Par Slaheddine Karoui (économiste) L'équilibre du commerce extérieur est un objectif déterminant de l'indépendance pour tous les pays et spécialement pour ceux qui viennent de la récupérer: les jeunes Africains du Grand Maghreb devraient, toujours, garder à l'esprit que leurs pays avaient perdu leur souveraineté, en partie, à cause de la dette extérieure qu'ils ne parvenaient pas à rembourser. Les temps ont changé et l'occupation des pays pour impayés est passée de mode. Il est vrai qu'aujourd'hui il existe d'autres modes pour l'occupation d'un pays! Mais il n'en demeure pas moins qu'une dette importante, rapportée aux recettes fiscales, place un pays en position d'infériorité par rapport à ses créanciers et au reste du monde : sa politique ainsi que ses choix économiques lui seront alors dictés, ce qui est une autre manière de perdre l'indépendance. L'équilibre du commerce extérieur est donc une condition fondamentale de la souveraineté d'un pays. Dans les pays hautement compétitifs, tels que l'Allemagne, la France, le Royaume Uni, cet équilibre est presque toujours la conséquence d'une productivité performante dans tous les secteurs. La Tunisie n'est pas forcément dans ce cas, car sa quête de l'équilibre extérieur a recours, à tort, aux effets cumulés de la diminution du volume des importations et du bradage des prix à l'exportation. Ce dispositif a des conséquences négatives sur la croissance et place le pays en position de débiteur chronique sur le marché financier. De plus, il crée au sein des organismes tunisiens un complexe d'infériorité leur ôtant, à jamais leur confiance en leurs produits et services, ainsi que leur capacité à se battre. Mais à quel niveau se situe l'impact des TIC sur l'équilibre du commerce extérieur de la Tunisie? Normalement, comme partout ailleurs, à celui de la prise de décision — sans compter la croissance — qui, lorsqu'elle est fondée et pertinente, est un gage d'amélioration de la gouvernance macro et microéconomique. Les résultats relativement bons, en dépit des fuites massives des richesses, obtenus par notre pays, en cette matière, suggèrent que cette amélioration est réelle et contribue à l'équilibre du commerce extérieur. Cependant, les TIC coûtent cher : leurs équipements sont chers ; leurs logiciels sont chers ; leur exploitation et leur maintenance coûtent cher ; leur accès se paie et mal utilisés, ils sont la cause de dépenses indirectes élevées. Coûts d'investissements, coûts d'exploitation, coûts de maintenance, coûts indirects des TIC sont des indicateurs que la Tunisie n'a cherché ni à mesurer ni à en évaluer l'impact sur l'équilibre du commerce extérieur. Il serait pourtant intéressant d'y procéder en vue d'éclairer les planificateurs et les économistes sur le coût global des TIC rapporté aux recettes en devises qu'elles génèrent directement. Un souci de compétitivité La Tunisie n'étant pas opérateur de réseaux, équipementier, producteur de logiciels, et étant un microscopique producteur et éditeur de contenus (musique, films, presse, livres), on peut dire que, dans tous ces secteurs, elle consomme sans produire de recettes significatives. Elle est, quand même, de prestataire de services issu de la couche composée des moteurs de recherche (Google, Yahoo, Baidu), des sites de commerce en ligne (Amazon), sites de 'user generated content' (YouTube, Wikipédia), sites de réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn, CopainsDavant), c'est-à- dire des services relatifs à l'informatique, à la création de sites web, aux call centers, à certaines productions multimédias et à diverses activités en offshoring. Tous ces services sont rémunérés en devise et doivent donc, être pris en compte dans le calcul des indicateurs pouvant renseigner sur les effets directs des TIC sur le commerce extérieur. Car, même si les TIC sont considérés comme un levier important et incontournable du progrès, il n'en demeure pas moins qu'il est vital pour notre pays de savoir à quel prix il paie ce progrès, s'il est possible de le baisser et à cet effet sur quels paramètres agir : prix à l'achat des équipements et des progiciels ; tarifs d'accès à internet ; énergie consommée ; dimensionnement du matériel ; emploi des logiciels et des fonctionnalités; formation; intéressement des utilisateurs ; aiguillage dans les politiques d'utilisation des TIC, etc. Tant que ce diagnostic n'est pas réalisé et suivi par des effets, le bon usage des TIC échappera à la maîtrise de la Tunisie. Il faut rappler qu'à une période récente, la production de la Tunisie PAF se déployait sous la protection de l'Etat, à l'abri de la concurrence. Ce qui signifie que les managers tunisiens administraient mais ne manageaient pas. Depuis le traité de Barcelone et l'ouverture progressive de son économie à la mondialisation, son choix pour la productivité s'est fait pressant sous la triple pression de la concurrence des pays développés, des pays émergents et récemment de certains pays en voie de développement commercialement agressifs. Cette tenaille se resserre à un moment : 1. Où la part du commerce extérieur dans les produits nationaux progresse, 2. Où la convertibilité des monnaies devient impérative, 3. Où la crise mondiale persistante freine l'élan du tourisme et des importateurs, 4. Où le dollar et l'euro traversent de graves perturbations, 5. Où de nouvelles politiques rendent certains pays en voie de développement hyper-compétitifs pour d'autres pays en voie de développement, sur les créneaux jusque-là considérés comme leur chasse gardée, 6. Où les révolutions périment les anciens modèles de société pour les remplacer par d'autres, de sorte que notre pays, se trouve engagé dans une course à la compétitivité, au rythme imprévisible. En vue de sa maîtrise, ils ne disposent que de deux outils: 1. La rationalisation et la maîtrise des coûts à des seuils concurrentiels 2. Le choix des créneaux