir dans un lieu de représentation. C'est pour entre autres ces raisons que le rapport entre la musique et la scène est marqué par une certaine ambiguïté, un flou, disons-le tout simplement. S'agit-il en fait, d'une parfaite interdépendance ou d'une simple concomitance? Pour répondre à cette question et débattre en profondeur de cette thématique particulièrement intéressante qu'est le rapport entre la musique et la scène, le Laboratoire de recherches en Culture, Nouvelles technologies et Développement, dirigé par le Pr Mohamed Zinelabidine a organisé récemment à l'Institut supérieur de musique de Tunis, une journée d'étude intitulée "Musique et scène : une approche pluridisciplinaire est-elle possible?". Coordonnée par M. Samir Becha, musicologue et maître assistant à l'Ismt, cette rencontre scientifique a réuni un groupe d'universitaires et de praticiens appartenant à des domaines différents (musique, sociologie, danse, philosophie esthétique, scénographie,...) qui ont tenté d'éclaircir et d'interroger, chacun à partir d'un point de vue et d'un axe de recherche particuliers, la nature de cet espace dialogique qui existerait entre la musique et l'espace scénique. Toutefois, il ne s'agissait pas d'une analyse de la musique pour scène qui regroupe plusieurs genres allant de l'opéra à la comédie musicale en passant par le ballet, mais bien de l'étude de la rencontre entre l'audible et le visible. Une rencontre qui se fait par le biais du corps et qui est d'autant plus intéressante dans une postmodernité musicologique chargée de débats interminables et dans laquelle la "performance" est devenue l'expression et la pratique de prédilection de plusieurs artistes de par le monde. Mais d'après les intervenants, cette relation entre musique et scène n'est pas si récente. Bien au contraire. Il se trouve, à titre d'exemple, que l'espace de représentation qui est la scène, lieu de "l'acte artistique" et de sa rencontre avec le public, a eu un rôle capital dans l'évolution de la musique égyptienne, et ce, dès la fin du XIXe siècle. La mise en spectacle de la musique a des implications avérées sur la réception de l'œuvre, mais aussi sur l'essence et l'esthétique musicales, et ce, que ce soit pour les improvisations instrumentales ou vocales que pour les pièces préalablement écrites. L'artiste doit-il alors, pendant le processus de création, écrire la musique en fonction de la scène, lieu d'aboutissement et temps de l'art, ou bien adapter le lieu de représentation en fonction de la musique? Quel que soit l'itinéraire choisi, l'interactivité entre la musique et la scène est à double sens. De nos jours, à l'heure où la musique s'écoute et se voit, et dans certains cas, elle se donne à voir davantage qu'elle ne s'écoute, et à l'heure où la pluridisciplinarité des spectacles est revendiquée, le rapport entre la musique, le corps et la scène est à étudier de très près. Cette journée d'étude vient ainsi au bon moment, où la Cité de la Culture se prépare à ouvrir ses portes à un public à l'afflût de création et à des expériences et pratiques artistiques nouvelles.