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Ego surdimensionné et démocratie
Publié dans La Presse de Tunisie le 16 - 10 - 2011


Par Hmida BEN ROMDHANE
Le destin de tout un peuple dépend des fois d'un détail d'une futilité à peine croyable. Tenez, nous autres Tunisiens par exemple, notre destin aurait pu être tout autre si le fondateur de la République, Habib Bourguiba, avait été plus modeste et moins égocentrique.
Cet homme, qui avait beaucoup fait pour ce pays, avait raté l'essentiel: résoudre l'épineuse question de la transmission du pouvoir en douceur et pacifiquement, ce qui implique nécessairement l'édification d'institutions démocratiques.
L'idée même de démocratie est incompatible avec la psychologie du premier président tunisien. Quelqu'un qui se permet, sans le moindre embarras, de se faire appeler pendant des décennies «Combattant suprême»; qui se délecte d'écouter à longueur de journée artistes, musiciens et poètes chanter ses louanges; qui fait de son anniversaire personnel un événement national où tout un pays est mobilisé pour tresser des lauriers à son chef; qui considère la moindre critique comme une atteinte à sa dignité et à son honneur; un tel homme est congénitalement incapable de gouverner démocratiquement et d'accepter l'idée de l'alternance au pouvoir.
L'ego exagérément gonflé du «Combattant suprême» constituait une sorte de barrage qui empêchait le peuple tunisien de s'exprimer librement, de critiquer son chef et de contester tel ou tel choix politique. L'immodestie absolue de Bourguiba l'a poussé à traiter par le mépris non seulement les règles démocratiques de base dont aurait pu et dû bénéficier le peuple tunisien depuis l'indépendance, mais, plus grave encore, à ignorer les règles implacables de la nature qui font que plus on avance dans l'âge, moins on est apte physiquement et mentalement à gouverner un pays et à diriger un peuple.
Peut-être la décision la plus déshonorante de Bourguiba était de se faire couronner président à vie. Déshonorante pour lui d'abord, car une vingtaine d'années après avoir destitué le bey, il se fait lui-même couronner roi. En effet, qu'est-ce qu'un roi sinon un gouvernant à vie? Déshonorante pour le peuple ensuite, car ma génération et celle de mon père vivions très mal cette condescendance diffuse en provenance de l'étranger, cette dévalorisation de la Tunisie et des Tunisiens qu'avait provoqué la manipulation de la Constitution tunisienne visant à transformer un président en roi.
Le plus terrifiant dans tout ça est que la nature s'est furieusement vengée de la violation de sa loi relative à la vieillesse. Elle s'est vengée de celui qui a pris la décision de la présidence à vie. Le président à vie a fini en loque humaine où l'incontinence, les défaillances de mémoire et l'incapacité de faire deux pas sans se faire soutenir étaient les maux les plus visibles. Ceux qui ont la trentaine aujourd'hui gardent sans doute quelques souvenirs d'enfance de ces apparitions télévisées scandaleuses d'un président amorphe, inconscient de sa fonction et de ses responsabilités.
Mais la vengeance a atteint aussi le peuple qui a accepté sans broncher la décision contre nature de la présidence à vie. D'abord en vivant pendant une longue période l'écrasante incertitude du lendemain avec tous les inconvénients et les répercussions négatives sur l'économie du pays et sur la psychologie collective de ses habitants. Ensuite en se retrouvant sous le joug d'une dictature mafieuse qui a duré 23 ans. Un long calvaire dont on aurait fait l'économie si Bourguiba avait été suffisamment modeste et raisonnable pour doter le pays d'institutions démocratiques, ce qui lui aurait évité sans doute les désagréments de l'incertitude et les angoisses face aux dangers de fin de règne et du vide politique.
Mais malgré un ego trop gonflé, en dépit d'une carrière de dictateur intraitable, Bourguiba, il faut le reconnaître, a rendu d'éminents services à ce pays. A un moment où d'autres dirigeants, comme le Chah d'Iran, réservaient jusqu'à 45% du budget de l'Etat au ministère de la Défense, le nôtre consacrait le tiers du maigre budget de l'Etat au ministère de l'Education nationale, au point de susciter les critiques des «experts» étrangers qui ne comprenaient pas qu'un seul secteur pût absorber à lui tout seul le gros des maigres ressources d'un pays pauvre.
Avec du recul, on se rend compte maintenant que c'est grâce à cet investissement massif dans l'éducation que la Tunisie a pu négocier avec le minimum de dégâts le processus révolutionnaire qui a mis fin à une dictature pourrie et ouvert la voie à une démocratie balbutiante. C'est grâce à cet investissement massif que nous avons pu éviter le sort que nous souhaitait Kadhafi : la «somalisation» de la Tunisie. Dan une interview accordée à Nessma TV, le dictateur ubuesque disait redouter «la somalisation de la Tunisie». Mais tout le monde savait que son désir le plus ardent était de voir notre pays sombrer dans l'anarchie et le chaos. Il se préparait même à en être l'instigateur et il nous aurait fait sans doute trop de mal, n'eût été le déclenchement inespéré et in extremis de la révolution libyenne.
Cette année, le peuple somalien est entré dans sa vingtième année de guerre civile déclenchée à la suite de l'effondrement de la dictature de Mohamed Siad Barré en 1991. La différence entre celui-ci et Bourguiba est que le premier a dirigé d'une main de fer la Somalie en cultivant l'ignorance et en nourrissant le tribalisme, le second a dirigé d'une main de fer la Tunisie en œuvrant à éradiquer ces tares mortelles. Les résultats sont clairement visibles aujourd'hui: vingt ans après l'effondrement de leur dictature, les Somaliens s'entredéchirent encore. Trois jours après l'effondrement de la leur, les Tunisiens ont repris le travail et s'apprêtent à jeter, dimanche prochain, les premières fondations de leur démocratie naissante.
Cependant, force est de constater que cet investissement massif dans l'éducation n'a pas empêché l'éclosion d'un fanatisme obscurantiste qui tente actuellement de faire obstruction au développement démocratique que le pays entreprend laborieusement depuis le 14 janvier dernier. Mais s'il n'a pas empêché l'émergence de ce fanatisme obscurantiste, l'investissement massif dans l'éducation finira incontestablement par l'isoler et le pousser hors de l'environnement social et politique tunisien. Ce n'est pas la première fois que la lumière et l'obscurité entrent en collision. Mais chaque fois que ça arrive, c'est celle-là qui a toujours fini par l'emporter.


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