Nous venons d'apprendre que Mohamed Harmel, grand militant nationaliste et progressiste, président d'honneur du Mouvement Ettajdid, est décédé. L'homme était connu pour son courage, sa franchise, son sens aigu du politique, son penchant pour l'innovation et sa contribution à faire évoluer la pensée progressiste tunisienne. Il a connu les geôles du colonialisme et de l'époque de l'indépendance. Mohamed Harmel a contribué à ancrer le courant progressiste et rationaliste tunisien dans la réalité et les conditions qui sont les siennes. Il était un fervent défenseur du dialogue entre les différentes composantes du mouvement national et démocratique et a mis à contribution son expérience et le respect qu'il inspire pour participer à lancer des initiatives de rassemblement des forces démocratiques et progressistes, en tant que réponse à l'émiettement et la division. Dépositaire d'un legs historique (l'ère Bourguiba, celle de Ben Ali et la révolution), il s'est constamment démarqué, malgré les vicissitudes, de tout esprit de ressentiment, préférant regarder de l'avant et construire l'avenir. Dans une ultime interview accordée à notre journal (voir notre édition du 29/04/2011), Mohamed Harmel a exprimé une pensée pouvant servir de testament politique : «Je suis fier d'un pays d'histoire, mais le maillon manquant est la démocratie. Est-ce que nous allons réussir à l'instaurer ? Pour ce , tout le monde doit faire preuve de modestie. Je n'ai pas d'ambition politique, je n'attaque personne, mais je supplie les protagonistes de faire preuve d'humilité et de créativité». Et d'ajouter en guise de dernière volonté : «Libérons le pays de la rancune, il y a un aspect civilisationnel. Je porte en moi tout le poids de notre histoire. La Tunisie est un pays civilisé, même lors du règne des Beys. Il y a eu l'école Kheireddine, Sadiki, l'armée tunisienne. Sans compter Ibn Khaldoun, Tahar Haddad. C'est ça ma tunisianité, pas dans le sens étroit de nation, mais d'un pays riche qui porte sa dignité qu'il n'a pas importée et qui n'a pas besoin de copier l'Occident, car on est capables d'inédit et de créativité». Mohamed Harmel va laisser un grand vide qui sera difficile à combler. Adieu camarade ! La Presse