De notre envoyé spécial à Washington Lassâad BEN AHMED Depuis la tenue des assemblées du printemps de la Banque mondiale et du FMI en avril dernier, de nouveaux éléments sont entrés en compte quant aux perspectives de développement et de croissance de l'économie mondiale. Il s'agit notamment de la crise de la dette dans les pays développés et la baisse de la note souveraine des Etats-Unis. Aujourd'hui, à la conférence inaugurale des assemblées annuelles des deux institutions où se décide la politique de l'économie mondiale, Christine Lagarde, directrice générale du FMI, confirme que «l'économie mondiale est entrée dans une phase dangereuse et les indicateurs de croissance sont revus à la baisse aussi bien au niveau global que régional». Et Robert Zoellick, président de la Banque mondiale, n'est pas plus optimiste. «Le monde est dans une zone dangereuse», précise-t-il. En ce qui concerne les pays en développement précisément, il affirme que tout est d'autant plus compliqué par rapport à la situation initiale qui est déjà négative, puisqu'aucun pays n'a atteint les objectifs du Millénaire, ni en mesure de les atteindre à échéance. C'est dans ce contexte tendu donc que se tiennent les assemblées annuelles de la Banque mondiale et du FMI avec la participation de délégations de plus de 180 pays, des chercheurs et économistes, des représentants de la société civile et des médias, pour trouver des «solutions globales» aux «défis globaux», thème de cette session. Ainsi, au même moment que les séminaires, conférences, entretiens, workshops, des analyses, des rapports et des études sont publiés pour éclairer les décideurs afin qu'ils puissent adopter les politiques adéquates. Les responsables des deux institutions insistent à chaque fois que les pays sont souverains dans l'adoption de leurs politiques. La BM et le FMI ne font que les soutenir et les assister. Quels sont ces problèmes globaux ? La liste est longue en fait. Cela commence par le chômage des jeunes, passe par la hausse des prix pour arriver vers l'endettement excessif et la solvabilité. De cette solvabilité dépendra par la suite l'investissement et la création de nouveaux emplois. C'est donc un cercle… Et Zoellick de préciser qu'il ne faut pas considérer qu'un problème intérieur d'un petit pays en Afrique du Nord ne concerne que ce pays là. Au contraire, une grande partie de ces problèmes sont intérieurs en apparence, mais sont liés au contexte international. Joseph Stieglitz, le célèbre prix Nobel d'économie, n'a pas eu froid aux yeux de dire que «c'est la mondialisation !». Les politiques commerciales régissant le libre-échange ne sont pas en faveur des pays africains par exemple, en ce qui concerne le coton qui, fortement subventionné dans les pays développés, grippe les prix et rend la production en Afrique moins compétitive. De même pour le domaine financier. L'ouverture a permis un déplacement rapide de la crise des Etats-Unis vers l'Europe et le reste du monde. «Mais nous devons être courageux pour affronter toutes ces crises», a appelé le président de la Banque mondiale, réitérant la volonté de la banque d'aider ses clients à remonter la pente. Dans le même sens, Christine Lagarde a affirmé que «nous sommes tous dans la même barque» et que le FMI est l'institution de tous les pays membres, 187. Et que nous veillerons à ce que tous les pays puissent bénéficier de l'aide de la communauté internationale. Quelles sont les solutions ? D'une manière générale, les experts du FMI et de la Banque mondiale pensent que les solutions ne peuvent être définies que de l'intérieur. Ils s'attendent par exemple à ce que la Tunisie puisse dégager des idées et des solutions en faveur d'un développement plus inclusif et plus équilibré. Des solutions aussi pour un meilleur partage des revenus de la croissance. Il va sans dire que la Tunisie a réalisé des taux respectables de croissance pendant plusieurs années. Mais les fruits de cette croissance n'ont pas profité à tous les Tunisiens d'une manière équitable. Dans cette perspective, la Banque mondiale suggère à la communauté internationale de concentrer les efforts sur deux aspects : le genre et l'emploi. Le président de la BM insiste sur l'importance d'une meilleure exclusivité des femmes (moitié de la force de production) dans le développement. «Quatre millions de femmes disparaissent chaque année dans les pays en développement, comparativement aux pays développés. C'est comme si on se débarrassait de Los Angles, Yokohama ou Johannesburg». En ce qui concerne l'emploi, M. Zoellick appelle à une levée des barrières sur les prêts et la propriété. Lors des assemblées annuelles, la BM consacre un séminaire à cette question, préparant son prochain rapport sur le développement dans le monde qui sera axé sur l'emploi. Cela étant, pour la région d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient, la BM donne plutôt la priorité à la gouvernance. Dans un rapport ad hoc, rendu public mercredi 21 septembre, la Banque mondiale «met en évidence l'importance des liens entre la bonne gouvernance, fondée sur l'égalité des règles d'intervention juridiques et réglementaires, et la capacité des investissements à stimuler la croissance». Lors d'un point de presse organisé à cette occasion, Mme Caroline Freund, économiste en chef pour la région Moyen-Orient et Afrique du Nord, a expliqué : « Quand on examine l'exemple d'autres pays en transition, il apparaît que l'investissement a connu un réel essor dans de nombreux pays qui sont intervenus rapidement pour améliorer la gouvernance». Et de poursuivre : «Quand un pays est bien gouverné, les investissements publics tendent à amplifier les investissements privés, car ils fournissent les réseaux énergétiques, routiers, logistiques et les moyens de communication dont les entreprises ont besoin pour produire. Dans le cas inverse, ils auront tendance à évincer les investissements du secteur privé en captant des ressources que ce dernier aurait pu utiliser. De plus, il se peut que l'investissement public ne stimule pas la croissance puisqu'il est consacré à des actifs non productifs qui ne profitent qu'à des groupes d'intérêt particuliers». Au niveau macro, la directrice générale du FMI propose une action sur quatre chantiers distincts. Il s'agit en premier de remettre en état le rééquilibrage des finances publiques (voir article sur les perspectives de l'économie mondiale : La Presse du 20 septembre 2011). Il s'agit en deuxième lieu de conduire les réformes favorisant la solidité du secteur bancaire, de sorte à ce qu'il puisse continuer à financer l'économie. Troisièmement, favoriser un rééquilibrage entre le secteur public et privé. Et enfin, reconstruire les pays à faibles revenus.