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Une ardoise assez lourde
Dette extérieure tunisienne: Entretien avec Fethi Chemkhi, porte-parole de Raid / Attac et membre du comité pour l'annulation de la dette du tiers-mon
Publié dans La Presse de Tunisie le 20 - 04 - 2011

Un sit-in devant la Banque centrale de Tunisie, le 20 mars, date symbolique de l'indépendance et la souveraineté de notre pays pour demander au gouvernement provisoire de s'abstenir de payer la dette de notre pays, la campagne pour l'annulation de la dette était déjà en marche avec des rencontres et des tables rondes de sensibilisation et de mobilisation.
Fethi Chemkhi, porte-parole de Raid / Attac (association qui œuvre pour une alternative du développement créée en septembre 1999 et sévèrement réprimée par le régime de Ben Ali), nous éclaire sur la position prise par son association et les argumentaires qui la soutiennent.
Entretien :
De votre position d'association qui œuvre pour l'annulation de la dette, comment voyez-vous la situation de la Tunisie?
Ben Ali s'est enfui en laissant derrière lui une ardoise assez lourde. Le peuple tunisien s'est débarrassé de son dictateur, quoi de plus légitime qu'il veuille se débarrasser aussi de la dette qu'il a laissée derrière lui?
Un dictateur qui a bénéficié de facilités de crédits de la part de créanciers qui connaissent parfaitement à qui ils avaient affaire. Une partie de cette dette a servi à opprimer le peuple tunisien, tandis qu'une autre partie a été détournée par Ben Ali et ses clans. Par conséquent, une dette qui n'a pas servi les intérêts des Tunisiens. Autrement dit, une dette qu'il est juste de qualifier d'odieuse et qui doit être, de ce fait, répudiée.
La Tunisie a besoin de mobiliser, de toute urgence, toutes ses ressources financières, afin de faire face aux nécessités de la situation actuelle, notamment l'extrême pauvreté, l'indemnisation des chômeurs, l'amélioration de la situation matérielle des salariés, etc.
Dans le même temps, on annonce des initiatives étrangères, qui consistent à mobiliser dans l'immédiat une «aide» d'urgence à la Tunisie; plus particulièrement celles de la Commission européenne et de l'Etat français. Sans compter les centaines de millions d'euros que prêtent la Banque européenne d'investissement et la Banque africaine de développement à la Tunisie.
Ce sont des aides qui nous sont nécessaires en cette période critique; pensez-vous le contraire?
D'abord ce sont des dettes que nous devons rembourser, même si elles sont avancées comme «aides». Nous n'avons pas besoin davantage de dettes, puisque la Tunisie dispose actuellement des ressources financières nécessaires pour faire face à l'urgence sociale, comme le prouve la déclaration de Mustapha Nabli. Cet ex-haut fonctionnaire de la Banque mondiale, ex-ministre des Finances de Ben Ali et actuel gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, depuis le 15 janvier 2011, a déclaré, depuis cette date, son intention de remboursement du service de la dette publique extérieure pour l'année 2010! Nous exigeons, donc, du gouvernement transitoire la suspension de ce paiement eu égard à la situation exceptionnelle que traverse notre pays et au vu des besoins sociaux immenses.
Quel argumentaire plaidez-vous pour une telle requête?
Cette demande se fonde notamment sur l'argument juridique de l'état de nécessité qui permet aux Etats se trouvant dans des difficultés financières de suspendre unilatéralement le paiement de leurs dettes pour donner la priorité aux besoins de la population. Cette suspension s'impose, d'autant qu'une part importante de la dette publique extérieure de la Tunisie est une dette privée du dictateur Ben Ali, n'ayant pas bénéficié au peuple tunisien.
Qu'entendez vous par «l'état de nécessité»?
«L'état de nécessité» correspond à une situation de «danger pour l'existence de l'Etat, pour sa survie politique ou sa survie économique». Pour la Commission du droit international de l'ONU, cet argument peut être invoqué lorsque «ce fait aura été l'unique moyen de sauvegarder l'intérêt essentiel de l'Etat à l'encontre d'un danger grave et imminent».
En effet, comme le souligne la Commission du droit international: «On ne peut attendre d'un Etat qu'il ferme ses écoles et ses universités et ses tribunaux, qu'il abandonne les services publics de telle sorte qu'il livre sa communauté au chaos et à l'anarchie simplement pour disposer ainsi de l'argent afin de rembourser ses créanciers étrangers ou nationaux. Il y a des limites à ce qu'on peut raisonnablement attendre d'un Etat, de la même façon que pour un individu...».
Tout comme la force majeure, l'état de nécessité peut fonder la suspension et la répudiation/annulation (si l'état de nécessité se prolonge) de dettes contractées vis-à-vis à d'autres Etats, d'organisations internationales et d'entités privées.
Le bilan que vous présentez semble logique. Quelles sont les réticences par rapport à ces revendications?
La finance internationale ne l'entend pas de cette oreille. Le déboulonnement du dictateur a été sanctionné par les agences de notation de la Tunisie (R&I, Fitch, Moody's et Standard & Poor's) en baissant sa note! Le peuple tunisien qui vient de recouvrir sa liberté en chassant son dictateur écope une mauvaise note.
Réagissant à cette baisse, certaines personnes, souvent bien intentionnées, ont tiré la sonnette d'alarme : la baisse de la note serait porteuse de menaces, notamment le renchérissement du coût de l'emprunt. En effet, quand la note baisse, la prime de risque augmente, donc l'emprunt coûte plus cher, risquant par là même de compliquer davantage la situation financière de la Tunisie.
Vous soutenez que la baisse de la note de la Tunisie est une sanction pour la révolution?
Nous insistons sur le fait que la baisse de la notation de la Tunisie n'est pas une réponse à la campagne de l'annulation de la dette que l'association Raid Attac Cadtm Tunisie vient de lancer, mais plutôt une sanction de la révolution. Cela dit, c'est une preuve, on ne peut plus claire, que la logique qui sous-tend la dette est une logique qui est contraire aux intérêts vitaux du peuple tunisien, et par conséquent justifie notre action qui vise son annulation.
Il n'existe pas, en droit international, d'obligation absolue de rembourser les dettes. En revanche, le droit international impose aux pouvoirs publics de protéger en priorité les droits humains.
Compte tenu du poids de la dette publique et de l'impact des mesures d'austérité sur les populations au Nord et au Sud, les gouvernements doivent user de leur droit de suspendre unilatéralement le remboursement des dettes publiques, à l'instar de l'Argentine (en 2001 et 2005) et de l'Equateur (en 2008) qui l'ont fait de manière partielle. Pendant cette période de suspension de paiement de la dette (avec gel des intérêts), ces gouvernements ont intérêt à mener des audits de leurs dettes publiques (externes et internes) afin d'identifier les irrégularités entachant certains contrats de prêts.
Ils peuvent ensuite invoquer les règles du droit international public (mais pas seulement) pour déclarer unilatéralement la nullité des dettes illicites, comme l'a fait récemment le Paraguay en 2005. Cet exemple n'est pas un cas isolé. Plusieurs gouvernements, dans l'Histoire, ont refusé de payer une dette héritée du régime qui les précédait, arguant que cette dette n'engageait que le régime en question, non l'Etat.
Mais l'annulation de la dette risque fort d'aggraver la situation financière de la Tunisie?
Face à la dette, il n'y a que deux positions tenables : la docilité absolue ou la rupture totale. Notre choix est la rupture des liens de la dette. De ce point de vue, il n'y a plus de place à la question de la notation. Ceux qui nous opposent cette question se situent, bien au contraire, dans la logique de la soumission à la dette.
A votre avis, devons-nous craindre la rupture avec la dette, en d'autres termes la campagne de l'annulation de la dette est-elle porteuse de risques financiers pour la Tunisie?
Notre réponse est catégorique : non; la répudiation de la dette va dans le sens des intérêts de la Tunisie. En effet, elle a intérêt à la rupture puisque le solde des transferts nets, au titre de la dette à moyen et à long terme, est négatif. En d'autres termes, la Tunisie, du moins sur les 23 dernières années, a remboursé plus qu'elle n'a reçu au titre de l'endettement extérieur. Elle est fournisseur net de capitaux. En arrêtant les remboursements, c'est vrai que la Tunisie n'aura plus, peut-être, de nouveaux prêts, mais en bout de course, elle aura tout de même gagné financièrement, et, bien sûr, politiquement puisque sa souveraineté en sera renforcée. Alors, de grâce cessons de parler de l'endettement en tant que source de financement.
Pouvez-vous être plus clair?
C'est simple, si on ne paie plus la dette, on n'a plus besoin d'emprunter et on utilise l'argent prévu au budget pour le remboursement de la dette pour augmenter les dépenses sociales et stimuler l'économie. On prélève également des impôts sur les hauts revenus, sur les grandes fortunes et sur les bénéfices des grandes entreprises nationales ou étrangères. Il faut aussi baisser la TVA sur les produits et services de première nécessité, instaurer un contrôle des changes et des mouvements de capitaux pour éviter leur fuite vers l'extérieur. Il y a lieu aussi de combattre durement la grande fraude fiscale.
Enfin, si on répudie la dette et qu'on ne contracte pas de nouveaux emprunts extérieurs on n'a pas à se préoccuper de la dégradation de la cote de la Tunisie par les marchés financiers.
Vous parlez de dettes odieuses qui ont profité uniquement à Ben Ali et à son clan. Comment pouvons-nous en être sûrs surtout que ces dernières années, nous avons tout de même observé de grandes réalisations tels que des ponts et des autoroutes?
Pendant la durée de suspension de paiement, un audit sur l'intégralité de la dette publique tunisienne (externe et interne) devrait être mené pour déterminer la part illégitime, celle qui n'a pas profité au peuple.
Vous avez plaidé votre cause devant le parlement européen à Bruxelles le 24 mars dernier. Quel impact a eu cette action?
Une pétition signée jusqu'à ce jour par une soixantaine de parlementaires qui soutiennent notre cause suivra une visite d'une délégation de 5 parlementaires prévue le 5 mai. Et le combat continue.


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