Par Aboubaker MAGHRAOUI La construction d'une Tunisie progressiste, moderniste et tolérante passera par la mise en place d'un régime présidentiel ou semi-parlementaire. Aujourd'hui, se dessinent de plus en plus deux camps distincts au sein de l'Assemblée constituante: un premier camp mené par le parti Ennahdha et un second formé d'une alliance de partis prônant la modernité et le progrès comme vecteurs de la vie politique en Tunisie. Or tout le monde s'accorde à dire que nous n'avons pas le droit d'exclure le premier camp de la vie politique tunisienne, ils en sont acteurs et représentent une fraction importante de nos concitoyens. La seconde vérité est que ce premier camp n'est pas non plus celui dont les idées ont été affirmées et revendiquées comme progressistes et modernistes. La Tunisie n'a pas fait la révolution du 14 janvier pour donner de nouveau à un parti une concentration des trois pouvoirs. C'est pourquoi nos élus lors de l'Assemblée constituante doivent veiller à ce que la justice demeure indépendante lors de ce nouveau processus républicain. Oui, la justice doit toujours être indépendante de toute considération politique et idéologique et ne jamais être confisquée. Il reste deux pouvoirs à dissocier, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif. Ceux qui sont élus pour faire les lois ne devraient pas élire le gouvernement, d'autant plus dans une démocratie naissante où les valeurs démocratiques et républicaines ne sont pas encore définitivement ancrées. Un régime parlementaire favorise les extrêmes. Au mieux, il en fait une minorité de blocage dont les voix sont nécessaires à tout camp pour remporter la majorité et constituer un gouvernement. Ainsi, demain s'il y a un régime parlementaire en Tunisie, à considérer que les partis les plus idéologiquement extrêmes obtiennent cette minorité de blocage, ils seront les faiseurs de roi et exigeront d'occuper dans le gouvernement formé des postes régaliens à l'instar du ministère de la Défense ou celui des Affaires étrangères. Est-ce réellement cela que l'on veut pour la Tunisie de demain ? Au pire des cas, considérons que des partis à tendance religieuse l'emportent dans un régime parlementaire. Ils vont eux-mêmes désigner au sein de leur propre mouvance les membres d'un futur gouvernement. Ils auront alors entre les mains le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, et obéiront à une Constitution qui ne sera pas non plus laïque comme l'est celle de la Turquie. Désormais, nous ne pouvons plus nous permettre de compromis ni de concession. Nous construisons aujourd'hui notre avenir. Si la future Constitution tunisienne n'est pas laïque, restons fermes et exigeons de nos élus qu'ils nous orientent vers un régime présidentiel ou semi-parlementaire. D'ici là, les stratégies politiques vont se dévoiler et nous verrons qu'une force politique précise revendiquera ce régime parlementaire sans offrir aucune garantie pour la démocratie et nos libertés individuelles.